mercredi 7 juin 2023

Michel Gomez : « Arrêtons de faire rêver avec la NBA ! »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

Entraîneur mythique de Limoges, de Pau et de l’équipe de France, Michel Gomez (5 titres de champion de France, une Coupe des Coupes) entraîne depuis 2018 les filles de Dieppe, avec qui il vient de décrocher la montée en N2. Entretien pour Le Quotidien du Sport et France Basket.

Vous avez connu de grandes choses dans votre carrière. Que représente cette montée en N2 avec l’équipe féminine de Dieppe ?

Obtenir des résultats fait toujours plaisir. C’est un challenge que je me suis donné il y a quatre ans. J’avais goûté à tout, tout fait, il ne me manquait que les filles. Elles sont à l’écoute donc c’est agréable.

Le niveau n’est-il pas frustrant ?

Je suis avant tout un éducateur, un formateur, un pédagogue. Les titres, ça va, ça vient, une année on est en haut, une autre en bas. Il y a sept ans, j’ai pris une équipe U13 (EB SaintSaëns, Ndlr) et au bout de deux ans on a été champions de Seine-Maritime. L’objectif d’un entraîneur, c’est de transmettre.

Comment vous êtes-vous retrouvé à Dieppe ?

Au début, le club avait besoin d’un entraîneur avec un diplôme pour le match du dimanche pour être sur la feuille de match afin de ne pas payer d’amendes. Je n’aime pas faire les choses à moitié et je me suis piqué au jeu.

Le club vise-t-il beaucoup plus haut que la N2 ?

N2, c’est bien. Après, N1, c’est tout autre chose, une professionnalisation du bénévolat, des partenaires à trouver, voir si la ville et l’agglo peuvent soutenir le club alors qu’il y a beaucoup de concurrence dans tous les sports. Ensuite, plus haut, c’est quasi impossible.

A 73 ans, Gregg Popovich est toujours aux manettes des Spurs. Vous avez encore un peu de marge !

J’ai commencé à entraîner avant Popovich. J’avais 12 ans ! J’irai jusqu’à 80, jusqu’au bout ! C’est la passion. La différence, c’est que Popovich est entouré d’une armada d’assistants alors que moi je suis tout seul. A Limoges, on était deux avec Frédéric Sarre et trois à Pau avec Claude Bergeaud. Moi j’aime bien toucher toutes les pièces car, à la fin, celui qui prend les coups, c’est l’entraîneur !

Un club pro n’a-t-il pas songé à vous depuis votre dernière expérience à la tête de l’Angola en 2011 ?

J’ai donné deux fois à Limoges, mais le club est aujourd’hui instable, avec beaucoup de changements d’entraîneurs, c’est son problème. Après, si un club était venu me chercher, même si je suis meilleur aujourd’hui, encore plus fort dans ma tête, je ne sais même pas si j’aurais accepté, même pour une fortune. J’ai donné. Aider un club, à la limite, pourquoi pas, mais on ne sait pas faire en France. En France, à 50 ans, vous êtes bon pour la poubelle… Et puis quand je regarde le basket actuel…

Même si j’aimais bien Dijon la saison dernière, c’était pétillant, mais voir un pick & roll à droite, un pick & roll au centre… les équipes jouent aujourd’hui toutes pareil, sur le même tempo. J’aime l’alternance et là c’est trop sécurisé. Tout est sous contrôle. Où sont les périodes de folie ? Aux filles, je leur dis de prendre des risques. J’ai 1/3, elles ont 1/3 et le collectif a 1/3. C’est ma philosophie.

« Aujourd’hui, les équipes jouent toutes pareil, sur le même tempo »

Quels coachs appréciez-vous ?

J’aime bien Vincent Collet même si l’équipe de France, c’est comme au Lotto, il faut tomber sur la bonne génération. Mais ce qu’il a fait, il faut quand même le faire et c’est bien que la Fédération lui fasse confiance depuis toutes ces années (2009, Ndlr). J’aime aussi beaucoup Alain Thinet. On n’en parle pas beaucoup, mais ça c’est un entraîneur ! Ce n’est pas une star du haut niveau, mais c’est quelqu’un qui sait parler basket. J’aime aussi Jean-Denys Choulet, un ancien ou JD Jackson humainement. TJ Parker, il faut lui laisser le temps. On a des bons coachs en France, malheureusement on ne les entend pas assez, notamment sur ce que devrait être la formation des jeunes pour accéder au haut niveau.

