lundi 9 décembre 2024

Les Français en NBA : une aventure risquée pour les jeunes

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Jean-Marc Azzola
Jean-Marc Azzola
Journaliste

A l’image d’un Sekou Doumbouya qui a mis les voiles pour les Etats-Unis très jeune après une seule saison dans l’élite au CSP Limoges, un envol précoce ne garantit pas une réussite absolue. Alors est-ce le bon choix alors que bon nombre de Tricolores rentrent en France ou sont cantonnés en G-League en espérant mieux ?

Selon certaines sources, des changements majeurs seraient à prévoir en NBA dont un qui verrait passer l’âge minimum de 19 à 18 ans dès l’édition de la draft 2024. En 2019, à 21 ans, Digué Diawara, depuis deux saisons à Quimper en Pro B, a eu un avant-goût des Etats-Unis. Si l’ailier formé à l’ASVEL n’a pu concrétiser son rêve, son discours sur le sujet mérite qu’on s’y arrête :

« Je m’étais présenté à la fin de ma première année à Pau (en 2019, Ndlr). J’ai eu la chance de partir aux Etats-Unis. Des scouts et des dirigeants venaient nous regarder jouer et nous entraîner. J’ai pu aller à Detroit et à Cleveland. Des expériences géniales. Aux USA, tout est différent, le jeu, l’énergie. Il n’y a pas eu la concrétisation au bout pour moi. Il y a eu naturellement de la frustration, mais c’était génial de voir comment cela se passait de là-bas, les organisations, les structures et comment cela jouait. »

« Partir tôt pour galérer n’est pas le bon choix »

« Du coup, j’ai retiré mon nom. Je suis retourné à Pau. Ma seconde saison s’est moins bien passée. En plus, il y a eu la Covid. Je ne sortais pas d’une saison très aboutie. Je n’ai donc pas été drafté. Néanmoins tout cela donne envie d’y retourner et de bosser dur pour retenter ma chance. Le rêve ultime, ce serait de jouer en NBA. Par contre, il y a beaucoup d’étapes pour y parvenir. Pour l’instant, je suis encore en Pro B (à Quimper, Ndlr). Si un jour je veux y arriver, je pense en être capable, je devrai passer les caps successivement ».

Si on prend en exemple certains anciens grands joueurs français draftés, on remarque en particulier que Abdul-Wahad l’a été un peu avant ses 23 ans, Parker à 19 ans, Batum peu avant ses 20 ans, Diaw à 21 ans tout comme Gobert et Piétrus, Turiaf a attendu lui ses 22 ans. Le cas de Sekou Doumbouya (né le 23 décembre 2000) est d’autant plus frappant quand on sait qu’il l’a été bien avant ces champions, à 18 ans.

La jeunesse du Basket français se pose des questions

« De nos jours, de plus en plus de joueurs ont tendance à partir tôt, constate Digué Diawara. Certains partent effectivement trop tôt. En France, on préférerait qu’ils restent et qu’ils poursuivent leur formation jusqu’à son terme. Cependant, certains joueurs ont prouvé aussi que partir de manière précoce était bénéfique pour eux, alors que d’autres ont commis cette erreur. Cela dépend de la situation de chacun, de leurs objectifs et de ce qui peut leur être proposé. Mais partir tôt pour galérer n’est pas le bon choix ».

Pour Elliott de Wit qui voit pourtant passer pas mal de jeunes à Detroit, la question d’âge en NBA n’est pas forcément un problème : « On ne peut pas juste répondre par oui ou non à ce genre de question. C’est comme si on se demandait si certains joueurs français auraient dû partir en université ou pas, au risque de se brûler les ailes. Alors que s’ils étaient restés en France, ils auraient joué en Betclic Elite très rapidement comme l’ont fait Gobert et d’autres. Ils se sont faits drafter très haut et vite car ils ont pu progresser et prouver ».

Partir en NBA, un choix plus que risqué

« Beaucoup ne le considèrent pas de cette manière car ils regardent la question d’argent et écoutent parfois trop les médias. Au-delà de l’âge, beaucoup de réponses dépendent des profils, des situations, des postes, des saisons précédentes, des clubs… Pour certains, rester une année de plus peut rendre service. Pour d’autres, cela peut les desservir ».

