samedi 20 avril 2024

Nadir Hifi : “Le Portel est le seul qui m’a fait confiance”

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

Elu meilleur joueur de décembre en Betclic Elite, le Franco-algérien du Portel, Nadir Hifi (20 ans), ne cesse d’étonner.

A titre personnel, il s’est passé beaucoup de choses pour vous en un an. Réalisez-vous ?

J’ai commencé à jouer en pro en décembre-janvier (2022) et c’est vrai qu’il s’est passé beaucoup de choses. Cette année est passée très vite. C’est le fruit de mon travail qui paie. Je suis très reconnaissant vis-à-vis du Portel, de la formation que le club m’a donnée ces trois dernières années. Il a eu un projet pour moi qui fait que j’en suis là aujourd’hui. C’est beau.

Vous surprenez-vous vous-même de tourner à une telle moyenne de points (15,3) ?

Je suis à la fois étonné et pas étonné. J’ai passé énormément de temps à travailler sur mon corps, à travailler des choses que je n’ai pas le temps de faire en saison que ce soit l’explosivité, la prise de masse. J’ai mis de l’argent pour m’entretenir cet été, mes parents aussi, en payant des coachs, des préparateurs physiques, en achetant du matériel de récupération, des petits détails qui sont importants pour progresser et avancer. Si je peux aussi inspirer des jeunes par rapport à mon parcours, j’en serais très fier.

Marquer des points, vous saviez faire en Espoirs. On vous attendait au tournant pour diriger une équipe. Pensez-vous avoir passé un palier à ce niveau-là ?

Il ne faut pas oublier que j’ai d’abord commencé à jouer parce que je défendais, je me sacrifiais pour défendre. Un jeune, s’il veut jouer en France, ça passe par la défense. On ne va demander à un jeune de 18 ans de rentrer et de mettre des points même si ça peut arriver. Après, c’est venu naturellement. Eric (Girard) était conscient des qualités de scoreur que je pouvais avoir. Il m’a laissé le temps de voir les choses, qu’il n’allait pas me donner tout d’un coup et m’a donné ce que je méritais. A moi de continuer et si, demain, mes pourcentages baissent un peu et ma moyenne aussi, je saurai aider mon équipe dans un autre domaine pour gagner.

Visez-vous secrètement la place de meilleur marqueur français occupée par Victor Wembanyama ?

Je ne pense pas qu’être devant Victor Wembanyama au scoring changerait quelque chose même si les gens sont impressionnés par ce qu’il fait. Pour moi, ce n’est pas important. Je suis au Portel et il faut qu’on maintienne ce club. Mes performances individuelles passent au second plan même si maintenant tout le monde sait que je peux scorer et que je suis un bon joueur.

2000 personnes sont venues voir Victor Wembanyama contre Le Portel alors que c’était seulement un match amical. C’est quand même fou, non ?

C’est un joueur qui commence à avoir un impact sur le basket, même sur la scène internationale. Après, on a préparé ce match pour nous, pas pour jouer contre lui.

« Si tu es un bon joueur, tu peux l’être partout ! »

Vous avez prolongé au Portel jusqu’en 2024, mais on a du mal à vous imaginer encore au club la saison prochaine vues vos prestations…

Je n’y pense pas beaucoup. Je suis au Portel jusqu’en 2024. L’objectif premier, c’est le maintien, ensuite on verra ce qui se passe.

Le pensez-vous vraiment ? N’est-ce pas un manque d’ambition ?

J’ai de très grandes ambitions. J’ai envie d’aller le plus haut possible, mais il faut vivre l’instant présent, continuer à travailler et, à la fin, j’aurai ce que je mérite.

De grandes ambitions, cela veut-il dire la NBA ?

Mon premier objectif, c’est de jouer en Euroligue. Après, si je continue comme ça, peut-être que certaines franchises auront envie de me voir. Je saisirai toutes les opportunités.

Tous les jeunes ne rêvent que de NBA. Pas mal se brûlent les ailes en partant trop tôt. Cela vous fait-il réfléchir ?

