lundi 14 octobre 2024

La grande interview – Les vérités d’Abdelatif Benazzi candidat à la présidence de World Rugby

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Jean-Marc Azzola
Jean-Marc Azzola
Journaliste

Tout en confirmant sa candidature à la présidence de World Rugby, l’ancien international français (78 sélections) de 56 ans, Abdelatif Benazzi revient sur les affaires récentes qui ont secoué le rugby français. Entretien pour Rugby Magazine et Le Quotidien Du Sport.

Pouvez-vous nous confirmer votre candidature à la présidence de World Rugby ?

Oui. La candidature est envoyée officiellement à World Rugby. On arrive à la fin d’un cycle. Les postes indépendants sont ouverts. Je me suis positionné.

Pour quelle raison ?

Toute l’expérience de la France a prévalu lors de la Coupe du monde et des Jeux Olympiques. Je suis conscient des enjeux et des difficultés du rugby en termes de revenus pour les grandes nations fondatrices. Les dix nations majeures sont en souffrance. Vu l’enjeu médiatique croissant encore visible sur les Jeux, il y a cette responsabilité à assumer pour que ce sport prenne un essor global.

Il faut donc revoir une certaine gouvernance et transparence concernant certains endroits dans le monde. Le but étant de passer à une vitesse supérieure. J’ai enchaîné depuis quatorze mois les réunions en tant que représentant de la Fédération Française de Rugby.

Il est temps qu’une partie du modèle français envié par beaucoup soit un peu plus mis au service du rugby mondial. Historiquement, la France a eu cette habitude de tendre la main à des nations de Tiers II, ou en Afrique ou en Asie notamment, grâce à notre formation. On veut jouer un rôle autour de la table ronde. On est absent de ces instances depuis un moment.

Aujourd’hui, l’économie du rugby mondial se base beaucoup sur la France et l’Angleterre. Il est de notre responsabilité d’aller plus loin, surtout après les Jeux Olympiques. Le rugby doit avoir une portée globale et mondiale. Il y a beaucoup de stratégies qui doivent être mises en place et consolidées : sur le développement, sur la santé des joueurs, sur la démocratisation de ce sport, sur l’évolution du rugby à 7…

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Le rugby trop dépendant des grands pays

A quel moment allez-vous présenter votre programme à World Rugby ?

Le 14 novembre, il va y avoir les élections du conseil. Cela représente plus de 50 votants. En attendant, je vais être reçu par quelques fédérations pour exposer mon projet. Je pars bientôt en Irlande et en Angleterre. J’échange aussi beaucoup avec l’Argentine, l’Afrique du Sud, et j’ai des visios avec le Japon. Je me présente en tant qu’indépendant.

Quand on est chairman de World Rugby, on n’est pas représentant d’un pays, mais du monde entier. Je m’inspire beaucoup de ce que j’ai appris en France. Je capitalise là-dessus. J’ai suivi aussi l’évolution du regretté Bernard Lapasset. Il m’a impressionné par son lobbying et sa façon de voir le rugby. On lui doit notamment beaucoup sur cette arrivée du rugby aux Jeux. Il faudrait que la France, via ma candidature, puisse jouer un rôle dans cette évolution de ce rugby. 

« Je n’ai jamais été témoin d’une vision aussi pragmatique, aussi responsable, aussi transparente et éthique, que depuis que Florian Grill est arrivé »

Vous êtes aussi un soutien à l’actuel président de la FFR Florian Grill, pourquoi pensez-vous qu’il a toutes les chances de se succéder à lui-même le 19 octobre ?

On se mobilise sur le terrain pour qu’il soit reconduit. Je parle en mon nom. Je connais les rouages du rugby français. C’est une chance d’avoir Florian Grill au sein de la Fédération. Je n’ai jamais été témoin d’une vision aussi pragmatique, aussi responsable, aussi transparente et éthique, que depuis qu’il est arrivé. On est là que depuis 13 mois.

Cependant, les fondamentaux sont posés notamment sur la clarté des comptes, la gestion de la Fédération, le développement du rugby dans tout le territoire. Je ne dis pas cela par amitié envers lui. Mais j’ai un nom et je peux confirmer que je n’ai jamais rien vu d’aussi éthique ces dernières années. C’est primordial.

Ce serait bien que les clubs accordent leur confiance pour les quatre ans qui viennent. Et ce pour mener à bien tout le travail à fournir. Ce serait vraiment dommage de s’arrêter après si peu de temps. La démocratie impose qu’il y ait des candidats et c’est normal. Par contre, les chamailleries et les vengeances des anciennes équipes, le rugby français ne veut plus de cela.

