Julien Febreau s’est confié en exclusivité pour Le Quotidien du Sport. Le commentateur vedette de la F1, avec son compère Jacques Villeneuve, livre ses impressions, à mi-saison.
Verstappen semble plus installé que jamais en tête du championnat malgré 2 abandons… comment l’analysez-vous ?
Je l’analyse dans la continuité de 2021. Il a vécu une saison extrêmement dense Elle s’est achevé sur un titre de champion. Ce dernier récompense le travail effectué par son écurie. Verstappen s’est présenté dans un état d’esprit extrêmement solide, soulagé d’avoir atteint son rêve. Il était confiant avec son équipe qui était tout à fait prête pour cette nouvelle saison.
On avait toutefois un doute sur le temps de préparation de Red Bull pour cette nouvelle saison. Ce qui n’a pas été le cas. L’obtention du titre mondial a été très bénéfique pour lui. Sa qualité du volant témoigne d’une grande confiance en lui. Il a face à lui deux équipes qui sont dans le doute, Ferrari qui se prend les pieds dans le tapis et Mercedes qui n’est pas prête. La logique comptable est totalement respectée.
« Verstappen pousse Red Bull à la prise de risque »
Red Bull domine le championnat sur le plan stratégique comme en Hongrie, pourquoi l’équipe autrichienne est-elle aussi performante en Course ?
Je pense que génétiquement, Red Bull est une équipe qui fonctionne avec une certaine prise de risque. Ces derniers sont calculés. Mais il y a une part d’audace chez RB, elle est la moins frileuse quand il faut prendre des risques en course. Toutefois, l’écurie calcul dans un certain sens ses risques. De plus, elle est poussée par un pilote, Verstappen qui les emmène vers cette prise de risque. Red Bull a gardé cette philosophie d’une stratégie offensive et sans avoir le pied sur le frein. Ils prennent toujours des décisions selon les intérêts du pilote en course. Les résultats tombent.
« Ferrari n’avait plus l’habitude de jouer le titre de champion du monde »
Ferrari se crash grand-prix après grand-prix, pourquoi la Scuderia a-t-elle tant de mal à s’imposer ?
Il y a plusieurs choses, cela fait longtemps que Ferrari ne s’est pas retrouvée en position de jouer le titre mondial. Ferrari se cache dans un discours de la reconstruction. Alors que depuis le début de saison, ils devraient assumer leur talent et dire qu’ils veulent le titre de champion du monde. Il y a de la panique dans les moments décisifs chez la Scuderia. Ils ne suivent pas le bon lièvre. La prise de décision stratégique manque de recul.
Jacques Villeneuve a l’habitude dire que les ingénieurs doivent lever la tête de leurs ordinateurs par moment et regarder ce qu’il se passe en course. À l’image de ce qui s’est passé en Hongrie où Leclerc a chaussé des pneus durs. Alors qu’Alpine avait essayé sans résultat. De plus, cela pose la question d’un problème d’organisation, qui rapporte à qui, comment transmettre les informations. Quand les erreurs se répètent, c’est qu’il y a des défaillances. Il y a des équipes beaucoup plus fortes que Ferrari sur la stratégie de course.
Febreau confiant sur le futur de Leclerc
La faillite de Ferrari se ressent sur Leclerc, qui malgré son talent de pilotage perd beaucoup de points.
Il est rare pour un pilote de se retrouver dans la bonne voiture au bon moment. Leclerc est dans l’apogée de sa carrière, au volant d’une grande écurie. Je pense que c’est pesant pour Charles Leclerc. Il faut ajouter de nombreuses déconvenues comme à Monaco, chez lui. Course après course, il prend des coups sur la tête.
Cela doit laisser des traces frustrantes pour lui, c’est énergivore. Il doit se dire qu’il joue le titre ; Il est en train de passer à côté du titre mondial. Les carrières des pilotes ne sont pas très longues. Cependant, Charles Leclerc a beaucoup de talent avec une technique de pilotage très fiable. Il n’a pas encore perdu le championnat.
« Mercedes s’est remise en question au fil des courses »
Il y a une troisième écurie qui revient à fond, c’est Mercedes, sans faire de bruit, est-ce une surprise ?
