mardi 10 décembre 2024

Comment Pierre Jonquères d’Oriola est devenu une légende

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Frédéric Denat
Frédéric Denat
Journaliste

Ses deux titres olympiques en 1952 et 1964, ses deux autres médailles glanées en 1964 et en 1968 par équipes, ont fait de Pierre Jonquères d’Oriola, le plus grand cavalier français de l’histoire, le plus titré de l’équitation mondiale.

De 1948, pour ses premiers Jeux qu’il vit, à Londres, dans la peau d’un remplaçant, à 1972, pour ce qui auraient pu être ses septièmes et derniers JO s’il n’avait pas refusé sa sélection, le Catalan au caractère bien trempé a traversé l’aprèsguerre au rythme du rendez-vous planétaire quadriennal. Des trois éditions qu’il marqua de son empreinte, celle de 1964 à Tokyo est de loin celle qui le fit entrer parmi les plus grands du saut d’obstacles.

Alors que la délégation française se prépare à rentrer au pays bredouille de tout titre olympique, c’est lui, le dernier jour, qui sauve la patrie, pour lui éviter un nouveau zéro pointé quatre ans après celui de Rome. Avec son cheval, Lutteur B, un anglo-normand bai brun de 9 ans, il réalise le seul sans faute de la seconde manche de la finale pour accrocher une 2ème médaille d’or à son palmarès après celle de 1952.

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Pierre Jonquères d’Oriola, le miracle de 1952

A Helsinki, c’est sur Ali Baba, un anglo-arabe de 12 ans, qu’il décroche à 32 ans sa première consécration à l’issue d’un barrage, malgré une première manche décevante. Quelques jours avant, son cousin, Christian D’Oriola, lui avait montré la voie en remportant le concours individuel du fleuret.

Il lui faudra attendre douze ans et deux olympiades, une 6ème place en 1956 à Melbourne sur Voulette et une 18ème en 1960 à Rome pour retrouver la plus haute marche du podium, et ajouter deux médailles d’argent par équipes, à Tokyo et quatre ans plus tard à Mexico avec une 17ème place en individuel forcément liée à l’absence de Lutteur B, victime d’un étalon trop agressif et qu’il a fallu euthanasier, la mort dans l’âme, quelques semaines avant le départ pour le Mexique.

Descendant d’une famille anoblie sous Louis XIV, le cavalier catalan a toujours entretenu des relations tendues avec les instances de l’équitation française, qui faillirent le priver des JO en 1952 et qui le poussèrent à décliner ceux de 1972 à Munich. Même à Tokyo, sa sélection avait été remise en cause en raison de ses prises de positions politiques.

Marcel Rozier : « C’était la perfection »

Deux ans après l’indépendance de l’Algérie, le gouvernement ne souhaitait pas sélectionner des athlètes qui avaient défendu l’Algérie française. A quelques semaines du départ, le président de la FFSE, Renom de France, déclarait :

« Il est probable que Jonquères d’Oriola ne sera pas sélectionné pour Tokyo. » Grâce au Directeur Technique National des sports équestres, le colonel Albert Boyer, conscient du gâchis que représenterait l’absence d’un compétiteur aussi expérimenté, mais aussi du Ministre des Sports Maurice Herzog, le Catalan de 44 ans qui était prêt à payer le voyage à ses frais pour présenter Lutteur B, un jeune cheval qu’il venait d’acheter et en qui il croyait énormément, a même été nommé capitaine de la délégation équestre française pour ces Jeux.

La suite est entrée dans la grande histoire du sport français avec un deuxième titre olympique glané devant le Britannique Peter Robeson et l’Allemand Hermann Schride. A Helsinki, il avait devancé le Chilien Oscar Cristi et l’Allemand Fritz Thiedeman. Deux ans après, il devenait également le premier français champion du monde sur Pomone B, demi-sœur de Lutteur B.

« J’ai eu la chance de débuter avec lui, témoigne Marcel Rozier, champion olympique par équipes en 1976 et qui faisait partie de l’équipe de France médaillée d’argent en 1968, la dernière breloque de Jonquères d’Oriola. Il avait une grande régularité, c’était la perfection, un vrai coéquipier. C’était un grand compétiteur qui aimait voyager et enchaîner les concours avec ses deux ou trois chevaux qu’il n’hésitait pas à mettre dans un train. Son charisme et son physique faisaient qu’il était reconnu partout où il allait. »

Le cavalier français le plus performant sur un cheval

Et surtout évidemment chez lui, à Corneilla-del-Vercol, dans les Pyrénées Orientales où il débuta à 3 ans son histoire avec les chevaux sur un poney qui s’appelait Sans Souci. Des soucis, il en a pourtant toujours drainés derrière lui en raison de son tempérament affirmé et d’idées politiques qui l’ont fait dériver vers le Front National dans la dernière partie de sa vie.

On préfère se souvenir du grand cavalier qu’il était, et sourire à l’anecdote de Marcel Rozier : « Aux JO, il se demandait toujours quelles bottes et quel pantalon il devait mettre en fonction des résultats qu’il avait eus avec. » Et imaginer qu’il avait donc souvent dû mettre les mêmes…

500

En 40 ans de carrière, dont 25 en jumping international, Pierre Jonquères d’Oriola a récolté plus de 500 victoires, soit le plus beau palmarès de l’équitation française.

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