Depuis 2013, Canal+ est devenue la chaîne de la Formule 1 en France avec un savoir-faire qui ne souffre d’aucune contestation. Présent dès les premiers tours de piste, Laurent Dupin revient sur ces dix ans.
Avez-vous vu passer ses 10 ans de Canal+ en Formule 1 ?
J’ai des souvenirs très précis de ma première saison avec Canal +, en 2013. C’est assez hallucinant de constater que cela fait déjà 10 ans. Quand on ressort des images de nous, à l’époque, effectivement, on constate que 10 ans sont passés. On a tous un peu changé (sourire). C’est un boulot de rêve et le boulot de nos rêves. Pouvoir continuer à parcourir le monde pour traiter la Formule 1 sur Canal, on le refait avec plaisir, surtout si c’est encore pour 10 ans !
Après avoir revu les premières images de 2013, qui a le moins changé chez Canal ?
(Rires) C’est dur, mais je trouve que c’est Jacques Villeneuve. Physiquement déjà, mais aussi dans l’énergie qu’il peut mettre et dans son caractère affirmatif. Il a toujours des avis tranchés. Ça peut créer du débat. Il n’a pas édulcoré son propos en 10 ans.
Quel est votre secret après autant d’années ensemble pour continuer à rassembler les gens autour de la Formule 1 ?
A l’antenne, on ne triche pas. On s’entend bien. Cela se voit. Et heureusement. On passe tellement de temps ensemble. 23 Grands Prix, il faut compter 5 jours de déplacement par course. On est à 115 jours de déplacement. Ce serait lourd si on ne s’aimait pas les uns les autres. Heureusement que la Saint-Valentin tombe hors saison F1 pour ne pas avoir de conflits supplémentaires à cause de la F1 (rires).
Jacques Villeneuve est toujours le même
Repartez-vous toujours avec la même envie et la même passion au départ d’une saison ?
On est des passionnés de ce sport. On cherche à poser les questions que tous les téléspectateurs se posent. On a envie que ça reparte, savoir qui a bien travaillé, qui sera déjà devant. Une Ferrari peut-elle être championne ? Alpine et ses pilotes français vont-ils briller ? On est dans le moment de l’année où l’impossible est possible. Il y a plein de questions où l’on attend les réponses. On repart avec beaucoup d’enthousiasme.
C’est un challenge professionnel d’être novateur et de proposer des choses nouvelles aux téléspectateurs. L’autre jour, je faisais l’interview de Frédéric Vasseur qui me disait qu’il faut toujours faire mieux demain qu’aujourd’hui. C’est ça l’état d’esprit qu’il va insuffler à Ferrari. Ce sera aussi un peu le nôtre. On essaye d’apporter des choses nouvelles. On ne veut pas tomber dans la facilité et aller un peu plus dans les coulisses, en immersion. On veut essayer de montrer des choses que l’on n’a jamais montrées.
Ça nous met des défis entre nous. Ça nous motive et cela est bénéfique pour les téléspectateurs. On peut compter sur la passion de nos consultants. Franck Montagny continuera avec son enthousiasme et son envie d’expliquer les détails d’une monoplace. Les commentaires de Romain Grosjean sont appréciés. Il est encore pilote et peut nous expliquer des choses qu’il voit. C’est pour cela qu’il va commenter 5 Grands Prix cette année. Ça fait partie de la volonté d’apporter des nouveautés.
Laurent Dupin amène Grosjean à l’antenne
Justement, l’une d’entre elles va être d’avoir plusieurs consultants aux commentaires avec Jacques Villeneuve, Romain Grosjean, Franck Montagny et Jean Alesi, qui vont se succéder auprès de Julien Fébreau…
Ce sont différentes générations et différentes façons de raconter la Formule 1. Ce sont des personnages différents. Jacques Villeneuve est un historien de la F1. Il connaît tout et peut tout vous dire. Il peut être très critique envers les pilotes. Il est très pointilleux sur certaines choses. Romain Grosjean reste un pilote d’aujourd’hui avec la technique d’aujourd’hui et la connaissance des pilotes qu’il a connus en piste.
