3ème de la Coupe du Monde en 1995, finaliste en 1999 avec l’équipe de France, Emile Ntamack, ambassadeur des Journées de l’arbitrage (du 10 au 31 octobre), nous livre son pronostic avant le quart de finale contre l’Afrique du Sud. Un match que son fils Romain aurait dû jouer…
Vous êtes l’un des quatre ambassadeurs des Journées de l’arbitrage avec Frank Leboeuf, Céline Dumerc et Camille Ayglon-Saurina. Avez-vous un souvenir marquant avec les arbitres en tant que joueur ?
Oui, avec l’équipe nationale. On était en Ecosse (le 4 mars 2000 pour le Tournoi, Ndlr) et, à un moment, il y a un ballon aérien. C’était le début des cartons jaunes sanctionnant les fautes techniques. Je récupère un ballon après une chandelle. L’arbitre considère qu’au sol je n’ai pas lâché le ballon et il me met un carton jaune alors que je pensais que le ballon quand tu l’avais réceptionné en l’air tu avais la priorité. Je sors furax car je trouve cela injuste. J’attends sur le banc de touche pendant 10 minutes en fulminant. Je rentre et je suis tellement en colère face à cette injustice que, sur deux actions, je traverse le terrain, je fais marquer deux essais. L’arbitre, à la fin du match, vient me voir et me dit : “Il vous a fait du bien ce carton jaune !” (sourire) On a gagné en Ecosse (16-28, Ndlr), ce qui n’arrivait pas souvent.
Il n’y a pas beaucoup d’anciens joueurs qui se soient reconvertis comme arbitres. Y avez-vous songé alors que votre père était arbitre de foot ?
C’est vrai que mon père était arbitre et mon rapport à l’arbitrage, c’est le respect, il n’y a pas à discuter. Ça m’aurait plu parce que l’arbitre contribue énormément au bon déroulement des choses. On est arbitre-éducateur quand on est avec les jeunes. On voit bien que, finalement, la partie se déroule bien si on met des consignes assez fluides et si on fait respecter les règles. Mais je ne peux pas être partout. Aujourd’hui, je suis responsable de la formation des éducateurs au Stade Toulousain et l’arbitre en fait partie complètement. Eduquer et former de jeunes arbitres, c’est très important. Ces Journées de l’arbitrage La Poste nous aide aussi à susciter des vocations.
Le rugby est à la pointe, mais auriez-vous des idées pour encore améliorer l’arbitrage ?
On a la chance d’avoir beaucoup de remises en question, beaucoup de travaux là-dessus et même si, bien sûr, on va améliorer encore les choses dans les années à venir, on est bien. Les règles évoluent, il y a désormais le bunker. Il y a aussi beaucoup d’arbitres dans les équipes qui sont là pour améliorer encore plus la connaissance de la règle, que ce soit pour les pros ou les jeunes. Au Stade Toulousain, à partir de minimes, vous avez un arbitre qui vous suit toute la saison, qui fait votre bilan, qui analyse vos fautes, qui explique les règles parce qu’on ne les connaît pas même chez les pros. Même les règles de base comme le hors-jeu, où les joueurs ne se reculent pas. Rien n’est jamais acquis, il faut continuer à expliquer.
Aujourd’hui, on a l’impression que c’est plutôt la vidéo qui arbitre que l’arbitre…
Non, je trouve que la vidéo rend les choses justes, flagrantes et à la limite visibles pour tout le monde. On a vu dans le passé des arbitres qui avaient pris des décisions et on savait très bien, nous les acteurs, que ce n’était pas la bonne décision. On ne remontrait pas l’action à la vidéo et quand on la voyait ensuite on se rendait compte qu’on avait raison, mais le mal était fait. Aujourd’hui, la vidéo permet, dans le doute, parce que l’arbitre ne peut pas non plus tout voir, de conforter sa décision. La vidéo est une bonne évolution et le bunker aussi car on reste dans le jeu et la décision va être prise à côté, ça permet d’enchaîner, de ne pas couper le jeu. On a de bonnes règles en rugby !
