vendredi 1 décembre 2023

Kevin Corre : « Je veux faire grandir le 3×3 en France »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

Meilleur français au classement mondial du basket 3×3, celui qui a écumé la Pro A et la Pro B de 2003 à 2020, se consacre à 36 ans, à 100%, à cette nouvelle discipline olympique, la France tentera d’ailleurs de se qualifier lors du TQO de Graz (Autriche) du 26 au 30 mai.

Entre la Team Jeddah en World Tour et une participation avec l’AS Monaco à la première ligue professionnelle de 3×3, l’United League Europe, le frère de Kelly (Angers, LF2) – elle raccrochera en fin de saison pour devenir coach sportive – s’éclate.

Vous vous posiez des questions sur la suite de votre carrière. Continuez-vous finalement ?

La FIBA a confirmé qu’il y aurait une saison à peu près normale avec entre 13 et 15 tournois du World Tour. Jeddah va repartir pour une troisième saison et souhaite conserver le même effectif. Mon destin est lié à celui de cette équipe avec qui on a commencé de zéro, et même de moins vingt (sic), et avec qui on a réussi à faire de belles choses en étant 2ème meilleure équipe mondiale puis 6ème. Je resterai fidèle à cette équipe avec qui j’ai un accord de principe.

A 36 ans, l’envie est donc toujours là.

J’avais vraiment des interrogations. J’avais fait une pige la saison dernière à Aix Maurienne en 5×5. Je me suis alors dit que je voulais me consacrer à fond au 3×3 et tirer un trait sur le 5×5. C’était donc ma première saison consacrée entièrement au 3×3 et je pensais avoir du mal à retrouver le rythme et finalement je me suis super bien senti et je sens même que je peux encore progresser. Tant que ce sera comme ça, je vais continuer car je m’éclate vraiment et je ne me fixe aucune limite. J’ai encore eu des propositions de clubs de Pro B, Nationale 1 ou 2 pour une pige, j’ai même fait un essai dans une équipe en Arabie Saoudite où pécuniairement c’est plus intéressant qu’en France, mais ça ne s’est finalement pas fait et, sauf offre exceptionnelle, je ne resauterai pas le pas du 5×5.

« On donne une image de l’Arabie Saoudite qui est faussée. »

N’auriez-vous pas dû vous y consacrer à 100% plus tôt ?

J’ai émis le souhait auprès de la Fédération et de l’équipe nationale de me professionnaliser plus rapidement, mais en France il n’y avait pas d’opportunité. S’il y a cinq ans, il y avait eu cette possibilité, j’aurais sauté sur l’occasion car c’est une discipline beaucoup plus libre qui me convient très bien. En France, ne serait-ce que pour trouver des installations pour faire du 3×3 c’est mission impossible.

Gagnez-vous plus en 3×3 qu’en 5×5 ?

A partir du moment où on est sous contrat avec la Fédération d’Arabie Saoudite et qu’on est payé mensuellement, c’est quand même plus confortable que de dépendre de l’argent des tournois surtout quand il y en a aussi peu comme l’année dernière. L’équipe de Liman qui a un roster de six joueurs a remporté deux tournois en Hongrie et chaque joueur a empoché 18 000 dollars. En Serbie, tu peux vivre plusieurs années avec ça ! S’il faut comparer avec la France, c’est équivalent à ce qu’on peut toucher en Pro B.

Cela ne vous dérange-t-il pas de défendre un club d’Arabie Saoudite, un pays qui n’a pas toujours une bonne image ?

Quand on m’a parlé de Jeddah la première fois, ça m’était inconnu. J’ai regardé sur internet et les médias en donnent une image faussée. Des amis ont eu des propositions similaires et ont refusé parce que c’était l’Arabie Saoudite. C’est certes un pays très conservateur, mais qui est en train de s’ouvrir notamment au tourisme. Je ne m’y suis jamais senti en danger alors que ce n’est pas toujours le cas en France. Jeddah est une ville américaine, européenne, près de la mer et dans le désert, avec une super qualité de vie. Si je peux, par la suite, aller travailler là-bas et m’y implanter pendant l’hiver, je le ferai sans problème.

« Une équipe avec Dusan Bulut et LeBron James, le rêve ! »

Vous êtes un pionnier du 3×3 en France. La discipline se développe-t-elle dans notre pays ?

Ça tarde. Il n’y a pas de structures. La Fédération n’a pas encore pris le bon train. La Serbie ou la Slovénie se sont lancées dans le 3×3 et ont réussi à le développer. L’Arabie Saoudite, même si la puissance financière est différente, a réussi à avoir deux tournois World Tour en deux ans, en sachant qu’un tournoi coûte 1 million d’euros pour l’organiser. J’essaye de transmettre mon vécu mais, pour l’instant, le 3×3 a du mal à se développer en France.

L’objectif n’est pas de prendre la place du 5×5. Il y a de la place pour les deux avec des joueurs qui ne s’éclatent pas au 5×5 ou qui ont des profils différents. Par exemple, un meneur de jeu plus grand qui est un profil plutôt rare en France pourra trouver sa place au 3×3. Un intérieur qui aime shooter à 3 points et à qui on dit de rester dans la raquette au 3×3 il pourra shooter. La plupart des top joueurs français du championnat de France jouent au 3×3 l’été et y prennent plus de plaisir. Après, c’est plus un problème financier : entre accepter de devoir dépendre de ses résultats en tournois pour gagner sa vie ou toucher un salaire chaque mois en 5×5 le choix est vite fait. Certains pays ont mis en place depuis des années des programmes pour se qualifier pour les JO. Ils progressent ensemble.

