Les Jeux de Paris, leurs quatrièmes après Londres (2012), Rio (2016) et Tokyo (2021), auront été leur dernière compétition en tant qu’arbitres. Sur le terrain, les jumelles Julie et Charlotte Bonaventura (44 ans) ne faisaient qu’un. Elles parlent d’une seule voix. Entretien pour Handball magazine et Le Quotidien Du Sport.
L’arbitre de foot Clément Turpin aurait gagné 260 000 euros en 2023… Cela vous inspire quoi ?
On en est très loin ! Je ne saurais même pas dire combien on gagnait par an. En D1 garçons, par match, c’est 600 euros et 350 euros en D1 féminine et en D2 garçons. Au niveau international, ça dépend du niveau que vous arbitrez, de la période dans laquelle vous arbitrez, par exemple les matches de Ligue des Champions masculins, c’est en fonction du tour. Après les quarts, le montant évolue. Disons qu’en Ligue des Champions, c’est 800 euros. Mais, derrière, il faut payer vos charges.
Une chose est sûre, il ne faut pas se lancer dans l’arbitrage pour gagner de l’argent ! Vous ne pouvez pas en vivre. A un moment, les Coréens étaient libérés pour pouvoir aller arbitrer. Il n’y a que les Hongrois qui sont passés professionnels depuis quelques mois.
Ce sont les premiers arbitres professionnels dans le monde. On va pouvoir voir si c’est une bonne formule. En France, en tout cas, il n’y a pas d’arbitres pros. On n’est pas mensualisé et si on se blesse on n’a rien ! C’est pour ça que tous les arbitres élite en France ont un vrai travail à côté.
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Clément Turpin a gagné 263 000 €
Sur les 42 arbitres de StarLigue, on retrouve 11 femmes avec 5 binômes féminins. Est-ce encourageant ?
C’est beaucoup par rapport à il y a 10 ans. Quand on a débarqué en élite, on était les seules. Sylvie Borrotti et Odile Marcet finissaient leur carrière. Ensuite, on a été les seules pendant longtemps. C’est beaucoup d’un coup parce que cinq binômes sont montés en pré élite et en élite. Pour certains, ça fait peut-être trop de voir autant de filles arriver d’un coup… C’est une question de compétence. On ne prend pas des femmes pour prendre des femmes. Il n’y a pas de quotas.
Certains hommes ont-ils encore du mal à voir des femmes arbitrer ?
Les mentalités ont quand même bien changé depuis qu’on a commencé. C’était compliqué, pas seulement pour les hommes, mais pour tout le monde de voir des femmes arbitrer des hommes, voire même des femmes arbitrer tout court. Ce sont les mentalités de la société en général.
Il y a toujours du mal à positionner des femmes présidentes d’un groupe important ou de les mettre à des postes clés dans les entreprises. Maintenant, je pense que les mentalités ont changé et que c’est la compétence avant tout qui prime même si, forcément, culturellement, il y a toujours des résistances par-ci par-là. Mais il y a quand même une plus grande ouverture aujourd’hui et tant mieux.
« Un 3ème arbitre ne serait pas forcément un plus »
Vous avez été précurseur dans pas mal de domaines, mais il vous manque une grande finale masculine. Est-ce un regret ?
On aurait très bien pu si la France n’avait pas été en finale du dernier Mondial faire la finale. On nous l’a dit. Ce n’est pas parce qu’on est des femmes. Simplement, nos équipes de France ont été extrêmement performantes. Ce qui fait aussi que les arbitres français performent, c’est qu’on a de très bons joueurs, un très bon championnat. On se doit nous aussi d’être au niveau. Mais on ne peut pas en vouloir aux équipes de France d’être performantes !
Lors des JO de Paris, les garçons ont été éliminés dès les quarts. Vous auriez pu finir sur une finale…
C’est sûr que ça aurait été beau. Après, il y a des contextes, des enjeux qui nous dépassent… On ne maîtrise pas grand-chose à part nos performances. Il n’y a pas du tout de regrets parce qu’on sait qu’on ne décide pas nous-mêmes. On sait qu’on en était capable et, quand on regarde notre parcours, c’est inutile d’avoir des regrets.
« Arbitrer à 3 n’apporte pas de plus »
Beaucoup de sports arbitrent à trois. Pensez-vous qu’on va y venir au handball ?
