jeudi 28 mars 2024

F1/Alpine — Ocon/Gasly : une amitié de façade ?

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Eric Mendes
Eric Mendes
Journaliste

Depuis 1950, la Formule 1 n’a eu de cesse de voir de grands pilotes français se succéder. Aujourd’hui, Pierre Gasly et Esteban Ocon tenteront de porter haut les couleurs tricolores chez Alpine. Mais dans l’histoire, l’entente a-t-elle toujours été cordiale entre pilotes français ?

La Formule 1 a toujours fait la part belle à la France et à ses pilotes. Dans son histoire, 79 pilotes différents ont couru en F1. Et, bien évidemment, beaucoup ont dû se côtoyer dans la même équipe comme Pierre Gasly et Esteban Ocon cette saison chez Alpine. Avec plus ou moins de succès. Dès la première année de F1, en 1950, Maurice Trintignant et Robert Manzon ont partagé le volant chez Simca-Gordini, Manzon marquant les uniques points pour l’équipe tricolore.

A cette époque, Louis Rosier avec sa Talbot dominera successivement de nombreux compatriotes comme Henri Louveau, Yves Giraud-Cabantous, Eugène Martin, Philippe Etancelin ou encore Raymond Sommer. Dans les années 1960, Matra Sports est une équipe française de fond de grille qui verra de nombreux pilotes comme Jo Schlesser, Johnny Servoz-Gavin, Henri Pescarolo et Jean-Pierre Beltoise, jusqu’à voir ce dernier partir chez Matra International Tyrrell Racing, en 1969, pour vivre le titre Mondial de Jackie Stewart. Matra reviendra sous pavillon français grâce au soutien d’Elf en 1970 avec aux volants Jean-Pierre Beltoise et Henri Pescarolo, deux amis de toujours.

Alpine a connu de belles doublettes

En 1979, Renault Elf et Ligier Gitanes sont les deux écuries françaises du paddock. La marque au losange fait alors confiance à Jean-Pierre Jabouille et René Arnoux alors que Guy Ligier composera un duo entre Patrick Depailler et Jacques Laffite. Ce dernier duo permettra de finir à la 3ème place du classement constructeurs, quand Renault finira 6ème. Renault continuera à croire aux duos français les années d’après en associant notamment René Arnoux et Alain Prost.

Ce dernier se révélant aux yeux de tous et créant le premier conflit de personnalités avec Arnoux qui prendra la direction de Ferrari en 1983, pour former un duo tricolore chez la Scuderia, avec Patrick Tambay. Chez Ligier, Jacques Laffite aura connu de nombreux compatriotes entre 1976 et 1986 avec notamment Didier Pironi, JeanPierre Jarier, Jean-Pierre Jabouille et Patrick Tambay. Il faudra attendre 1986 pour revoir un duo français chez Ligier avec René Arnoux et Jacques Laffite, ce dernier étant remplacé, pour blessure, par Philippe Alliot qui a une idée précise sur la collaboration entre coéquipier d’un même pays.

« Il faudra éviter les frustrations »

De quoi offrir une véritable tendance sur la future collaboration entre Pierre Gasly et Esteban Ocon chez Alpine. « Ce sont deux garçons qui ont été adversaires, tout au long de leur carrière et notamment au début. Ils se connaissent par cœur. Avec les qualités de l’un et les défauts de l’autre. Ça va être un duel terrible. Tout le monde sait que l’on juge d’abord les performances d’un pilote par rapport à son coéquipier et pas sa performance pure. Le matériel en F1 est devenu plus important qu’avant. On va juger Pierre et Esteban en fonction des résultats de chacun. Même s’il y a aujourd’hui une amitié de façade maintenant, je ne sais pas si elle va durer longtemps. Sur certains circuits, ils vont se retrouver en piste, dans les mêmes zones, et ça va forcément créer des tensions. »

Avant de rajouter. « Il faudra avoir une bonne gestion chez Alpine. Même s’ils ont mûri et qu’ils sont devenus adultes, ça restera deux petits coqs. Ce sera à celui qui dominera l’autre. On l’a vu chez Mercedes entre Rosberg et Hamilton, qui étaient aussi amis. On a toujours connu cela en F1. Le début de saison va être capital. Même s’ils sont sincères dans leur envie commune de faire progresser Alpine, il y aura de la tension et des moments délicats à gérer, un moment donné. »

Coéquipier chez Larousse de Philippe Alliot, en 1989, Yannick Dalmas confirme également qu’il va falloir avoir une vraie gestion d’équipe pour aider à l’épanouissement des deux pilotes français chez Alpine.

