vendredi 19 avril 2024

Entretien avec Jean-Baptiste Djebbari, ministre et rugbyman

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

Ministre chargé des transports, Jean-Baptiste Djebbari (38 ans) a joué au rugby à un bon niveau étant plus jeune. Et quand son emploi du temps lui en laisse l’occasion, il œuvre dans les rangs du XV parlementaire. 

D’où vous vient cette passion pour le rugby ? 

Ça vient de mon père donc depuis tout petit. On jouait beaucoup ensemble puis j’ai débuté en benjamins-minimes au club de Melun en Seine-et-Marne. J’ai passé des concours pour entrer au lycée Lakanal où je suis arrivé en 1ère année cadets et au Racing Club de France. J’ai ensuite privilégié mes études avant de rejouer un peu vers 22-23 ans en 2004 à Angoulême en Fédérale 3, un club qui est aujourd’hui en Pro D2. Après, je n’ai pas joué pendant assez longtemps. J’ai repris avec l’équipe de l’Assemblée Nationale, le XV Parlementaire, où jouent des députés et des sénateurs et avec qui on dispute en parallèle du Tournoi des 6 Nations notre 6 Nations à nous ! L’équipe est sympa et je me suis repris au jeu depuis 2017, certes à un niveau modeste, mais c’est très esprit rugby et c’est sympa de rencontrer d’autres pays. Généralement, on joue le matin avant le match des grands (sic). On porte le maillot français. On a même droit à la Marseillaise ! 

A quel poste jouez-vous ? 

Jeune, j’ai commencé 10, ensuite j’ai joué essentiellement au centre et maintenant je joue un peu partout que soit 10, centre ou arrière. 

N’avez-vous jamais rêvé de percer dans le rugby ?

Quand j’étais à Lakanal et au Racing, j’étais hyper motivé, j’avais fait les sélections Ile-deFrance. Mais je me suis blessé à l’épaule en 2ème année cadets. J’ai eu du mal à revenir à mon niveau et je me suis alors rendu compte que tout ça était fragile et qu’il fallait prendre conscience de son potentiel. Je me suis dit que ce ne serait probablement pas ma voie d’être pro. J’avais pourtant dans ma promo Grégory Lamboley que j’ai recroisé à Toulouse pendant mes études à l’ENAC (Ecole Nationale de l’Aviation Civile, Ndlr) et Valentin Courrent qui ont fait une belle carrière. L’année au-dessus, il y avait Alexandre Bias qui a lui aussi percé. Je suis de la même année que Fred Michalak donc quand il y avait des Lakabal-Jolimont je l’ai affronté. 

De quels joueurs étiez-vous fan ? 

J’étais fan de deux équipes, le Racing car j’y jouais et j’avais adoré l’équipe de 92 avec la génération Mesnel, Blanc, qui ont ensuite créé Eden Park. Il y avait une culture Racing. J’avais aussi une passion pour le jeu du Stade Toulousain avec la grande équipe, Carbonneau, Deylaud… et dans laquelle jouait mon modèle Thomas Castaignède que je trouvais incroyable au niveau vitesse, inspiration… C’était mon idole de jeunesse. 

Et aujourd’hui quels joueurs appréciez-vous ?
J’aimais beaucoup Dan Carter. J’aime bien Beauden Barrett qui est extraordinairement fort à son poste. A Toulouse, Cheslin Kolbe est incroyable ! Il a même suppléé à l’ouverture la saison dernière. Vous l’aurez compris, je suis plus fan des joueurs de derrière avec des appuis, qui vont vite et qui font du jeu. 

Et les Français dans tout ça ? 

Il y en a, à l’image de Damian Penaud, un joueur très offensif, toujours bien placé. Même s’il ne joue pas au même poste, j’aimais déjà beaucoup son père à Brive. 

Un match vous a-t-il marqué davantage qu’un autre ? 

J’ai le souvenir du premier match que j’ai vu au Parc des Princes avec mon père. C’était un France-Galles. J’étais derrière les poteaux et on avait gagné. Plus personnellement, je me rappelle d’un match qu’on avait joué avec la sélection d’Ile de France contre l’Italie au Pays de Galles. Un match dur, mais on l’avait emporté 13-12 au terme d’une défense héroïque (sourire). 

« JE DEVAIS FAIRE LA COUPE DU MONDE PARLEMENTAIRE ET J’AI ÉTÉ NOMMÉ AU GOUVERNEMENT » 

Avez-vous le temps d’aller au stade ? 

En jouant avec le XV Parlementaire, j’ai pu voir quatre ou cinq matches du Tournoi ces deux dernières années. C’était chouette. Je devais même faire la Coupe du monde Parlementaire au Japon l’année dernière et j’ai été nommé au gouvernement le 3 septembre alors que le tournoi commençait mi-septembre… Je n’ai donc pas pu aller à Tokyo. Ça m’a beaucoup frustré. 

Vous n’avez pas réussi à négocier avec le Premier Ministre ?

(sourire) J’ai essayé, mais tout s’est enchaîné très vite et je n’ai pas pu m’y rendre, mais j’ai suivi le tournoi. D’ailleurs, l’équipe a fait une bonne performance puisqu’elle a fini 3ème en battant l’Afrique du Sud. C’est la Nouvelle-Zélande qui a été sacrée avec des ex-Baby Blacks ! 