Il y a des discussions au plus haut niveau de l’EHF depuis de nombreuses années. Il y a eu des essais l’année dernière sur le Super Globe, le championnat du monde des clubs. Ils ont fait un essai à trois arbitres qui n’a pas été très concluant. Personne n’était préparé. Ça faisait un peu triangle des Bermudes ! (sic)
Chacun attendait que l’autre prenne la décision. L’expérience ne devait pas être très agréable pour les arbitres. Ils étaient en terrain inconnu et du coup ils n’avaient plus leurs repères. Il y avait un arbitre coréen avec un Espagnol et un Tchèque… Ça a été testé, mais pas dans les meilleures conditions. Est-ce qu’on y viendra un jour ? Je ne sais pas. L’appui de l’assistance vidéo est-ce ce 3ème œil, cette paire d’yeux qui manque peut-être parfois ?
Grâce aux caméras, il n’y a plus rien qui passe à la trappe. Les mailles du filet sont beaucoup plus resserrées. Faut-il un 3ème arbitre ou la vidéo va-t-elle suffire ? Moi je ne pense pas qu’un 3ème arbitre amène un plus. Pour coordonner déjà deux arbitres, ça prend des années. Si vous rajoutez une 3ème personne au milieu… Au risque d’avoir des désignations aléatoires. Cette semaine, tu siffles avec Dupont et Durand et la semaine prochaine, avec Martin et… La force du duo est importante au handball. Une équation à deux inconnues, ça va, à trois inconnues, ça commence à être compliqué.
La vidéo arrive en StarLigue
La vidéo est arrivée cette saison en StarLigue. Est-ce une bonne chose ?
C’est un plus, une avancée technologique, un outil complémentaire mis à disposition des arbitres. Après, c’est quelle utilisation on en fait et comment c’est présenté notamment par les médias.
Il y a un cadre qui a été défini sur dans quel type de situation les arbitres peuvent aller consulter la vidéo. Si les médias n’en prennent pas connaissance et se disent à chaque fois mais pourquoi les arbitres ne vont pas voir, ça peut prêter à confusion de se dire que les arbitres ont l’outil et qu’ils ne l’utilisent pas. Ce n’est pas qu’ils ne l’utilisent pas, ils ne peuvent simplement pas l’utiliser dans toutes les situations.
Seriez-vous pour qu’on élargisse son utilisation, pour contrôler par exemple si le ballon a franchi la ligne ?
Pour ça, il faudrait qu’il y ait des caméras dans le but, donc ça veut dire un investissement financier différent. A l’heure actuelle, on doit se contenter entre guillemets des caméras, soit de beIN, soit de Handball TV. beIN, c’est 5 ou 6 caméras et Handball TV ça doit être 2. Dans l’idéal, il faudrait doubler celles de Handball TV pour qu’il y ait une équité. Des situations similaires en fonction du diffuseur peuvent être jugées différemment parce que les arbitres n’ont pas les mêmes angles de vue.
Concernant les caméras dans le but, il faut voir sur les derniers championnats du monde et championnat d’Europe combien de cas sont concernés par ce type de situation. C’est vraiment à la marge. L’investissement financier est-il rentable pour trois cas de figure sur la saison ? C’est un choix à faire, même si un but ou pas peut décider d’un résultat quand on a un championnat aussi serré.
« Le but de Prandi n’était pas valable »
Le but de Prandi qui a permis aux Français d’arracher la prolongation en demi-finale de l’Euro contre la Suède divise. Y avait-il but selon vous ?
Le but n’était pas valable ! C’est une erreur de l’avoir accordé. Il n’aurait jamais dû être accepté. Après, en tant que Français, tout le monde était content. Nous, devant notre écran, on s’est dit qu’ils allaient voir la vidéo, qu’ils allaient vérifier…
Depuis, la règle n’a pas changé, elle a été réexpliquée. Le pied d’appui, le pied gauche d’Elohim, devait rester en contact avec le sol. En fait, il s’est décalé, il a fait un pas de côté. Pour aller consulter la vidéo, il faut avoir un doute et là les arbitres étaient comme tout le monde, ils sont restés abasourdis par ce but venu de nulle part et ils sont restés là-dessus. A aucun moment, ils n’ont pensé à aller vérifier.
En foot, ça aurait été un scandale !
Sur le moment, sur le banc, les Suédois n’ont pas réagi non plus (ils ont ensuite déposé une réserve qui a été rejetée, la vidéo étant à la discrétion des arbitres, Ndlr) donc pourquoi les arbitres auraient eu le moindre doute sur la validité. Pour tout le monde, c’était un but magnifique et c’en est resté là. Dans le monde des arbitres, on sait que ce but n’était pas valable. Pour une fois, c’est tombé du bon côté pour les Français. C’est aussi une belle histoire pour le joueur après tout ce qu’il a traversé.
Personne ne relèvera l’erreur d’arbitrage, tout le monde retiendra le magnifique but (sourire). Ce n’est pas plus mal pour les arbitres…
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