jeudi 19 septembre 2024

Dominique Rocheteau tacle le PSG : « Quand on change d’entraîneur tous les ans, c’est difficile d’avoir des résultats »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

L’ancien attaquant de Saint-Etienne et du PSG Dominique Rocheteau se livre comme jamais dans « Foot sentimental » aux éditions le cherche midi. L’exBleus, vainqueur de l’Euro en 1984, se livre aussi en exclusivité pour Football magazine et Le Quotidien Du Sport.

Quand vous voyez la Coupe du monde qui va passer à 48, la réforme de la Ligue des Champions, ça ne doit pas vous plaire…

C’est le toujours plus. Il faut faire attention. Même s’il y a toujours autant de monde dans les stades, l’image du football est quand même égratignée. Beaucoup préfèrent aller voir un match de rugby, on est plus tranquille, on peut y aller en famille. Sans parler de l’argent.

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Les montants qui circulent… Que les joueurs gagnent très bien leur vie, d’accord, mais parfois ça devient démentiel. C’est le toujours plus d’argent. En Ligue des Champions, il va y avoir encore plus d’équipes. Que ça évolue, oui, mais ça n’évolue pas forcément dans le bon sens, davantage dans celui de l’aspect financier.

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Dominique Rocheteau appelle le PSG à plus de sagesse

Le rugby peut-il mettre à mal le leadership du football ?

Il peut y avoir des gens qui se détournent du football. Le football doit rester un sport populaire comme il a toujours été. C’est le sport populaire par excellence qui est accessible à tout le monde. Il l’est moins ne seraitce que par les chaînes privées, les stades qui sont construits par rapport aux VIP et aux loges. Il y a donc moins d’accès pour les gens qui ne sont pas forcément fortunés. On l’a vu en Angleterre.

Le PSG, c’est le symbole de l’argent, non ?

Comme tous les grands clubs ! Le PSG est changer chaque année d’entraîneur, il n’y a pas de continuité. Il faut qu’il y ait une continuité à tous les niveaux, du jeu, des joueurs, du staff, de l’entraîneur. Quand on change d’entraîneur tous les ans, c’est difficile d’avoir des résultats.

Manchester City a mis du temps, mais y est arrivé en s’inscrivant dans la durée avec le même coach, Guardiola, le même groupe de joueurs, pour finalement décrocher la Ligue des Champions. Quand vous changez d’entraîneur tout le temps, vous recommencez à zéro à chaque fois.

Un groupe, ça se construit dans le temps. Laurent Blanc avait obtenu des bons résultats. Ancelotti aussi, etc. Et, du jour au lendemain, alors que c’était Ancelotti, c’est fini !

Rocheteau milite pour une stabilité sur les bancs

Aimeriezvous être joueur aujourd’hui ?

J’ai joué avec de grands joueurs, Michel Platini, Safet Susic, etc., mais j’aurais bien aimé jouer au PSG avec des joueurs comme Mbappé, qui allie vitesse, coup de rein et intelligence de jeu, ou Messi !

Des joueurs allaient-ils aussi vite que Mbappé à l’époque ?

Oui, mais c’était la façon de filmer qui était différente. On a l’impression que ça va moins vite, mais non. Il y a eu une évolution au niveau des caméras dans les années 80. Cette impression de vitesse a transformé le football. J’ai revu pendant la Covid St-Etienne-Kiev. Il n’y avait qu’une caméra !

Le dernier Ballon d’Or a été donné à Messi. Lui auriez-vous donné ?

Le Ballon d’Or est une belle récompense, un beau trophée, mais c’est devenu trop important, pour certains même plus important qu’un titre de champion. On individualise le football alors que c’est avant tout un sport collectif. J’ai l’impression que les joueurs vont essayer de jouer jusqu’à 50 ans pour marquer le plus de buts. Ce sont les stats, les stats, les stats ! Quand j’ai quitté le PSG, je ne savais même pas que j’avais marqué 100 buts !

« Le Ballon d’Or est devenu plus important qu’un titre de champion »

Quel regard portez-vous sur Saint-Etienne qui est retombé en Ligue 2 ?

La place du club n’est pas en Ligue 2. Dès qu’il y a quelques résultats, le stade est plein. C’est fabuleux ! Il y a toujours cette ferveur autour du club. On dit que les grands clubs ne meurent jamais, c’est le cas même si la concurrence est rude, avec de gros budgets. C’est difficile de garder de très bons jeunes quand tu es à Saint-Etienne ou même à Lens. Les Lensois ont fait une super saison et leurs deux meilleurs joueurs sont partis ! Mais Lens est

un bon exemple à suivre pour moi pour rivaliser avec les grands clubs. C’est un peu le nouveau Saint-Etienne, avec un esprit, un public, un recrutement intelligent, un entraîneur avec un esprit qui colle bien au club et aux supporteurs. Le choix des personnes est important, c’est ce qui fait le succès d’un club. Il n’y a pas que l’argent qui compte. Heureusement !