La frustration a dû être encore plus grande que vous étiez le capitaine des Bleus… 

J’aime beaucoup cette équipe et c’était vraiment un crève-coeur. J’espère la retrouver, on doit jouer la finale de notre Tournoi contre l’Irlande le 31 octobre.

Quel est le plus doué dans ce XV Parlementaire ?

Il y a de bons joueurs. Louis Alliot, on en pense ce qu’on veut sur le plan politique, mais il a quand même du rugby. Il joue 3ème ligne. Laurent Saint-Martin, un député du Val-de-Marne, est également un bon joueur. Il joue au centre. Alain Perea, un Narbonnais, aussi. Il est talonneur. 

Est-ce facile de jouer avec Louis Alliot ou Alexis Corbière qui ont des idées radicalement différentes ? 

Quand vous êtes sur un terrain, vous ne pensez pas à autre chose qu’à jouer et le rugby, c’est aussi la solidarité. A Dublin, on en avait discuté entre nous. On s’était demandés : « Si Louis Alliot est pris à parti par un Irlandais, on y va ou on n’y va pas ? » Bien évidemment qu’on y va ! On est une équipe jusqu’au bout. Et le sport permet de mettre tout ce qui peut diviser de côté. On se combat politiquement mais, sur un terrain de rugby, on est solidaires. 

Il paraît que vous aimez bien les chisteras… 

(rires) Oui, mais je ne suis pas sûr qu’elles m’aiment bien… Pourtant, je n’en abuse pas (rires). 

Le rugby vous sert-il en politique ? 

D’abord, ça m’a servi dans la vie en général. J’ai fait pas mal de sports individuels au départ, du judo, du tennis, mais il y avait toujours un truc qui me manquait, et le premier jour où mon père m’a emmené un peu de force (sic) dans ce club de Melun alors que je n’en avais pas super envie, je me souviendrai toute ma vie de ce premier entraînement. J’avais trouvé ça génial à tous les niveaux. Essayer d’être bon pour servir une équipe. J’en ai encore la chair de poule en vous en parlant. Quelqu’un a dit que le rugby était un sport de combat collectif. Ça résume assez bien la chose. En politique, seul vous n’êtes rien. C’est dur, parfois violent, il y a beaucoup de combats, il faut emmener une équipe avec vous. Cela ressemble au rugby et ça m’a donc toujours servi. En plus, le rugby, c’est l’école de l’humilité. Quand vous vous pensez un peu beau ou un peu bon, vous êtes vite rappelé aux ordres par le bon plaquage ou par la blessure. J’ai fait de l’aviation et c’est la même chose. Ce n’est pas un sport où on peut prendre la grosse tête. 

« En politique comme en rugby, il faut aimer l’adversité »

Dans votre Ministère, vous avez dû gérer pas mal de conflits cette année, cela vous a-t-il été utile face aux syndicats notamment ?

Quand on fait du rugby, il faut aimer le contact. En politique, c’est pareil, si vous avez peur du mec en face, il va le sentir. Aimer le contact, c’est aussi s’engager, respecter l’autre, ce sont des valeurs communes. Je suis dans un Ministère où je suis amené à beaucoup me déplacer et le fait de parler rugby est aussi un angle d’accroche car il y a une vraie culture rugby en France et à l’internationale. Cela aide à dédramatiser le débat, ça permet souvent d’avoir un point d’accroche dans la discussion, à décrisper le premier contact. Ça a été le cas avec mon homologue anglais ou japonais. 

Peut-être vous l’a-t-on proposé, mais auriez-vous hésité entre le Ministère des transports et celui des sports ?

(sourire) On ne me l’a pas proposé donc je n’y ai pas réfléchi. Je suis très heureux aux transports car c’est un très beau Ministère, un Ministère très complet, on fait plein de choses, on voit plein de gens, avec une dimension industrielle très forte, et c’est un prolongement de ma carrière professionnelle. 

Parlez-vous un peu rugby avec le nouveau Premier Ministre Jean Castex qui est lui aussi fan ?

Ça nous arrive. Je sais qu’il y avait un remplacement d’entraîneur pendant l’été dans son club (il était maire de Prades qui joue en Fédérale 2, Ndlr), on en a donc parlé. Il aime. On a quelques passions communes ; le rugby, les trains… 

Que peut-on vous souhaiter : de décrocher la Coupe du Monde 2023 avec le XV Parlementaire ?

Mon mandat finit en 2022… Ça se jouera sur l’hôtel de la démocratie (sourire). Mais si j’étais député en 2023, je serais ravi ! 

En parlant de 2023, comment sentez-vous notre équipe de France qui coure toujours après son premier titre mondial ?

J’ai l’impression qu’il y a une nouvelle dynamique depuis la Coupe du monde, à l’image du début du Tournoi des 6 Nations. On a aussi une belle génération et une nouvelle génération prometteuse à l’image d’Antoine Dupont qui est remarquable. Avec l’accumulation des matches et des victoires, il peut en ressortir de belles choses avec un système de jeu plus complet et plus cohérent depuis l’arrivée de Fabien Galthié. J’ai donc beaucoup d’espoirs avec cette nouvelle génération. Après, il faudra faire face à une forte adversité, notamment les Anglais qui ont eux aussi une belle génération. 

1 COMMENTAIRE

  1. Excellente interview de Jean-Baptiste Djebbari qui sait transmettre son amour du rugby. Les sites de sport qui s’aventurent hors du foot sont de plus en plus rares. Bravo à vous !!!!

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