Ocon/Gasly, un duel à gérer pour Alpine

« On est toujours comparé avec son coéquipier. La Formule 1 reste un sport individualiste même si les pilotes doivent partager avec leur équipe. Les choses vont se faire naturellement sur la piste. Le plus rapide prendra le dessus sur l’autre. Ce sont deux Français. Deux porte-drapeaux. Je ferais le maximum pour les pousser à bosser main dans la main, et après celui est le plus rapide gagnera son crédit sur la piste. »

« Sur une saison aussi longue, si j’étais le manager de l’équipe, avec le staff et les ingénieurs, je serais intransigeant sur la communication et le travail en commun. Il faudra éviter la frustration et il ne faudra pas faire attention aux médias qui seront plus attentifs à la moindre faute. L’un et l’autre auront beaucoup à prouver. Ils ne sont pas champions du monde comme Hamilton, qui peut réclamer des exigences particulières. Pensez d’abord à l’équipe et faites la meilleure des courses possibles. »

En 1994, Ligier avait offert le dernier duo tricolore avec Olivier Panis et Eric Bernard. Et lors de cette saison, les deux pilotes avaient fini sur le podium lors du Grand Prix d’Allemagne, derrière Gerhard Berger. De bon augure pour Ocon et Gasly ?

Jabouille / Tambay, les précurseurs d’Ocon/Gasly

Dans l’histoire de la Formule 1, Jean-Pierre Jabouille et Patrick Tambay auront forcément une place à part. Véritables passionnés de leur sport, les deux anciens pilotes français étaient toujours enthousiastes à l’idée d’évoquer l’épreuve reine du sport automobile. Le 4 décembre 2022, Patrick Tambay a succombé à la maladie, à 73 ans.

Avec 114 Grands Prix au total entre 1977 et 1986, le natif de Paris avait su gagner ses galons de pilote Ferrari durant deux saisons premier pilote français à avoir aidé la Scuderia à remporter le titre constructeurs. En prenant la suite de Gille Villeneuve, Tambay avait su conquérir le cœur des tifosi en remportant une victoire mémorable au Grand Prix d’Allemagne 1982, mais également une 2ème place en Italie la même année. En 1983, il confirme avec 5 podiums sur les 15 Grands Prix, dont une victoire à Imola, devant Alain Prost. Il aura connu les plus grandes équipes avec McLaren, Ligier, Renault et Haas, pour terminer. En 1987, il devient un consultant apprécié sur Canal +, La Cinq, Motors TV puis RMC.

De son côté, Jean-Pierre Jabouille restera à jamais l’homme de Renault. Il aura aidé à inscrire dans la mémoire collective la marque au losange dans la Formule 1 grâce à son moteur V6 au début des années 1980. Avec 49 Grands Prix entre 1974 et 1981, Jabouille était un vrai technicien et un perfectionniste qui avait rapidement compris l’importance du développement de l’aérodynamisme.

Dans la légende il y a 40 ans

En 1979, le Parisien aura réussi son chef d’œuvre en remportant son premier Grand Prix sur le circuit de Dijon-Prenois, devant son public et avec une RS10, devant Gille Villeneuve et René Arnoux. L’année d’après, il confirmera avec un beau succès au Grand Prix d’Autriche. Mais un grave accident en 1981 viendra mettre un frein à sa carrière pour lancer celle d’un certain Alain Prost.

Il continuera, en coulisses, à aider au développement des voitures, tout en continuant sa carrière au volant, notamment aux 24 Heures du Mans en 1992 et 1993. Et tout au long de ces années, jusqu’à sa disparition le 2 février dernier, il aura continué à avoir un œil attentif sur son épreuve fétiche. Et nul ne doute que de là-haut, Jabouille et Tambay continueront à suivre la Formule 1 pour en débattre ensemble avec la même passion qui les animait.

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