« Si on avait eu la vidéo en 1995, on aurait été en finale ! »
S’il y avait eu la vidéo en 1995, l’essai de Benazzi contre l’Afrique du Sud, en Afrique du Sud, en demi, aurait été validé et la France aurait peut-être été championne du monde…
Championne du monde, je ne sais pas car il aurait fallu battre en finale les Blacks mais, en tout cas, on aurait été en finale. La vidéo aurait validé les trois essais que l’arbitre nous refuse alors qu’il n’y avait pas vraiment de raisons de les refuser. L’arbitre peut se tromper, mais quand il se trompe de façon unilatérale il y a quand même un souci. La vidéo n’est plus un regard individuel, mais collectif. Donc, oui, en 1995, s’il y avait eu la vidéo on aurait gagné ce match.
2023, est-ce l’année ou jamais pour être champions du monde ?
Il est temps ! Personne ne s’en cache. Il y a beaucoup d’attentes sur ce groupe qui est merveilleux depuis quatre ans. Beaucoup de moyens ont été mis autour de l’équipe de France. Ils l’ont prouvé depuis quatre ans en étant superbes à toutes leurs sorties. Ce serait l’aboutissement. La Fédération et la Ligue ont travaillé pour aplanir les relations, en mettant les joueurs à disposition. On n’a jamais eu autant de joueurs de qualité et ça porte ses fruits. La formation a aussi été repensée. Il ne nous manque que l’aboutissement. On ne leur demande pas d’être bons, mais de ramener le titre ! Pour ça, j’ai tendance à penser qu’il va falloir être bon. Mais on ne leur pardonnera rien s’il ne ramène pas le titre. Car aller en finale, ça a déjà été fait (en 1987, 1999 et 2011, Ndlr). Mais ramener le titre jamais !
Qui voyez-vous en finale ?
La France, bien sûr, contre l’Irlande. Ce serait une logique sportive, bien que la logique du tournoi a ses propres vérités. Et pour ça, il va falloir battre chacun des adversaires. Mais ce serait une récompense des deux meilleures équipes actuelles.
On pourrait avoir en demi-finale quatre équipes européennes (France, Irlande, Angleterre et Pays de Galles), une première !
C’est pour ça que ça ne serait pas non plus une grande surprise de retrouver le numéro un et le numéro 2 mondial à l’arrivée, ce qui n’était pas le cas dans les précédentes éditions, la part était alors belle à l’hémisphères Sud, mais parce qu’ils étaient eux, à ce moment-là, les numéros un, deux ou trois au classement mondial. Il y avait quand même une certaine logique. Donc si on reste dans une logique sportive, la France et l’Irlande devraient se retrouver en finale.
Avant cela, il faudra se défaire des Sud-Africains en quarts…
Ça va être très dur, mais je ne conçois pas qu’on s’arrête dimanche. Ce sera un match terrible, titanesque. L’Afrique du Sud (tenante du titre, Ndlr) est redoutable de puissance. Elle a développé son jeu, elle a mis de la vitesse aux ailes, elle est puissante au milieu. Elle va nous mettre sous contrainte et va nous proposer un rugby qu’on n’a pas eu ces dernières semaines, sous pression, avec des avants puissants qui vont nous faire reculer. Hormis les Blacks, on a été plutôt dans l’avancée par rapport aux équipes qu’on a jouées. Ça va être autre chose, mais quelle que soit l’adversité on va gagner !
Votre fils Romain s’est blessé contre l’Ecosse (rupture des ligaments croisés du genou gauche) lors de la préparation. Il sera content si la France est championne du monde, mais il aura les boules, non ?
Vous avez déjà les boules dès que vous ne faites plus partie de l’aventure. A partir du moment où vous êtes blessé, vous avez les boules et il les a au quotidien. Maintenant, il faut vivre avec quoi qui se passe…
… Une part de ce titre ne lui reviendrait-elle pas ?