Je ne sais pas s’ils sont partis trop tôt. Certains montrent de belles choses, mais chacun a son chemin.

Si, cet été, un club d’Euroligue ou de NBA vous veut, vous sentez-vous prêt ?

Il y a des étapes à passer. Je ne sais pas si je suis prêt aujourd’hui. C’est à voir.

C’est peut-être aussi plus facile de briller dans une équipe modeste comme Le Portel…

Je ne pense pas. Si tu es un bon joueur, tu peux l’être partout ! Mais Le Portel, ce n’est pas une petite équipe. Les gens disent ça parce que le budget est petit, mais il y a beaucoup de talents et on va faire de belles choses.

Vous semblez avoir les pieds sur terre. D’où cela vous vient-il ?

Ça fait partie de moi, de mon éducation, de mon parcours. Je suis arrivé ici après beaucoup de difficultés. J’ai souvent eu le sentiment d’être rejeté, qu’on ne me faisait pas confiance. Je sais que la roue peut tourner. C’est très important pour moi de ne pas oublier d’où je viens et de garder les pieds sur terre.

« Shane Larkin, j’aime sa rapidité, son jeu d’instinct, je le regarde beaucoup. J’ai l’occasion de parler avec lui, il me donne beaucoup de conseils, il me suit »

Pourquoi avez-vous eu le sentiment d’être rejeté ?

Par exemple, aucun centre de formation ne me voulait à part Le Portel le seul qui m’a fait confiance. Vous vous rendez compte ! Sans doute qu’ils n’y croyaient pas en voyant mon jeu… C’est aujourd’hui difficile à croire qu’aucun centre de formation en France ne me voulait dont celui de Strasbourg d’où je viens et qui me connaissait quand on voit que je joue 30 minutes de moyenne en Betclic Elite.

MVP en décembre, présent au dernier All Star Games, etc, est-ce une revanche ?

Chaque jour, j’ai envie de progresser, de montrer que je peux faire mieux, c’est ce qui fait ma force. Je n’ai pas envie de leur montrer qu’ils se sont trompés, mais que ma détermination a fait que j’en suis là aujourd’hui.

Quand vous jouez contre Strasbourg, y repensez-vous ?

Bien sûr ! J’ai une énergie différente devant ma famille, mes amis.

International algérien en jeunes, vous avez déclaré que vous étiez candidat à l’équipe de France. Est-ce parce que l’équipe de France est d’un tout autre niveau ?

Non, pas du tout ! Simplement, je suis né en France, c’est la France qui m’a formé et qui m’a tout donné. Je suis très attaché à ce pays et c’est logique de choisir l’équipe de France. Ce n’est pas une histoire de compétitivité. Après, j’ai les deux passeports. J’avais 15 ans quand l’équipe d’Algérie m’a sélectionné. J’étais jeune. L’Algérie m’a proposé de disputer un Afro basket. J’ai accepté mais, avec du recul, et en ayant grandi, le choix de la France est logique.

Quels joueurs vous inspirent ?

Shane Larkin et Nando De Colo. Je suis plus imprégné par le basket européen – je regarde énormément de matches – chaque soir je me mets des matches, même des anciens matches ! que par la NBA dont je regarde juste les high lights. Ce sont deux profils différents, mais deux joueurs dont je dois m’inspirer. Nando De Colo, pour sa carrière, la façon dont il joue et ses choix. C’est une source d’inspiration à ce poste. Shane Larkin, j’aime sa rapidité, son jeu d’instinct, je le regarde beaucoup. J’ai l’occasion de parler avec lui, il me donne beaucoup de conseils, il me suit. Il m’a envoyé un message cette saison, j’étais étonné et on a commencé à parler comme si de rien n’était. C’est quelqu’un qui aime beaucoup le basket, qui regarde beaucoup de matches, il a dû tomber sur un de mes matches. On parle basket. Je lui pose des questions, lui aussi. On parle de tout et de rien. On a une bonne relation. C’est un joueur que je regardais à la télé quand j’avais 15-16 ans et maintenant je me retrouve à parler avec lui comme si c’était mon ami. C’est incroyable ! Le rêve continue.

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