Dans le top dix des joueurs les plus capés en sélection (82 sélections, 13 essais), l’ancien biarrot, Imanol Harinordoquy estime qu’en 2010, à défaut de pratiquer son rugby le plus spectaculaire, cette équipe de France a su surtout se faire mal.
Comment aviez-vous vécu ce Tournoi 2010 ?
On n’était pas du tout favoris. On n’avait rien gagné depuis 2007. En 2010, on s’appuie sur un paquet d’avants solide et une bonne défense. On a construit ce Grand Chelem match après match. L’appétit est venu en mangeant. Cela s’est bien goupillé. On a gagné en Ecosse (18-9, Ndlr) et on a abordé le troisième match plus sereinement (victoire au Pays de Galles, 26-20, Ndlr). Le troisième match a été un peu charnière. L’équipe a fait la bascule par rapport au gain du Tournoi. On est ensuite allés chercher le Grand Chelem sur le dernier match (contre l’Angleterre, Ndlr).
Imanol Harinordoquy le roc des Bleus
Cette étiquette de sélection très talentueuse, mais parfois irrégulière était-elle une réalité ?
Très talentueuse, je ne sais pas. Ce qui est certain est que cela a surtout été le Grand Chelem du caractère. Une génération expérimentée était présente. Pas mal de joueurs avaient 30 ans, notamment au niveau du paquet d’avants et de la charnière. Il y a eu un bon mix. On est vraiment allés chercher ce Grand Chelem avec une grande force de caractère.
On ne pratiquait pas forcément un grand rugby, mais on était solides sur nos bases et dans nos têtes. Il y a eu des matches serrés qu’on a su gagner. La cohésion était forte et on aimait être ensemble. On est sortis pratiquement après chaque match (sourire). Cela nous a plutôt bien réussi. Notre Grand Chelem s’est donc construit dans la difficulté.
Dans ce Tournoi vous attendiez-vous à rencontrer des Anglais blessés car ils s’étaient inclinés contre les Irlandais (1620) et n’avaient pu battre les Ecossais (15 partout) ?
Les Anglais sont toujours là pour gâcher la fête. On savait que même s’ils n’avaient plus rien à jouer, ils allaient prendre un malin plaisir à venir nous contrarier et tout faire pour nous battre. De sorte qu’ils puissent sortir la tête haute du Tournoi. Ce match a été très serré. Il s’en est fallu de peu pour qu’ils reviennent et nous passent devant.
« Dusautoir incarnait la force »
Ce jour-là, l’ambiance était bouillante au Stade de France !
Totalement. Les conditions climatiques n’étaient pas favorables. Il pleuvait. Ce n’était pas forcément simple. Il a fallu serrer les rangs. Quand les Anglais ont poussé, le soutien du public a été prépondérant. On avait tellement envie aussi de réaliser ce Grand Chelem. On a fait preuve d’une grande humilité sur ce dernier match pour gagner.
Que retenez-vous le plus du capitaine Thierry Dusautoir ?
Il incarnait la force par l’exemple. Il était de peu de mots. C’était un capitaine courage. Dans les moments durs, il était toujours présent défensivement.
Quelle saveur a eu ce Grand Chelem pour vous comparé à ceux remportés en 2002 et 2004 ?
C’était exponentiel. Quand tu en gagnes deux en deux ans, tu te dis que cela va arriver tous les deux ans (sourire). Sauf que ce n’est pas le cas et tu te rends alors compte finalement que c’est très dur à réaliser. L’accomplir en 2010 a été énorme. Notre génération avait avancé dans l’âge. On savait qu’on n’en réussirait pas 50 derrière. Le niveau est très relevé. Et même quand les sélections n’ont plus rien à jouer, elles disputent tous les matches à fond. Le Tournoi reste le Tournoi. La saveur est particulière. C’est extraordinaire à vivre car c’est assez unique, rare et compliqué à faire.
Que peut avoir en commun cette sélection de 2010 avec celle de 2022 qui a réalisé le Grand Chelem douze ans plus tard ?
Ce n’est jamais facile et cela se construit. Ils n’ont pas été loin en 2020 (2ème, Ndlr). Certaines années, tu penses pouvoir le réaliser, mais un grain de sable se met dans la machine. Alors quand cela arrive, il faut savoir le savourer à sa juste valeur.