Connaissant Romain, non. La part, c’est quand tu participes physiquement. Même si, moi, je lui explique que, pour en arriver là, il a fallu passer par des étapes et mettre l’équipe dans ces conditions-là pour que la France soit numéro 2 mondial. Lui et d’autres ont fait ce travail depuis quatre ans. Ce titre-là, il récompenserait ce travail qui a été phénoménal. Ça en découlerait.
Dans quatre ans, rêvez-vous que vos deux fils Romain et Théo soient champions du monde ensemble ?
(rires) Ce n’est pas leur rêve immédiat. Il y a pleins de choses avant. Qu’ils continuent à s’épanouir, à s’éclater au Stade Toulousain, en essayant de gagner des trophées ensemble. Pour l’instant, ils ont gagné, mais séparément. Ça me comblerait déjà ! Après, s’ils se retrouvent en équipe nationale et qu’ils gagnent ensemble, c’est le rêve ultime.
« Si on reste dans la logique sportive, la France et l’Irlande devraient se retrouver en finale »
Quelles sont vos différentes casquettes aujourd’hui ?
Je suis le manager de la formation au Stade Toulousain. Je m’occupe de toutes les équipes, des petits jusqu’à l’antichambre des pros et les filles aussi. J’ai aussi toujours ma marque de vêtements NTK et je travaille chez Orange où je m’occupe de toute la transformation, le management d’équipe. Je suis à temps partiel depuis 2001.
Double champion d’Europe, La Rochelle a-t-il pris le leadership français à Toulouse ?
Je ne suis pas d’accord. En Europe, oui, puisque La Rochelle est le numéro un européen depuis deux ans. Mais c’est Toulouse qui est champion de France. Ils ont gagné trois Boucliers en quatre ans. On a en France deux belles formations et c’est bien, elles se challengent entre elles. Toulouse a toujours dû faire avec des équipes qui l’ont poussé à hausser son niveau comme Clermont à mon époque ou le Stade Français. Ils nous ont obligés à nous surpasser. Aujourd’hui, c’est La Rochelle qui se positionne pour Toulouse comme un vrai adversaire de très haute qualité et c’est tant mieux. Ça nous oblige à repenser notre rugby en permanence, à trouver d’autres solutions pour garder ce leadership.
Vous n’avez connu qu’un seul club. Romain aussi. Peut-on imaginer qu’il fasse toute sa carrière à Toulouse lui qui a prolongé jusqu’en 2028 ?
Toulouse, c’est son club. Il peut être amené à bouger…
… Y a-t-il mieux que Toulouse ?
En France et en Europe non. S’il bouge, ce sera peut-être dans l’hémisphère Sud (en Australie, Ndlr) pour vivre une expérience, une autre culture rugbystique, une autre façon d’appréhender le rugby, c’est ça qui est un challenge. Car le challenge sportif, à Toulouse, tu le joues chaque année.
Quitter Toulouse pour La Rochelle, ce n’est donc pas envisageable.
L’histoire nous montre qu’être bon dans la durée, c’est difficile. Toulouse sait le faire. Je souhaite à La Rochelle de le faire aussi longtemps, mais l’histoire de Toulouse montre que les certitudes sont quand même plus à Toulouse aujourd’hui.
> Ambassadeur des Journées de l’arbitrage
Du 10 au 31 octobre, La Poste organise ses traditionnelles Journées de l’arbitrage avec comme ambassadeurs Emile Ntamack, Céline Dumerc, Camille Ayglon-Saurina et Frank Leboeuf. Le but : promouvoir cette fonction et convaincre notamment les jeunes qu’en devenant arbitres, ils contribuent à faire vivre le sport. A cette occasion, des messages de sensibilisation et de recrutement sont portés dans les enceintes professionnelles et amateures de football, rugby, handball et basket-ball. L’objectif : favoriser l’émergence d’une nouvelle génération d’arbitres. La Poste a également créé un guide de découverte de l’arbitrage à destination de près de 12 000 clubs sur tout le territoire. Vous pouvez retrouver le programme complet sur le site www.tousarbitres.fr.