Riche de sa grande expérience en Formule 1, Philippe Alliot a été témoin de l’arrivée dans le paddock de Michael Schumacher. Schumi (109 Grands Prix) a très vite décelé cette soif de vaincre de l’Allemand aux sept couronnes mondiales.
Au moment de voir démarrer le jeune Michael Schumacher, aviez-vous senti qu’il avait le potentiel pour devenir champion du monde ?
Il y un certain paradoxe entre nos deux carrières. J’ai suivi Michael Schumacher, à ses débuts, quand il était chez Mercedes, en endurance. J’étais encore en Formule 1 et j’allais passer en endurance avec Peugeot. Je suivais l’endurance avec beaucoup d’intérêt.
Mais j’ai pu constater que le mec le plus rapide chez Mercedes n’était pas Schumacher, c’était Jean-Louis Schlesser qui était le pilote numéro 1. Ensuite, Schumacher est arrivé en Formule 1 et il a eu cette opportunité d’aller chez Jordan.
Une opportunité qui lui a permis de faire le show à Spa pour ensuite faire la belle carrière que tout le monde connait. C’est un mec qui a eu une progression jusqu’à la fin de sa carrière, qui a beaucoup travaillé. Il s’est toujours remis en question. Il a bossé énormément pour atteindre ses objectifs. Mais, au départ, il n’était pas le plus rapide de tous. Il l’a été après.
Pensez-vous qu’il a révolutionné la Formule 1 ?
Il a été l’un des premiers à avoir l’approche qu’ont tous les pilotes d’aujourd’hui. Schumi a été un vrai sportif de haut niveau avec une préparation physique minutieuse et appliquée. Il a beaucoup travaillé. On peut le comparer à un autre Michael, Michael Jordan. C’était un mec au talent naturel mais qui, à force de travail, a surpassé tout le monde. Il avait aussi une grande humilité et une véritable persévérance à faire son métier. Il ne lâchait rien.
Estimez-vous qu’il est reconnu pour sa réelle valeur aujourd’hui ?
Il restera dans l’histoire de la F1. Au même titre que Fangio, Lauda, Prost, Senna et Hamilton. Il sera plus considéré que Vettel par exemple. A moins que ce dernier ne gagne des titres avec Aston Martin. Mais ce n’est pas gagné.
« Schumi n’a pas eu des adversaires à sa hauteur »
La domination qu’il a connue avec Ferrari peut-elle lui porter préjudice ?
S’il a gagné, c’est qu’il le méritait. Il a été dans les bonnes équipes, au bon moment. Et si c’était le cas, c’est que c’était le meilleur. Il n’y avait pas de secret. Sincèrement, Schumacher sera toujours reconnu comme un grand de la F1.
Quelle image gardez-vous de lui ?
C’était un type vraiment abordable et sympa. Il était différent de Senna. Il était toujours le même. Que ce soit dans la vie, entre les Grands Prix et sur les Grands Prix. Il avait toujours le même comportement. Senna se mettait une armure pour se protéger.
Schumacher non. Il était entier et égal à lui-même. C’était un mec normal. Mais j’aurai toujours en tête le jour où il a pris la Jordan de Bertrand Gachot pour réussir une course exceptionnelle à Spa. Sans ce jour précis, il n’y aurait pas eu de suite. C’est Mercedes qui lui avait payé cette pige à l’époque.
Si vous comparez avec tous les grands champions que vous avez croisés, quelle place occupe-t-il ?
C’est vrai que j’ai eu le privilège de courir avec beaucoup de grands noms. J’ai démarré avec Lauda pour m’arrêter avec l’éclosion de Schumacher. Entre-temps, il y avait Prost, Senna, Mansell, Hill,… Il y en a eu beaucoup. Ce n’est pas le pilote pour lequel que j’avais le plus de reconnaissance, mais il avait son caractère rigide, à l’allemande. Ce n’était pas un latin.
Sans son accident, Senna aurait-il pu contester la suprématie de Schumacher ?
Il n’a pas eu les adversaires à sa hauteur. Cela lui aurait permis de gagner plus de crédibilité. Mais cela n’enlève rien à sa carrière. S’il a gagné, c’est qu’il était plus fort que les autres. Ses coéquipiers ont tous été atomisés. Un peu comme Hamilton.
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