mardi 23 avril 2024

Lilia Malaja : « J’ai toujours cru en mon combat ! »

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Jean-Marc Azzola
Jean-Marc Azzola
Journaliste

Devenue entraîneure, Lilia Malaja avait vu en 1999 son homologation de contrat à Strasbourg, refusée par la Fédération Française, les clubs n’étaient alors autorisés qu’à utiliser que deux joueuses extra-communautaires. L’arrêt Malaja en avait découlé le 30 décembre 2002 élargissant énormément la circulation des sportifs de l’arrêt Bosman. L’intéressée revient pour France Basket et Le Quotidien du Sport sur cet épisode qui a révolutionné le monde sportif il y a 20 ans.

Que devenez-vous à 55 ans ?

J’entraîne actuellement une équipe de première division féminine italienne et aussi chez les jeunes. Il s’agit de la Polisportiva Giuseppe Rescifina à Messine. Il est toujours intéressant de travailler avec des filles jeunes en pleins progrès. Elles arrivent avec leur propre histoire, leur propre réalité. Il faut alors composer avec tout cela. Et pour les plus jeunes, on est aussi là pour leur communiquer notre passion en les faisant rêver.

Quelle différence majeure faîtes-vous entre l’élite du championnat italien et celle en France ?

En France, il y a un très beau championnat. C’est très structuré et professionnel. Ils sont en avance là-dessus par rapport à l’Italie. En France, le championnat élite féminin est traité presque de la même manière que celui masculin. En Italie, c’est moins le cas et j’apprécie moins ce facteur. Il faudrait que ce soit plus reconnu. Car après tout que ce soit pour les hommes ou les femmes le basket est un sport étant le fruit d’un travail et d’efforts physiques.

Le championnat féminin français meilleur

Quels souvenirs de joueuse avez-vous gardé de votre passage en France ?

Il y a eu Rennes (en 1997/1998, Ndlr), Clermont (1996/1997, Ndlr) et Strasbourg (1998/1999, Ndlr). En Alsace, je n’ai pu faire qu’une demie saison. Lors de la première partie de saison, je n’ai joué que les Coupes. A Rennes et Clermont, cela a été deux belles expériences. Ces deux clubs étaient bien gérés. J’avais de bons rapports avec les gens. Ils te faisaient sentir chez toi. J’ai pu bien progresser en français également. Mais on n’avait pas joué à l’échelon européen. C’est toujours une émotion en plus. A Strasbourg donc d’un point de vue purement sportif je me suis sentie plus à l’aise.

Le 30 décembre 2002, le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêt Malaja extension de l’arrêt Bosman qui permettra un nombre illimité d’étrangers dans une même équipe. Quel est votre ressenti vingt ans plus tard ?

Tellement de choses ont changé depuis. On se dit alors que cela en valait la peine. Au début, quand c’est arrivé, c’était dur à accepter. Mais je me suis battue pour une cause juste. Avec mon avocat (Michel Pautot, Ndlr) et mon président (Patrick Kramer, Ndlr), nous avons beaucoup échangé. Quand tu es jeune, ce qui compte le plus, c’est de jouer.

Tu veux être sur le terrain et donner le maximum. On pensait que cela allait être réglé assez rapidement. Par contre je n’aurais jamais imaginé que j’aurais dû payer autant de ma personne surtout moralement. Cela a été un long processus avec plusieurs étapes. Au point que je n’ai pu plus jouer pour un club français ensuite. J’aime la France et y retourner, mais ce qui m’a surtout pesé c’était l’attente. Tu es comme si tu demeures à moitié morte et tu attends. Tu t’entraînes, tu t’entraînes, et le samedi on te congédie. Ces sensations d’angoisse t’envahissent et tu ne peux plus rien faire. Elles te paralysent. Bon au moins il y avait la Coupe (Ronchetti, Ndlr)…

Quel impact toute cette affaire a eu sur votre vie personnelle ?

Cela a été surtout une victoire sportive. Egoïstement parlant j’entends. Mais une fois cela dit, on ne peut pas se montrer égoïste justement. Derrière tout cela, il y a eu tellement d’histoires. Je n’ai finalement pas été la seule personne concernée, mais une voix en plus, un chapitre en plus. Quand je suis arrivée en Europe, j’étais une Bosman. Je connaissais l’histoire de ce joueur. Je savais alors que j’étais sur la bonne route.

Au fil du temps et de ce que j’ai vécu, mon histoire est devenue un devoir. A un moment donné, je ne pouvais plus faire machine arrière. Aujourd’hui encore je sais que j’ai été dans le vrai. Mon cas, je suppose a aidé beaucoup d’athlètes dans pas mal de sports collectifs par la suite, notamment fortement dans le football masculin au départ. Cela s’est répercuté également dans le football féminin, dans le rugby, dans le volley…

« Cela en valait la peine… »

La répercussion a eu effectivement une onde de choc mondiale !

On en parle encore beaucoup en France et même vingt ans plus tard ! Car justement c’est très professionnel dans votre pays. En Italie, on l’évoque moins. Cela me fait plaisir aussi de constater que l’arrêt Malaja est également étudié à l’université en études de droit. C’est une excellente chose. Certaines joueuses que j’entraîne m’en ont aussi parlé.

Comment aviez-vous traversé cette période jusqu’à ce que vous ayez gain de cause ?

Il s’est passé pratiquement trois ans. Cela a été une longue attente. Je n’attendais plus grand chose en fait. Car quand trois ans de la vie d’une athlète dans ses meilleurs moments passent, qu’est-ce qu’on fait ensuite ? Une des leçons à retenir est qu’il faut avoir faim et avoir un peu de folie dans le bon sens du terme. Je suis quelqu’un de nature rationnelle mais, à un moment donné, je me suis jetée à l’eau et j’ai cru en mon combat. Si tu n’as pas cette énergie, tu ne peux rien faire. Il faut croire en ce qu’on fait.

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