Vincent Collet entraîne parallèlement à l’équipe de France, Boulogne-Levallois. Un cas unique dans le sport français !

Je l’ai également fait et je n’ai pas trouvé que c’était la bonne solution quand on est aux manettes d’un club qui vise le titre. En plus, à l’époque, il y avait la rivalité Pau-Limoges et il y avait toujours de la suspicion quand on sélectionnait un joueur. Après, c’est aussi une question de moyens financiers. Je ne pense pas que Deschamps prenne la même chose que Vincent… (rires)

Michel Gomez demande de la prudence sur le départ des jeunes en NBA

2024 sera-t-elle (enfin) l’année des Bleus ?

On a aujourd’hui ce qu’il nous manquait. On avait de très bons joueurs extérieurs et on oubliait le jeu intérieur. Là, on a ce qu’il faut avec Gobert ou Poirier. On a la taille. Le problème, c’est d’avoir l’équipe au complet. On aura chez nous une grosse pression.

Mais, pour l’évolution de l’équipe de France, Rudy (Gobert) doit au moins prendre un shoot à 3 points par match ! Quand il est en haut sur le pick & roll, son joueur défend très bas. Il doit shooter à 3 points et il sait faire. Frédéric Weis, je le faisais shooter à 3 points. Il était adroit. Muresan aussi je le faisais tirer à 3 points. Turiaf avait droit à un shoot à 3 points. S’il le mettait, il avait droit à un 2ème. S’il le ratait, il n’avait plus le droit (sourire). Aujourd’hui, tous les pivots shootent à 3 points !

Que pensez-vous de Victor Wembanyama annoncé comme le futur phénomène du basket français ?

Il n’a que 17 ans, il faut aller doucement avec lui, le laisser grandir. Moi j’ai entraîné le plus grand joueur français, Michel Delacroix qui faisait 2m21, ensuite Muresan 2m31. J’ai étudié, je me suis informé sur ce qu’était l’équilibration chez les grands, etc. Wembanyama, je l’ai vu en U15 quand il était à Nanterre, et j’ai tout de suite vu qu’il avait un avenir. Il était délié. Mais il faut aller doucement.

Les jeunes sont pressés, ils veulent tous aller en NBA !

Arrêtons de faire rêver avec la NBA. Partir, c’est très bien, mais si c’est juste aller en NBA pour ne pas jouer… Combien reviennent des Etats-Unis ? J’adore Nando De Colo et au moins il joue. Et qui aurait pensé que quatre Français joueraient un jour au Real !

Vous avez entraîné Limoges et Pau. Les deux clubs n’ont-ils pas raté le train en marche ?

Pau a raté le train. L’arrivée des Américains ? On verra avec le temps. Mais ça démontre quoi, que les Français sont incapables de gérer un club ? Alors que c’est le seul club avec un outil et une salle digne de l’Europe. Limoges, quand Fred Forte a repris le club, ça a été formidable avec deux titres de champion de France. Mais après je n’ai pas compris la politique du club. On a du mal à rester en haut de l’affiche en France.

Le championnat de France accueille pas mal de coachs étrangers. Cela vous dérange-t-il

Ça crée aussi une émulation. Moi j’adorais coacher contre Bozidar ! (Maljkovic, Ndlr) On progresse face à des coachs étrangers. Il ne faut pas rester franchouillard.

En NBA, le rôle du coach n’est-il pas moins important qu’en Europe ?

Je regarde quelques images et LeBron James fait des écrans ! (sourire) On ne montre que les actions spectaculaires de la NBA, les dunks, mais pas le reste. Curry, ce n’est pas qu’un shooteur longue distance. Quand on regarde son placement défensif, sa gestuelle de passes, c’est ça un grand joueur ! Mais ça on ne le montre pas. Le basket, ce n’est pas que le dunk !

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