Commentateurs de la F1 sur Canal + et le groupe TF1, Julien Fébreau et Adrien Paviot livrent leur regard sur la nouvelle saison. Entre un Lewis Hamilton à la recherche d’un 8ème titre, le retour de Fernando Alonso, les ambitions des Français ou les grands débuts de Mick Schumacher, il y a beaucoup à dire…
Comment voyez-vous cette nouvelle saison ?
Julien Fébreau : « J’entends qu’elle sera similaire à la précédente, qu’il y a peu de changements mais, si on regarde plus en détails, il y a des changements importants au contraire. Les pneus évoluent, Pirelli a changé leur structure par exemple. En termes de technique, le fond plat va être redessiné avec moins d’appuis aérodynamiques. Il y a aussi des changements sportifs importants avec seulement trois écuries qui gardent leur duo de pilotes, un calendrier record avec 23 Grands Prix. Tout cela rend la saison passionnante. »
Adrien Paviot : « Elle va être très intéressante après la saison inédite connue l’an dernier. Entre les huis clos, le confinement, on a eu droit à des courses insolites. Je vais suivre avec attention Ferrari. Je mise beaucoup sur un retour au premier plan. L’écurie a mangé son pain noir. Red Bull va être fort avec Pérez aux côtés de Verstappen. Avec Max Verstappen et Charles Leclerc, on a des jeunes qui vont donner du plaisir et des émotions. »
Selon Fébreau, la saison 2021 sera différente de 2020
Qui peut battre Lewis Hamilton ?
J.F. : « Sept fois champion du monde, il part avec l’étiquette de favori. Ça va être compliqué de le battre, mais des pilotes comme Verstappen peuvent le pousser dans ses derniers retranchements. Mercedes a connu des problèmes de fiabilité moteur. Verstappen et Pérez vont avoir, chez Red Bull, le moteur Honda prévu pour 2022. Il va être intéressant de voir comment ce moteur va réagir. »
A.P. : « Le battre, personne je pense, même si quelques pilotes comme Bottas ou Verstappen peuvent s’en approcher. Sergio Pérez a gagné une course l’an dernier, avec la Red Bull il peut être pas mal aussi. Hamilton a déjà gagné sept titres, il peut encore entrer un peu plus dans l’histoire, mais il n’aura pas plus de pression
qu’avant, il se la met tout seul, la gère parfaitement, c’est un tel professionnel. En plus, il est dans la meilleure équipe, Mercedes, il n’y a pas de débat possible, ils sont les meilleurs. »
« Vettel va être de nouveau motivé, il va retrouver dans sa nouvelle écurie l’attention et les honneurs qu’il n’avait plus chez Ferrari »
Que signifie, pour vous, sa prolongation d’un an seulement ?
J.F. : « Il va y avoir beaucoup de changements en 2022, il voulait certainement avoir le choix. Tout dépend qu’elles seront ses motivations à la fin de l’année. C’est un garçon qui s’intéresse à beaucoup de choses, la mode, l’art, etc …, il voudra peut-être partir sur autre chose. »
A.P. : « Ça m’a surpris, mais je pense que sa retraite arrivera bientôt car ce serait bien dans le style du personnage de partir au sommet. Pas comme Räikkönen ou Alonso. »
Lewis Hamilton est-il le meilleur pilote de tous les temps ?
J.F. : « Impossible à dire, on ne peut pas comparer les générations, ça dépend de la sensibilité des gens. Personnellement, je suis de la génération de Michael Schumacher, c’est avec lui que j’ai aimé la course automobile. »
A.P. : « Hamilton est vraiment impressionnant, mais je citerais Senna et Alonso. Ce sont de vrais génies du pilotage, dans la préparation. Alonso n’a pas le palmarès qu’il aurait dû avoir car il a fait des choix, mais ça reste pour moi un génie. »
« Verstappen peut pousser Hamilton dans ses derniers retranchements »
Quelles peuvent être les surprises ou les révélations de la saison ?
J.F. : « J’ai hâte de voir l’association Ricciardo McLaren avec un changement de moteur pour l’écurie, Mercedes remplaçant Renault. Il y a beaucoup d’attentes aussi autour d’Aston Martin avec Sebastian Vettel, le retour de Fernando Alonso, très attendu, c’est un personnage de la F1. Vettel va de nouveau se motiver, il va retrouver dans sa nouvelle écurie l’attention et les honneurs qu’il n’avait plus chez Ferrari. »
A.P. : « Sainz chez Ferrari aux côtés de Charles Leclerc. Le projet Alpine aussi. C’est une super idée d’avoir pris Fernando Alonso, il va bien aider Esteban Ocon. »
Si vous deviez choisir un duel palpitant entre pilotes ou entre équipes cette année ?
J.F. : « La bataille Hamilton-Verstappen-Vettel peut être sympa à suivre. »
A.P. : « Le duel Hamilton-Verstappen. Si on pouvait avoir de belles passes d’armes comme à Monaco en 2019 ce serait extraordinaire.