Nous, en France, j’ai l’impression qu’on est encore dans une phase de découverte en faisant découvrir la discipline à des joueurs de 5×5 en espérant que leur qualité fera la différence sur la prochaine échéance. Alors que c’est une discipline à part entière. Il faut faire de la formation. A part moi qui est professionnel en 3×3, tous les joueurs qui vont participer aux prochaines échéances seront des pros du 5×5 qui peuvent dépanner. Tant que ce sera ainsi ce sera difficile de se développer.

Intégrer des joueurs de 5 comme Léopold Cavalière (Strasbourg) ou Antoine Eïto (Le Mans) est donc contre-productif ?

Je ne dis pas ça. Simplement, Antoine Eïto qui est un super joueur avec toutes les qualités pour jouer au 3×3 va manquer d’expérience, par rapport aux fins de matches, aux arbitres, aux adversaires, aux systèmes, etc, une donnée très importante dans cette discipline. Les Serbes ont eux 15 ans d’expérience pour certains. Ce qui fait la différence.

Y a-t-il dans le circuit des stars, des joueurs qui ont joué à un très bon niveau ?

Au premier championnat du monde que j’ai fait, il y avait Jorge Garbajosa et Carlos Jimenez, deux grosses figures du basket espagnol. Ils étaient venus pour se faire plaisir. Maintenant, ça se fait beaucoup moins car même ces joueurs qui ont un très haut niveau basket ne vont pas performer face à des équipes expérimentées avec des joueurs qui n’ont pas fait de 5×5, mais qui sont des cadors au 3×3. Des équipes comme Riga ou Liman gagneraient sans problème contre des équipes composées de joueurs pros de 5×5.

Même si ce sont des joueurs NBA ?

Là, ce serait différent. Le jour où les Etats-Unis vont vraiment s’y mettre et envoyer des tops joueurs, la différence se fera. Même s’ils ont été champions du monde à Amsterdam (en 2019) sans réelles stars NBA.

N’est-ce pas tout de même souhaitable pour le développement du 3×3 que de grands noms s’y mettent ?

La meilleure chose, ce serait que ces joueurs s’y investissent et fassent grandir la discipline. Le numéro 1 mondial Dusan Bulut a grandi avec ce sport et aujourd’hui c’est une star mondiale. Il a même été drafté avec le BIG3 aux Etats-Unis.

« Le basket m’offre la possibilité de voir le monde »

Qu’est-ce qui vous plait finalement dans le 3×3 ?

Déjà, il n’y a pas de coach. C’est nous qui décidons entre joueurs. On est libres et quand vous ne vous entendez pas ça se voit tout de suite sur le terrain. La dimension humaine y est essentielle. Le côté plaisant, ce sont aussi les voyages. J’ai eu la chance d’aller à Los Angeles, en Chine, au Japon, en Inde, en Roumanie, en Arabie Saoudite, etc. Le basket m’offre la possibilité de voir le monde. Ça fait grandir en tant qu’homme.

Au 3×3, il vaut mieux avoir un bon shoot à 3 points…

Ça dépend du style de l’équipe. Avec les équipes françaises, on misait beaucoup sur la taille. Mais c’est vrai que le tir à 3 points qui en vaut 2 est essentiel car il vaut le double d’un panier simple. Moi qui suis un intérieur je passerai toujours la balle à un extérieur s’il est démarqué, car ça rapporte plus et c’est moins usant sur l’ensemble d’un tournoi que de batailler à l’intérieur. Si on est adroit à 2 points, – on utilise que ce soit les hommes ou les femmes un ballon spécifique de taille 6 avec le poids d’un taille 7 – il y a de fortes chances qu’on s’impose. Il y a même des concours à 2 points pendant les tournois, de même que des concours de dunks avec des dunkers professionnels qui assurent le show et qui se produisent lors des plus grands événements mondiaux.

Comment sentez-vous ce TQO pour la France ?

C’est ma dernière chance d’aller aux JO. Je vais donc tout donner. Représenter la France a toujours été une grande fierté. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis allé vers le 3×3. Maintenant j’ai envie d’écrire une histoire et j’espère que ce sera avec l’équipe de France. Je peux amener quelque chose que personne n’a connu en France et qui pourrait aider cette équipe. En espérant que Jeddah me libère car c’est elle qui me paie.

Si vous avez la possibilité de prendre deux joueurs avec vous pour être champion olympique qui prendriez-vous ?

Je rêverais de pouvoir jouer et apprendre aux côtés de Dusan Bulut. Ensuite, je prendrais un joueur inter-galactique ; LeBron James !

Une Française Laëtitia Guapo a été numéro 1 mondiale.

C’est magique ! Et elle n’a pas été la seule. Migna Touré et Ana-Maria Cata-Chitiga (Filip, Ndlr) l’ont également été. On a une équipe de France féminine qui performe au plus haut niveau.

Médiatiquement, pensez-vous être plus reconnu à 3×3 qu’à 5×5 ?

J’ai eu la chance de gagner des championnats en 5×5 (vainqueur des playoffs de Pro B avec Bourg en 2014, Ndlr) donc ça fait plus de bruit. En 3×3, je suis reconnu par ce que je suis le seul Français à faire partie d’une équipe professionnelle. Mais ce n’est pas quelque chose que je recherche. Je cherche plus à transmettre et à faire grandir le 3×3 en France.

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