« La FFR déplore les affaires extra-sportives qui éclaboussent le rugby »

Plusieurs affaires extra-sportives ont éclaté durant l’été. Ce n’est naturellement pas bon pour l’image du rugby !

On le déplore tous ! On a quelques maux de société qui gangrènent effectivement notre sport. Cet été, c’est arrivé d’une manière très brutale. Sans oublier évidemment le drame qui nous a tous affectés avec la disparition de Medhi (Narjissi, Ndlr). Je me réjouis de voir Ugo Mola (entraîneur de Toulouse, Ndlr) pousser un coup de gueule contre ceux qui utilisent ces événements pour des raisons politiciennes.

Il va y avoir un avant et un après. Je suis impressionné par la gestion de ces affaires par l’équipe de la Fédération, avec la Ligue et quelques clubs professionnels. Il faut qu’on puisse arrêter tout cela. On n’a toutefois pas attendu ces maux survenus cet été pour dénoncer qu’il y avait un problème d’addiction d’alcool partout ou un problème de violence sexuelle dans quelques endroits.

Concernant le problème touchant la drogue, on a averti il y a quatre mois. On a envoyé un plan de prévention. On est tous affectés, mais on est déterminés à trouver des solutions pour que le rugby reste intact par rapport à ces difficultés touchant de plus en plus la société actuelle.

« Je suis choqué et surpris de l’affaire Jaminet »

Quid de l’affaire Melvyn Jaminet ?

Je ne le connaissais pas personnellement. Mais j’ai été choqué et surpris. Quand on est à ce niveau, qu’on représente l’équipe de France et qu’on porte l’emblème bleu, blanc, rouge, on ne doit pas avoir ce comportement. La Fédération a donné une réponse immédiate en sanctionnant. Son club professionnel (Toulon, Ndlr) a pris la même mesure. Moi-même j’ai vécu des choses similaires quand j’étais jeune.

Quasiment personne n’était à mes côtés. A l’époque, on subissait de toutes parts. Aujourd’hui, la justice, les réseaux sociaux, l’institution s’en mêlent. C’est l’occasion de demander pardon à la communauté arabe qui a été touchée dans son âme par une personne qui porte le maillot de l’équipe de France. On n’est pas non plus une Fédération qui met les gens sur le bûcher.

Je suis certain que cette personne va réfléchir sur son comportement et repartir du bon pied. Mais il fallait réagir vite. Je me souviens d’un problème de discipline qui sévissait quand je jouais pour l’équipe de France. Pierre Berbizier voulait montrer l’exemple en sanctionnant quelques internationaux. Il voulait donner une image nouvelle par la voie disciplinaire.

Que Melvyn Jaminet soit sanctionné, c’est normal. J’espère que cela servira de leçon pour tout le monde. Tous ceux qui sont victimes de racisme sur ou en dehors du terrain, on est à leur côté. On saura répondre. J’ai moi-même subi le racisme quand j’étais joueur. J’en ai souffert. Heureusement que ce n’était pas tous les jours et que certaines personnes m’ont tendu la main, dénoncé et soutenu. Une fois qu’on a compris que le rugby c’est autre chose que du conservatisme…

C’est surtout une question de différences à accepter des uns envers les autres. Ce sport est ouvert à tous. Je reçois actuellement beaucoup de coups de fil de jeunes qui sont touchés à des petits niveaux. Je leur apporte mon soutien et dénonce auprès des ligues régionales et départementales. C’est un phénomène de société. Cela touche les communautés étrangères, mais pas que. Dans notre société, les handicapés, les gays, ne sont pas épargnés non plus.

L’affaire Jegou et Auradou sous couvert d’enquête

Un dernier mot sur l’affaire Jegou/Auradou…

L’image de notre rugby est là encore touchée. Mais en même temps je veux me souvenir aussi de cette équipe de France à 7 avec un Antoine Dupont exemplaire par son comportement. Il a touché le monde entier et il faut aussi mettre cela en avant. Concernant Jegou et Auradou, il y a une présomption d’innocence et une enquête en cours.

Il faut le respecter. Ensuite, il sera temps de prendre les décisions adéquates. Je me répète, il y a aura un avant et un après sur la gestion de ces équipes de France et sur le fonctionnement à l’avenir.

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