L’ancien 3ème ligne centre international, Louis Picamoles (82 sélections, 10 essais), retraité des terrains, évoque sa nouvelle vie à 38 ans, entre reconversion agricole avortée et engagement politique. Entretien réalisé pour Rugby Magazine et Le Quotidien Du Sport.
Que devenez-vous depuis que vous vous êtes retiré des terrains en juin 2022 ?
J’étais parti sur un projet agricole (d’élevage de chèvres, Ndlr) que j’ai arrêté. Il a fallu trouver autre chose. Je suis maintenant dans le domaine des assurances. Je suis agent mandataire chez AXA. J’ai un statut d’auto-entrepreneur. Je travaille en binôme avec un ami, salarié d’AXA.
Pourquoi avez-vous stoppé votre projet agricole ?
J’ai arrêté car le montant des investissements devenait trop important. Ensuite, les taux bancaires ont explosé. Toute la marge que j’avais prévue dans mon domaine d’activité au niveau prévisionnel, tout partait avec la hausse des taux bancaires.
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Louis Picamoles n’a pas quitté le rugby
Que faut-il faire pour aider le monde agricole en pleine souffrance ?
Il y a beaucoup de choses à modifier. Déjà, il y a beaucoup de normes. Aujourd’hui, parfois les exploitations arrêtent car les coûts que cela engendre, pour répondre au cahier des charges et aux normes, deviennent vraiment trop lourds. Alors soit on est hors des normes et c’est compliqué, surtout s’il y a un contrôle au risque de tout foutre en l’air, soit avec ces montants trop élevés on ne peut pas suivre et on décide d’arrêter.
Il y a bien les aides européennes qui sont conséquentes. Heureusement qu’elles sont présentes car sinon je ne sais pas comment la majorité des agriculteurs feraient pour s’en sortir. C’est quand même aberrant de se dire qu’aujourd’hui on vit ou on survit de son travail grâce aux aides. Pourtant, la vie sans l’agriculture on n’est pas grand-chose. Je ne sais pas s’il y a autant de métiers aussi vitaux qui n’existent que grâce aux aides et non pas au travail direct de la personne. L’agriculture, ce n’est pas 35 heures c’est le double !
Le film « Au nom de la terre » avec notamment Guillaume Canet traduit-il bien ce malaise ?
Oui. C’est d’autant plus dramatique que c’est une histoire vraie. Mais ça arrive tous les jours ! Il y a presque un agriculteur qui se suicide chaque jour en France. Ce sont des chiffres qui font froid dans le dos. J’ai vécu de ma passion, le rugby, pendant 18 ans. J’en ai bien vécu et je ne me posais pas ce genre de question. Je n’avais pas ce genre de souci de ne pas arriver à vivre de ma passion. Cela peut arriver qu’une passion ne soit pas rémunératrice, mais là on parle de l’agriculture, de quelque chose qui nourrit l’être humain.
De voir que des personnes n’arrivent pas à joindre les deux bouts, c’est catastrophique ! Les solutions ? Je ne les ai pas forcément sous la main. Mais, pour m’installer, j’ai constaté que pour être dans les normes il y a justement beaucoup de normes et d’investissements, donc d’emprunts à la banque, de dettes. Cela se rajoutant aux nombreux coûts de production.
Il n’y a rien de simple. Il y en a certains qui s’accrochent, et une minorité vivent bien de leur métier. Pour le moment, je ne vois pas comment les choses pourraient s’améliorer. On est dans un cercle vicieux dans lequel j’ai vraiment du mal à me projeter. Donc j’avais peur de ne pas m’y retrouver, de mettre en danger ma famille. J’ai alors pris cette décision.
« Je n’ai pas d’ambition politique »
Quid de votre engagement en politique sous la bannière Alliance rurale pour les élections européennes ?
Mon objectif est surtout de montrer un certain engagement. Je n’ai pas de vocation et d’ambition politique. J’ai voulu surtout participer à une aventure où certaines valeurs sont défendues dans l’agriculture. Le fait d’avoir connu ce que j’ai connu a aussi conduit à mon engagement. Cette liste défend ce genre de valeurs en particulier sur la ruralité.