Bien davantage qu’un simple stade de rugby, Mayol représente un lieu chargé d’histoire et d’émotion, un écrin mythique installé au cœur d’une cité varoise dont il a fini par devenir l’incarnation.
Le 28 mars 1919, lorsque le chanteur de music-hall Félix Mayol inaugure le stade qui porte son nom – car c’est lui qui offre le terrain et les droits de ses chansons pour payer les installations -, il ne peut pas imaginer que plus d’un siècle plus tard Toulon continuerait à honorer sa légende. Dans un rugby devenu professionnel, au milieu d’enceintes aseptisées qui ont épousé les codes de leur temps pour plus d’accessibilité et de rentabilité, Mayol continue de faire de la résistance. Pour le plus grand plaisir d’une de ses anciennes gloires.
« Mayol, c’est l’église au milieu du village, nous dit Eric Champ, un vrai temple à quelques encablures du port militaire, des dockers, du marché du cours Lafayette. Tout ça se touche et participe forcément à l’incroyable impact du stade dans la cité et bien au-delà. »
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Mayol, un stade emblématique du Top 14
D’une capacité de 18 000 places, réparties sur quatre tribunes ; Delangre (Eugène, ancien joueur en entraîneur), Finale (Charles, ancien pilier décédé à la suite d’un match de du Manoir face à Grenoble en 1964), Lafontan (Jules, ancien joueur et résistant) et Bonnus (Michel, ancien international), l’enceinte toulonnaise n’est pas visuellement la plus impressionnante, elle n’en demeure pas moins l’une des plus emblématiques.
« On le doit à Hubert Falco (maire de Toulon entre 2001 et 2023, Ndlr), tient à préciser l’ancien international et président du RCT, qui a toujours résisté à la tentation de délocaliser Mayol. Car le rugby c’est la ville ou les villages, avant d’aller au match, on boit l’apéro sur le port, après on y revient faire la 3ème mi-temps. »
Comme un tout inaliénable qui comprend aussi l’avenue des légendes et le fameux Pilou-Pilou, ce célèbre cri de guerre poussé par Marcel Bodrero dans les années 40 et que le président Champ a remis au goût du jour au début des années 2000. « Gamin, on le chantait dans le bus, ça fait partie de l’histoire au même titre que l’avenue des légendes, un clin d’œil pour ceux qui y sont, un monument à visiter pour ceux qui viennent à Toulon. »
Eric Champ : « Dans ce rugby pasteurisé, il faut savoir cultiver cette notion de combat et de proximité qu’incarne magnifiquement Mayol »
Un monument que d’aucuns estiment en péril eu égard à ses nombreuses contraintes, notamment celles de ne pouvoir accueillir que 18 000 spectateurs dans de difficiles conditions d’accès et de stationnement, sans parler des limites en termes de confort et de prestations.
Propriété de la ville, le statut de Mayol est donc régulièrement l’objet de vifs débats sur la pertinence d’un nouveau stade ultra-moderne en périphérie et qui permettrait aussi l’organisation de concerts. Eric Champ nous dit ce qu’il pensait, rejoint par la plupart des décideurs locaux, du président Lemaitre à la nouvelle première magistrate de la ville, Josée Massi, qui a confirmé les travaux de modernisation du stade avec l’éclairage et la sono.
Une manière de repousser à plus tard, peut-être à jamais, une délocalisation qui serait mal vécue par tous les supporteurs du Racing, plus attachés que jamais à l’âme des lieux, à une virilité historique née de rencontres titanesques des Barbares de la Rade.
« On se la joue un peu avec ça, reconnait Champ, parce qu’on a tendance à tout dramatiser. Il y a eu autant de moments difficiles pour nos adversaires à Mayol que pour nous à l’extérieur où on a aussi morflé. Mais comme on parle plus fort que les autres… Dans ce rugby pasteurisé, il faut aussi savoir cultiver cette notion de combat et de proximité qu’incarne magnifiquement Mayol. »