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Paris 2024 / Gymnastique : pourquoi des médailles sont enfin possibles

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Alors que les pays de l’Est ont longtemps dominé la gymnastique artistique, ces dernières années les États-Unis trustent le haut des podiums grâce notamment à Simone Biles. Cet été, à Paris, avec l’absence des Russes, les Françaises ont quand même leur chance. 

23 août 2004. Aux JO d’Athènes, Emilie Le Pennec, jeune gymnaste française de 16 ans, remporte la médaille d’or aux barres asymétriques. C’est l’un des plus grands exploits tricolores. Pour la première fois, une Française monte sur la première marche d’un podium olympique en gymnastique. Vingt ans après, l’espoir renaît. Avec notamment Mélanie De Jesus Dos Santos, les chances de médailles sont bienlà, d’autant plus que les Russes absentes laissent une place sur le podium. Déçuede ses JO de Tokyo (6ᵉ au concours général par équipe et aux barres asymétriques, 11ᵉ au concours général individuel), la martiniquaise reconnaît être « passée à côté de ses Jeux à Tokyo », car « on (lui) a mis la pression » explique-t-elle à nos confrère de Libération. 

Un exil aux Etats-Unis indispensable pour Mélanie De Jesus Dos Santos

En 2022, Mélanie quitte Saint-Étienne pour s’entraîner aux États-Unis, au World Champion Center de Houston au Texas. La quadruple championne d’Europe (sol en 2018, sol et concours général en 2019, poutre en 2021) a choisi de rejoindre outre-Atlantique l’Américaine Simone Biles, meilleure gymnaste du monde avec 7 médailles olympiques dont 4 titres et 23 médailles d’or aux Championnats du Monde, un record. Sous la direction des entraîneurs français Laurent et Cécile Landi, elle découvre des nouvelles méthodes d’entrainements. L’apport de la préparation mentale et du soutien psychologique, absent en France, s’avère crucial. « En France, je n’avais pas de psy ou de prépa mentale. C’est seulement en étant au Texas que j’ai constaté à quel point c’était important d’être bien dans sa tête », confie-t-elle. À domicile, elle souhaite décrocher une médaille « peu importe laquelle ». Son objectif est partagé par ces coéquipières Marine Boyer, Coline Devillard, Morgane Osyssek-Reimer, Ming Gherardi Van Eijken qui ont toutes une carte à jouer. 

Dans les pays de l’Est, la gymnastique est plus qu’un sport

Alors que la Gymnastique Artistique masculine apparaît lors des premiers Jeux Olympiques de 1896, ce n’est qu’en 1928, à Amsterdam, que les féminines feront leur première apparition avec un concours général par équipes. Pendant la Guerre Froide, la réussite sportive devient un véritable enjeu et un élément de Soft Power. En 1952, à Helsinki, les épreuves individuelles féminines ont été ajoutées, coïncidant avec la première participation de l’URSS aux Jeux Olympiques. Les gymnastes soviétiques ont immédiatement excellé, remportant tous les titres par équipe de 1952 à 1992. Symbole de la réussite du système soviétique, Larisa Latynina demeure la gymnaste le plus médaillé de l’histoire avec 18 médailles remportées dont 9 titres en trois olympiades (1956, 1960 et 1964). Cette domination a servi de vitrine au régime soviétique, utilisée à des fins de propagande. 

Dans les pays de l’Est, la gymnastique artistique est plus qu’un sport ; elle est une véritable institution. La culture de l’excellence sportive est profondément enracinée. La discipline, le sacrifice personnel et la recherche constante de la perfection sont des piliers de la formation soviétique. Cette mentalité est inculquée aux jeunes athlètes dès leur entrée dans les programmes de formation et est soutenue par une infrastructure sociale qui valorise et récompense les réussites sportives. Les gymnastes des pays de l’Est bénéficient d’un soutien massif de l’État. Par exemple, après leur retraite sportive, l’État assurait la reconversion. Le système s’auto-entretenait, les anciens champions formaient les futurs. 

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Les gouvernements des pays de l’Est voient le sport comme un moyen de démontrer leur supériorité mondiale, investissant massivement dans les infrastructures de pointe et les programmes sportifs. Les gymnases et centres d’entraînement sont équipés des meilleurs équipements, permettant aux athlètes de s’entraîner dans des conditions optimales. Très tôt, d’importants investissements ont été versés dans le domaine de la science afin d’élaborer de nouveaux moyens améliorant les performances des sportives. Avec leurs recherches, les scientifiques ont permis à l’URSS d’être à la pointe de l’innovation technique. Leurs découvertes ont influencé les standards de la gymnastique artistique au niveau mondial. Une sélection se fait. Les petits gabarits ont plus de facilité à évoluer dans l’espace. De plus, les gymnastes sont également légers afin d’améliorer leur rapport poids / puissance.

Des méthodes qui peuvent tuer

La détection précoce et la formation intensive des talents sont des éléments clés du succès des pays de l’Est. Les gymnastes sont sélectionnées dès sept ans pour maximiser leur potentiel avant la puberté. Cela permet de développer leur souplesse et d’atteindre un niveau mondial avant les changements physiques de l’adolescence. Or, en France, les gymnastes découvrent le haut niveau vers 14, 15 ans. À cet âge-là, en Russie, elles font déjà partie des meilleures du monde. Grâce à ce réservoir étoffé, l’école russe accentue, au fil des années, sa domination.

Dès les années 1960, les autres pays du bloc de l’Est, en Tchécoslovaquie, en RDA, puis la Roumanie et la Chine, imitent le système de formation des athlètes soviétiques. Pour conserver leur suprématie, les Soviétiques se renouvellent. À partir du début des années 1970, les entraîneurs imposent des acrobaties de plus en plus périlleuses.

Ces programmes rigoureux augmentent les risques de blessures, mais favorisent des performances exceptionnelles. Seuls les soviétiques et les Roumaines osent de telles figures. Elles peuvent provoquer des lésions irréversibles, voire la mort en cas de mauvaise réception (la nuque peut se briser). 

Le Français Samir Aït Saïd rêve de l’Or

Le modèle victorieux établi par les Soviétiques a non seulement survécu à l’URSS, mais été largement exporté. Les méthodes utilisées se sont mondialisées. Dès les années 1980, le système de formation des gymnastes a été adapté et copié aux États-Unis, puis dans le reste du monde. Le phénomène s’est renforcé après 1991, lorsque les anciennes championnes soviétiques et leurs entraîneurs ont été recrutés partout dans le monde. Cependant, à la chute du régime, des scandales supposés de dopage éclatent. Certains entraîneurs auraient mis enceinte des gymnastes juste avant des compétitions afin d’améliorer leurs performances. Elles avortaient après. Aucune preuve n’existe, mais ces rumeurs de grossesses dopantes provoquent un tremblement de terre. Aujourd’hui, pour éviter les dérives, les gymnastes doivent être âgés au minimum de seize ans pour participer aux Jeux olympiques.

Côté homme, la France comptera sur Samir Aït Saïd. Porte-drapeaux lors des JO de Tokyo,  il est la seule chance française cette année. Le gymnaste français s’est qualifié sur l’agrée des anneaux. A 34 ans, il disputera ses troisièmes jeux avec l’objectif de décrocher l’or à domicile.

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Pauline Andrieu

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