lundi 4 novembre 2024

Elric Delord (Mans Sarthe Basket) : « J’ai besoin de partager avec de grands entraîneurs »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

Assistant coach à l’ASVEL de 2013 à 2019 – champion de France en 2016 et 2019 – Elric Delord (40 ans), nominé pour le titre de coach de l’année la saison passée, a pris les rênes du Mans Sarthe Basket en décembre 2019. Rencontre.

On pensait en début de saison que Monaco et l’ASVEL allaient écraser le championnat. Finalement, ce n’est pas le cas.

L’Euroligue est une machine à laver même si les effectifs sont pléthoriques des deux côtés. Monaco a connu un passage délicat qui a conduit au changement d’entraîneur. L’ASVEL a eu beaucoup de blessés dès le début de saison. C’est pour ça que ça a équilibré un peu les forces. On laisse forcément du jus quand on joue l’Euroligue.

Vous prenez-vous à rêver du titre ?

(sourire) Je ne rêve pas. Ce qui m’intéresse, c’est qu’on soit le plus performant possible et qu’on aille le plus loin. Si ça nous amène à un titre, on ne le refusera pas, mais il ne faut pas oublier qu’en face c’est très, très fort et on n’est pas encore à leur niveau. On travaille pour gommer l’écart, mais il nous reste encore beaucoup de travail.

Un titre de champion pour vos 40 ans ce serait sympa !

(Rires) Très honnêtement, le championnat est tellement dense qu’on peut aussi ne pas être en play-off. Il y a des facteurs qu’on ne maîtrise pas comme les blessures. Beaucoup de choses peuvent encore se passer d’ici la fin de championnat.

Si ce n’est pas Le Mans sur qui mettriez-vous une pièce pour le titre ?

Ce n’est pas original si je dis que ça se jouera certainement entre Boulogne, l’ASVEL et Monaco. Sur la dynamique actuelle, je dirais Monaco, mais il y a deux mois j’aurais dit Boulogne et l’ASVEL il y a un mois. Ça va dépendre dans quel état de forme les équipes vont arriver, si elles sont ou non au complet. 

Pourquoi ne pas être resté à l’ASVEL où vous étiez assistant coach ?

Le staff était assez fourni et il y avait moins de place en tant qu’assistant. Cela faisait déjà six ans que j’y étais et j’avais envie d’évoluer, de voir autre chose. Je ne sentais pas non plus le club capable de me donner plus. 

Le poste de numéro 1 était promis à TJ Parker…

Ça m’a paru assez naturel qu’il prenne le poste. C’est quelqu’un de compétent.

Le Mans a été champion en 2018, il n’y a donc pas si longtemps, mais on a l’impression que la Betclic Elite a beaucoup changé avec les deux mastodontes Villeurbanne et Monaco.

Il y a encore quelques années, Le Mans était un top 3 au niveau du budget. Aujourd’hui, on est plutôt en milieu de classement (8ème, Ndlr) même si les budgets sont assez proches entre la 5ème et la 12ème place. Mais certains sont clairement loin devant et d’autres loin derrière. Et forcément ça change les choses. Les blessures sont par exemple plus faciles à gérer quand on a 15 joueurs que 10. 

« L’ASVEL et Monaco tirent tout le monde vers le haut et les clubs se retrouvent avec des joueurs dont ils auraient à peine rêvé il y a quelques années »

Avec les signatures de joueurs comme Mike James, le championnat de France a-t-il pris une autre dimension ?

Clairement. Il y a deux raisons. L’ASVEL et Monaco qui sont deux locomotives qui tirent le championnat vers le haut, mais aussi la Covid qui a occasionné une situation économique compliquée un peu partout. Pas mal de joueurs se sont dits qu’en France ils étaient sûr d’être payés. Ce qui rend notre championnat plus attrayant et plus compétitif. D’autres joueurs commencent à arriver pour la compétitivité de notre championnat.

Vous aussi vous avez votre star avec Dante Cunningham ; 715 matches NBA au compteur !

Un joueur comme Dante et même TaShawn Thomas, on n’aurait peut-être pas réussi à les attirer s’il n’y avait pas eu une certaine compétitivité dans notre championnat. L’ASVEL et Monaco tirent tout le monde vers le haut et tous les clubs du championnat se retrouvent avec des joueurs dont ils auraient à peine rêvé il y a quelques années.

Etes-vous satisfait de l’apport de Dante Cunningham (10,1 points et 4,4 rebonds par match) ?

Les stats, je m’en fous. Ce qui m’intéresse, c’est qu’on soit compétitif et là-dessus Dante apporte énormément. Il est capable de sortir de sa boîte offensivement, mais il est régulièrement présent dans tous les autres aspects. Il est assez constant, notamment défensivement, au rebond. C’est un joueur qui a dû s’acclimater à un nouveau style de jeu. Il n’était pas habitué à ça. Après quelques semaines d’entraînement, il est venu me voir en me disant qu’on courait partout en attaque, en défense. D’habitude, il arrivait dans le corner et il attendait. A 34 ans, avec la carrière qu’il a, il a dû faire preuve d’humilité et c’est un bonheur de l’avoir au quotidien et c’est un bon exemple pour les jeunes.