Avec le talent de toute l’équipe, je ne suis pas surpris par la place de Mercedes. Même si, elle a été piégée par le nouveau règlement. Elle partait de loin avec les règles de 2022. Quand on voit malgré tout cette écurie de Mercedes, la force de frappe à tous les niveaux, qu’est ce que ça aurait été dans une autre écurie. Ils ont énormément souffert depuis février. Ils sont encore aujourd’hui derrière et pas en mesure de gagner les courses, cela prouve la complexité du travail à réaliser pour une équipe comme Mercedes.
Elle réussie malgré tout à mettre en place sa méthode de travail qui demande beaucoup de temps. Il faut de la patience pour les pilotes comme Hamilton et les ingénieurs pour garder la tête froide et accepter la situation compliquée de l’écurie. Mercedes s’est remise en question au fil des courses. Ce qui leur arrive est assez spectaculaire.
« Avoir trois pilotes pour le titre c’est bon pour la F1 »
Hamilton, Verstappen et Leclerc, un trio pour une place de champion du monde, est-ce une bonne nouvelle pour la fin de championnat ?
Bien sûr. On rêve toujours d’une bataille à deux équipes. Quand une troisième peut se même à la lutte pour la victoire et podium, c’est tout bon pour la F1. Plus on est de fou plus on rit. Quand on voit aussi le niveau de Russel, Sainz et Perez dans l’ombre de ses pilotes c’est aussi bénéfique. Que ce soit pour la pole ou le championnat constructeur, c’est très bon pour la F1. Tant mieux. Si cela peut tenir jusqu’au dernier Grand-Prix, ce sera bien pour tout le monde. Je suis bien incapable de prédire qui gagnera chaque dimanche. Il n’y a pas qu’un seul nom qui émerge.
Julien Febreau estime que Gasly n’a pas une bonne voiture de F1
On n’a pas encore vu les Français à l’œuvre, quelles en sont les raisons ?
Pour Pierre Gasly c’est difficile de porter des jugements. La voiture est difficile à piloter. Le pilote a besoin d’un très bon outil entre les mains. Pierre se débat avec sa voiture. Ça fait mal au cœur quand on voit ce qu’il a déjà prouvé. Il n’est pas à sa place. Il est freiné par le matériel qu’il a avec lui. Il doit travailler pour accepter la situation et améliorer le matériel et les analyses à son équipe. C’est lui qui va se sauver en donnant toutes les infos utiles à son équipe.
Pour Esteban Ocon, ce sont des hauts et des bas, aussi bien pour lui que pour l’équipe. Il y a une première partie de saison qui a manqué de régularité sur la voiture et pour lui. Cependant ils ont toujours été dans les points ; Quand on voit le peloton de la F1, c’est une performance.
Julien, l’an dernier vous étiez dans la légende du commentaire avec votre fameux « accélère, accélère Pierre Gasly » lors de sa victoire en Italie, un moment exceptionnel pour les réseaux sociaux, comment l’avez-vécu ?
J’étais très heureux d’avoir vécu ce moment là en 2020 à Monza. Quel que soit le sport, ou quand on est attaché à l’automobile comme moi, avoir la chance de vivre une victoire française c’est formidable. J’étais heureux pour Pierre. Avoir pu être un spectateur privilégié, c’était formidable.
Après que le commentaire de cette victoire sur canal ait apporté une touche d’émotion, c’est beau. On m’en parle très souvent encore. Le commentateur doit accompagner l’événement par les mots et le ton. Si cela a été le cas ce dimanche-là, c’est très bien. J’en suis très heureux pour les spectateurs.
« Je vois mal Verstappen faillir avec 80 points d’avance »
Si vous étiez un parieur, sur qui miserez-vous pour le titre de championnat du monde ?
(Rires) À première vue, ça semble mieux engagé pour Verstappen avec 80 points d’avance. Le nombre de points perdu par Ferrari témoigne aussi d’une situation qui peut se retourner. Je ne suis pas un parieur, je n’aime pas ça. Mais je préfère être dans la situation du pilote à 80 points d’avance que dans celle qui a 80 points de retard.
Je vois mal Verstappen faillir, car il est solide dans son pilotage. Je ne sais pas quelle situation inattendue verrait un changement. Maintenant il faudra faire attention aux fiabilités des voitures. Red Bull comme Ferrari ont connu beaucoup de souci à mi-saison.