« Je vais suivre avec attention Ferrari. L’écurie a mangé son pain noir »
Mick Schumacher fait ses débuts en F1 au sein d’une équipe, Haas, faible. Est-ce un bon choix ?
J.F. : « Il se retrouve chez Haas qui a déjà dit qu’il n’y aurait pas d’évolution de la voiture. C’est un apprentissage compliqué, son objectif sera de battre son coéquipier. C’est impératif pour lui. J’aurais préféré le voir chez Alfa Romeo, il était aussi dans le giron Ferrari puisqu’il faisait aussi partie de la Ferrari Driver Academy, mais il va apprendre dans des conditions difficiles, c’est formateur. »
A.P. : « Ça va être très dur pour lui. Il va être un peu tout seul, il n’aura pas un coéquipier expérimenté sur lequel s’appuyer. On a vu les difficultés de Romain Grosjean l’an dernier. C’est une équipe que j’aime beaucoup avec des gens adorables, mais la voiture n’est pas développée, c’est le problème. Il faudrait aux côtés de Mick un pilote comme Alonso par exemple. Une équipe comme Ferrari ou Sauber lui auraient mieux convenu. »
Arrive-t-il trop tôt en F1 ?
J.F. : « Non, c’est une opportunité incroyable d’être parmi les 20 pilotes choisis. C’est toujours mieux d’être en F1, il bataille avec des pilotes expérimentés. C’est très formateur et concernant Mick, même s’il fait une mauvaise saison, il ne sera pas jugé sur ça. Il a déjà fait ses preuves, il a un nom, il aura d’autres chances. »
A.P. : « Je pense qu’il aurait été intéressant pour lui de faire une saison en Superformula ou en Indy Car même si l’Indy est différente quand même, mais la Superformula est vraiment une très bonne étape pour appréhender la F1. »
« Pierre reste sur sa meilleure saison » (Fébreau)
Que peuvent espérer les Français Esteban Ocon et Pierre Gasly ?
J.F. : « Pierre reste sur sa meilleure saison. Il a gagné à Monza. Il aurait préféré être choisi par Red Bull pour succéder à Albon. Mais AlphaTauri se rapproche de Red Bull. Elle partage les pièces, la soufflerie de Red Bull. Je pense qu’il va continuer de progresser.
Après avoir dû gérer Ricciardo l’an dernier pour son retour en F1, Esteban a maintenant affaire à Fernando Alonso. Il ne faut pas qu’il se laisse marcher sur les pieds par le double champion du monde qui aime attirer l’attention des gens sur lui, l’attention des mécaniciens, il les questionne beaucoup, il demande beaucoup et laisse souvent le coéquipier dans l’ombre. Alonso ne vit que pour le sport auto, il a le mérite de s’être mis en danger en faisant Le Mans, le Dakar, etc. C’est un grand champion. »
A.P. : « Ocon est sur une bonne dynamique, il va profiter de l’expérience de Fernando Alonso qui va tirer l’équipe vers le haut. Ferrari sera un gros client au niveau de Mc Laren. Pierre Gasly chez Alpha est la 4ème force du plateau. C’est une bonne base. »
Le changement de règles ne convaint pas Fébreau
Parmi les changements dans les années à venir il y aura, en 2022, le gel des moteurs. Y êtes-vous favorable ?
J.F. : « Ça peut être une bonne chose dans le contexte actuel de réduction des coûts, mais en l’accompagnant de mesures complémentaires, des ajustements si nécessaire. Si un moteur est raté en 2022 que se passe-t-il ?
L’équipe ne pourra pas y toucher pendant trois ans ? Si une équipe a un moteur 15% moins performant ce n’est pas la peine qu’elle se présente au départ. Il faut que ce gel s’accompagne d’un équilibre dans la performance, de mesures qui puissent permettre aux équipes qui ont des problèmes moteurs en cours de saison de rester compétitives. »
A.P. : « Forcément, comme tout règlement de ce style, il y a des pour et des contres. Moi, je pense que ça amènera de belles saisons. »
Paviot salue l’idée mais pas la mise en oeuvre
D’autres réformes sont à l’étude comme les courses sprints ou le plafonnement des salaires. Qu’en pensez-vous ?
J.F. : « Je suis réservé et demande à voir. C’est bien d’essayer des choses, mais il faut que ce soit bien étudié dès le départ. Je me souviens de la modification du format des qualifs, elle a été stoppée car elle avait été mal anticipée. Mais l’immobilisme n’est pas une bonne chose. »
A.P. : « L’idée est bonne, mais compliquée à mettre en place pour certaines écuries comme Haas et Sauber par exemple. Il faut des moyens supplémentaires. Pour les salaires, je ne suis pas sûr que ce soit dans ce domaine qu’il y a matière à économiser le plus d’argent. Il y a plus d’économies à faire dans les moyens déployés, dans la logistique pour déployer les structures, limiter les fourgons par exemple. »
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