Que vous apporte son expérience NBA en tant que coach ?

On discute pas mal. Je sais qu’il était souvent en mission sur LeBron James. Il apporte des choses sur la partie défensive, notamment dans la gestion des duels, dans sa capacité à prendre soin de son corps, tout ce qu’il y a à côté de l’entraînement. On a des jeunes joueurs qui rêvent de NBA donc c’est bien qu’il puisse partager son expérience, comment lui a pu faire carrière et une grande carrière alors qu’il y a des joueurs plus talentueux qui n’ont pas réussi en NBA.

Vous a-t-il fait évoluer dans votre coaching ?

Il me fait partager ce qu’il a connu dans la manière d’entraîner, il a quand même été coaché par de grands entraîneurs, le dernier Popovich. Ce n’est pas rien et c’est très enrichissant pour moi.

Justement, quels sont les entraîneurs qui vous inspirent ?

Au niveau basket, Vincent Collet, Aito Garcia Reneses, Zelijko Obradovic ou Jasikevicius. Je m’inspire aussi d’entraîneurs d’autres sports comme Urios en rugby, Guardiola en foot, Pellerin en natation. Au final, on gère tous des êtres humains. Comment ils construisent leurs séances, comment ils gèrent l’aspect collectif, comment ils gèrent l’aspect individuel… J’essaie de m’ouvrir au maximum, de prendre ce qui me paraît important pour mon quotidien et je me construits au travers tout ça. 

En avez-vous rencontré certains ?

J’ai discuté récemment au téléphone avec Christophe Urios. On a longuement discuté. Je vais rencontrer un autre entraîneur cet été. J’ai besoin de discuter, de partager avec de grands entraîneurs pour passer des caps. J’essaie de m’ouvrir et de me construire.

Que vous a apporté la discussion avec l’entraîneur de l’UBB Christophe Urios  

On a parlé plutôt management, comment il se comportait avec ses joueurs notamment la partie collective et individuelle. Une équipe, pour qu’elle passe des paliers, il faut qu’elle joue ensemble et pour qu’elle continue à passer des paliers il faut que les joueurs soient meilleurs individuellement. 

Vous aimez bien surprendre tactiquement en mettant par exemple un pivot sur un meneur. C’est votre marque de fabrique ?

Je n’ai rien inventer. Je fais par rapport à ce que je vois, à ce que je ressens. Quand j’ai pris la tête de l’équipe, c’était censé être juste un intérim. Je n’avais rien à perdre, j’ai donc tenté des choses. Je suis resté en poste et je continue à tenter. Quand on commence à avoir peur de perdre, on prend moins de risques et on fait des choix plus classiques. Je lutte contre ça. J’essaye de toujours trouver ce qui peut nous aider à remporter des matches. 

« Quand j’ai pris la tête de l’équipe, c’était censé être juste un intérim. Je n’avais rien à perdre, j’ai donc tenté des choses. Je suis resté en poste et je continue à tenter »

Le fait de ne pas avoir joué à haut niveau vous a-t-il complexé ?

Non car ce n’est pas le même métier. Il y a beaucoup d’avantages à avoir été un joueur de haut niveau ne serait-ce que par la connaissance du milieu, l’enrichissement personnel de rencontrer tout au long de sa carrière différents entraîneurs. Mais quand on passe de l’autre côté c’est différent. Avoir des objectifs à court et moyen terme, à long terme, comment on transmet, comment on comprend l’autre, ce n’est pas le même métier.

Avoir un nom ne facilite-t-il pas également les choses ?

Les joueurs sont loin d’être stupides et quand ils ont la sensation qu’un entraîneur les aide à progresser le respect vient naturellement. Quand on a eu une carrière de joueur, on a peut-être du crédit plus facilement d’entrée, mais on peut vite le perdre ! A contrario, si on n’a pas été joueur pro, on n’a pas un grand crédit au départ, mais on peut assez vite le gagner. 

Certains joueurs font appel à un coach mental. C’est également votre cas.

Oui. Qu’on soit joueur ou entraîneur, même dans la vie de tous les jours, on a certaines barrières psychologiques qui nous empêchent d’avancer, de nous réaliser pour ce qu’on est, de maximiser notre potentiel. C’est pour ça que j’ai fait la démarche d’aller voir une préparatrice mentale pour m’aider à passer ces caps psychologiques. J’en ai tiré une très grande satisfaction. Mais les meilleurs préparateurs mentaux sont ceux qui nous aident à être autonome et qui font en sorte qu’on ne soit pas dépendant d’eux pour avancer. 

Matthieu Gauzin fait partie des Manceaux qui rêve de NBA. Est-il prêt ?

Je ne comprends pas toujours la draft. Il y a certains joueurs qui me paraissent justes et qui sont pris, d’autres qui me semblent évidents et qui ne sont pas pris. Ce que j’essaie de faire comprendre à Matthieu et Kenny Baptiste, c’est que la draft n’est pas une finalité en soi. Certains ont été draftés et n’ont jamais joué en NBA et d’autres n’ont pas été draftés et ont fait une carrière en NBA. La draft n’est pas la fin de la route. 

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