Vous parlez beaucoup des supporteurs dans votre livre. Vous militez pour qu’ils s’unissent ?

La majorité des supporteurs sont fabuleux. Le foot, c’est leur vie. Après, il y a des minorités qui n’ont rien à faire au stade, qui n’ont rien à faire dans le football et là il faut être hyper sévère. Il faut intégrer les supporteurs. Ce ne sont pas que des gens qui payent leur place comme quand tu vas au théâtre. Ils s’investissent dans leur club. Il faut les écouter aussi. Pourquoi ils ne seraient pas dans les instances, pourquoi on ne les intégrerait pas dans la famille du football ?

« Lens c’est le nouveau Saint-Etienne »

Fautil interdire les déplacements de supporteurs ?

Je n’y suis pas favorable. C’est la solution de facilité. Je n’ai pas envie qu’on en arrive à jouer dans des stades vides. Il faut trouver d’autres solutions et responsabiliser les supporteurs et qu’eux fassent aussi le ménage dans leurs rangs. Les Anglais ont trouvé la solution en mettant les places très chères. Mais ça aseptise l’ambiance du stade. Durant la Coupe du monde de rugby, même si ce sont des pays, c’était fabuleux les ambiances dans les stades !

Le football devraitil s’inspirer davantage du rugby ?

Oui, ne serait-ce que dans les règles. On pourrait en adapter certaines au football. Nos instances ont toujours été frileuses et tardives. La vidéo n’est venue que tardivement. On voit la différence entre la L1 qui l’a et la L2 qui ne l’a pas et il y a beaucoup plus d’erreurs. L’exclusion de 10 minutes qui existe au rugby, je ne comprends pas pourquoi le foot ne l’a pas mise en place. Ça sanctionne tout de suite !

La règle des 10 mètres quand on conteste serait également une bonne chose. Ça éviterait que des joueurs aillent systématiquement vers l’arbitre pour discuter. J’ai croisé les joueurs de rugby de La Rochelle. Il y a un esprit, un collectif, un groupe alors que le foot devient de plus en plus individualiste.

« Le consultant doit apporter sa connaissance du foot, pas le buzz »

Vous avez été consultant, mais vous n’aimez pas ce buzz à tout prix.

Il y a de bons consultants, ceux qui parlent vraiment du jeu. Mais quand je vois certains consultants, je ne veux pas citer de noms, ils ont un peu oublié qu’ils ont été footballeurs… Il faut un peu d’humilité. Les journalistes qui critiquent ou encensent, c’est leur métier. Le consultant doit lui apporter autre chose. Tomber dans la critique systématique, ça me gêne.

Selon vous, le foot devrait sinspirer également de la NBA. Pouvezvous préciser votre pensée ?

Ce qui m’intéressait dans la NBA, c’est la répartition des budgets au niveau des clubs. Mais avec la NBA, on rentre dans le sport spectacle. Ça devient un sport à deux vitesses et on va vers ça dans le football. Il y a un fossé énorme entre le football amateur et le football professionnel. Il faudrait mieux répartir les richesses, les droits télés. Pas loin de 5000 clubs ont disparu !

Dans les petits villages. Pour des raisons financières, par manque de bénévoles. C’est quand même la base du football et moi j’ai envie de m’engager. Pour essayer de faire changer les choses, il faut s’engager dans les instances. Pas à la Fédération, mais dans ma région, à Royan, dans un club, dans un district ou dans une Ligue. Il y a des choses à changer. Quand on voit les sommes d’argent qu’on met dans le football professionnel, dans le milieu des agents les sommes qui circulent, ce serait bien de redonner un peu à la base.

Dominique Rocheteau peste contre la disparition de 5000 clubs

Ne se diriget-on pas vers une Ligue fermée comme en NBA ?

Je ne suis pas pour. Il ne faut pas que ce soit les clubs qui dirigent le sport ! Malheureusement, certains clubs cherchent à faire ça. Mais j’espère qu’on n’en arrivera pas là. En tout cas, il faut tirer la sonnette d’alarme. Il faut qu’il y ait plus de moralité dans le football. Mon expérience au comité d’éthique n’a pas été très bénéfique.

Je suis ressorti déçu de ces 10 ans comme président de la commission d’éthique de la Fédération, et quatre, cinq ans à la FIFA. Je me suis très vite aperçu qu’on n’était pas complètement indépendant, on dépendait des instances, on n’avait pas forcément de pouvoir. C’était pour l’image.

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