Le Villeurbannais Amine Noua résume la chose en estimant que quitte à tenter sa chance dans la Grande Ligue, il faut surtout y avoir un rôle à tenir sinon…

« Si l’occasion de la NBA se présente un jour, bien entendu pourquoi pas. Mais là-bas il faut avoir du temps de jeu et être responsabilisé. Par conséquent ne pas être sur le banc sinon autant rester en Europe. Il n’y a pas que les Français qui partent tôt, même la draft c’est beaucoup trop jeune. Auparavant, il y avait Kobe ou LeBron qui faisaient figure d’exceptions. Ils sautaient l’université et allaient en NBA. Jordan a dû lui, faire trois, quatre ans (à Tar Heels, Ndlr). Maintenant, les joueurs y passent un an et sont directement draftés. La NBA s’est excessivement rajeunie. Il y a quasiment que des minots de 20 ans. Partent-ils trop tôt ? »

« Pas vraiment. Après, fatalement, tu as besoin d’expérience, de jouer, de prouver pour aller dans la Grande Ligue. Actuellement, les joueurs sont draftés tellement jeunes qu’ils n’ont pas besoin de prouver grand-chose. Et comme tout le monde est jeune ce n’est pas flagrant ni choquant. On peut avoir des 5 majeurs avec des moyennes d’âge de 20 ans. Il y a dix ans, cela n’aurait pas été envisageable ». Après, comme on dit, le talent n’attend pas le nombre des années…

Quel avenir pour Doumbouya ?

Quand le Guinéen de naissance est drafté en 2019 en 15ème choix par les Pistons, tous les espoirs lui sont permis. « Pour avoir joué avec Sekou Doumbouya, je ne pense pas qu’il soit parti trop tôt. Il avait un talent énorme. Physiquement et techniquement, il était au top niveau. Il a mérité sa place. Il est clair que l’évolution des choses à son sujet peut porter à confusion. Je ne connais pas tous les détails de ce qui lui est arrivé, mais il est encore très jeune (22 ans, Ndlr) et a encore le temps d’évoluer. Il n’a rien à faire en G-League. Il a eu quelques soucis, mais je ne doute pas, il va continuer à avancer » est persuadé Digué Diawara. Depuis son pick à la draft, l’ailier natif de Conakry s’est un peu perdu.

L’ancien joueur de Limoges évolue actuellement en G-League avec les Delaware Blue Coats après un passage éclair aux Lakers (2 matches). Pour l’ailier de l’ASVEL, Amine Noua, Doumbouya serait bien inspiré de ne pas s’éterniser outre-Atlantique si la dynamique reste mauvaise :

« Sekou, c’est particulier. Très jeune, il avait des qualités incroyables. Sekou sortait du lot physiquement et avec son QI basket. Il était en avance sur son âge. Il fallait le lancer en pro. Je ne suis pas sa carrière dans le détail, mais je l’ai côtoyé un été. Dans la tête, il n’était pas encore assez mature. Je me suis dit que cela allait venir avec le temps. Malheureusement il semble avoir eu pas mal de soucis de comportements aux Detroit Pistons. Aux USA, si cela arrive ton image se ternit vite. Là-bas, il te laisse une chance pas deux. Cela l’a suivi. Même dans la tête, il s’est mis à douter. Il a même mis du temps à sortir une performance en G-League. Il commence à se relancer ».

Une aventure en NBA à bien mener pour les stars de demain

« A sa place, je serais rentré directement en Europe pour retrouver de la confiance et jouer. Il a préféré rester là-bas. Il est jeune et il a encore le temps. C’est son choix et celui de ses agents. Selon moi qu’il ne stagne pas là-bas si sa situation ne s’améliore pas car au bout d’un moment tu finis par te faire oublier. Soit il faut rester là-bas pour retrouver un contrat NBA ce que je lui souhaite sinon un retour en Europe n’est pas saugrenu où tu peux faire une très belle carrière aussi ».

Pour Eliott de Wit, Doumbouya qui a disputé 93 matches avec les Pistons lors de ses deux premières saisons NBA a désormais en partie les cartes entre ses mains : « Le redressement de Sekou va dépendre de lui et des opportunités. Parfois les joueurs sont prêts ou à niveau. Mais sont-ils forcément dans l’équipe où l’opportunité va être donnée ? Bien entendu qu’il a les compétences pour. Est-ce que cela va arriver je l’ignore. Il y a tellement de choses qui doivent arriver pour que cela aille dans le bon sens ».

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