Franck Montagny, c’est de l’énergie et la passion de la course, avec une bienveillance pour la plupart des pilotes. Jean Alesi, c’est autre chose. Il ne va pas nous détailler un réglage, mais c’est une part d’histoire et de passion. Il est gentil avec tout le monde.
Quand il va commenter le Grand Prix du Canada, ce sera spécial, pour l’avoir gagné en 1995. Il va y avoir des émotions et des belles histoires à raconter. Ce sera le cas tout au long de la plus longue saison de l’histoire avec ces 23 Grands Prix. C’est pas mal d’avoir plusieurs personnages qui se relaieront au micro aux côtés de l’indéboulonnable Julien Fébreau.
« Il faut toujours faire mieux demain qu’aujourd’hui »
Personnellement, est-ce une fierté d’être toujours auprès des pilotes et souvent le premier confident ?
Souvent, dans la zone d’interviews, les pilotes français ou même Charles Leclerc, viennent nous voir en premier. Il nous est arrivé d’informer un pilote d’une pénalité comme Leclerc en Belgique l’année dernière ou d’avoir les premières réactions en français de Gasly ou Ocon après leurs victoires. Ce sont des moments où l’on est content pour l’antenne.
C’est une excitation que l’on veut partager en direct avec nos téléspectateurs. J’ai vraiment la sensation de vivre un truc incroyable. Jamais je n’aurais pensé vivre une victoire française en F1. Alors que ça faisait 24 ans d’attente ! J’ai vraiment apprécié ce moment. J’en ai profité. J’étais heureux de poser mes questions.
Le jeune enfant passionné de F1 que vous étiez serait-il heureux du journaliste que vous êtes aujourd’hui ?
(Sourire) J’ai vraiment toujours fait cela. J’ai grandi dans le sud de la France. C’est mon père, passionné de F1, qui m’a emmené à mon premier Grand Prix de Monaco. J’ai quelques photos de moi, tout petit, à côté de Formule 1. C’est vraiment à partir de l’adolescence que j’ai souhaité être journaliste. J’ai même des autographes de l’équipe TF1 de l’époque.
D’y être arrivé, ça m’arrive pas mal de fois dans l’année de savourer. Je veux aussi tout faire mieux. Je suis exigeant avec les autres, mais surtout avec moi. Quand on utilise un mot en anglais, je reprends tout de suite avec l’exemple de ma mère qui ne le parle pas. C’est le boulot de mes rêves, mais je n’y vais pas en touriste. Je pense souvent aux gens derrière la télé.
« Alpine peut viser une 3ème ou 4ème place, ce serait bien »
Sportivement, comment sentez-vous cette saison 2023 ?
Je pense que Red Bull avait pas mal d’avantages l’année dernière. On n’est pas à l’abri qu’ils aient encore une dernière trouvaille technologique pour conserver un peu d’avance. Il est intéressant de voir que Ferrari a fait évoluer sa voiture sans pour autant copier le modèle de Red Bull, contrairement à Aston Martin et Williams. J’espère qu’il y aura une belle lutte entre Red Bull et Ferrari. Sans oublier Mercedes qui était bien revenue en fin d’année.
Il y aura forcément la domination d’une écurie. J’espère en arrivant le jeudi que l’on ne sache pas qui va gagner la course le dimanche ou qui fera la pole le samedi. En fin d’année dernière, la domination de Verstappen et Red Bull enlevait un peu de suspense, même si les courses étaient plaisantes à suivre, avec de la bagarre. Mais, en championnat, il n’y avait plus de suspense. Si Alpine pouvait réduire l’écart, tout en étant présent en cas de défaillance devant, pour viser une 4ème ou même une 3ème place selon les scénarios, ce serait vraiment bien.