Joueur le plus expérimenté du groupe France (79 sélections), Gaël Fickou est le seul à avoir vécu les deux précédentes coupes du monde. Entretien pour Rugby magazine et Le Quotidien Du Foot.
Vous croyez au destin. Le 28 octobre, le destin est-il que la France soit championne du monde ?
Je ne suis pas devin, mais je l’espère ! Ça va être très dur car il y a des équipes en face et pas des moindres, mais on est capable de le faire.
N’est-ce pas l’année ou jamais d’être enfin couronné ?
Il y a beaucoup de grosses équipes, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud, l’Australie, l’Angleterre et bien entendu l’Irlande qui est la favorite. On fait aussi partie des favoris. C’est une pression positive. On aura notre public derrière nous.
Vous avez connu la période de vaches maigres en équipe de France. Comment expliquez-vous qu’aujourd’hui tout lui sourit ?
Les JIFF ont permis à plus de Français d’avoir leur chance. Moi, quand j’ai débuté, aucun numéro 10 n’était Français ! C’étaient Sexton, Wilkinson, McAllister… Aujourd’hui, c’est Ntamack, Hastoy, Jalibert, Segonds… Après, le staff y est pour beaucoup. Il a construit la base. Fabien (Galthié) était l’homme qu’il fallait à l’équipe de France pour l’amener au plus haut niveau avec une vraie stratégie. Si vous y ajoutez des joueurs de talent, forcément les résultats suivent !
Résumer le succès au duo Fabien GalthiéAntoine Dupont, c’est réducteur, non ?
Antoine, tout seul, ne serait rien. C’est un tout, une accumulation de talents, un staff compétent à chaque poste. Tout ça mis bout à bout donne une équipe ultra compétitive.
Si jamais Antoine Dupont, le meilleur joueur du monde, se blessait, la France pourrait-elle tout de même être championne du monde ?
Il est très important dans l’équipe c’est notre Messi, notre Zizou ! il faut des joueurs comme ça dans une équipe et sans lui ce n’est pas pareil et ce serait très difficile, mais on peut quand même gagner des matches. L’équipe de France a aussi des Damian Penaud, des Thibaud Flament, des Julien Marchand, etc, des joueurs tout aussi importants qu’Antoine dans l’équipe.
Pendant cette période de disette, avez-vous songé à vous concentrer sur votre club pour gagner un Bouclier et à tirer une croix sur la sélection ?
Non, jamais ! La sélection, ce sont les plus gros matches, ceux qui font rêver, qui procurent le plus d’adrénaline. C’est vrai qu’il y a eu des moments de doutes, très durs, mais ça nous a servi et aujourd’hui on est une équipe plus forte et plus soudée. On est quelques-uns à avoir vécu ces années compliquées, Uini (Atonio), Tao (Romain Taofifénua) et moi, et on a conscience de la chance qu’on a aujourd’hui de pouvoir gagner.
Dans votre livre, vous n’épargnez pas l’ancien sélectionneur Philippe Saint-André…
J’ai vu comment ça fonctionnait et ça ne pouvait pas marcher. Il le sait. Je n’ai pas critiqué l’homme, mais la méthodologie. On ne pouvait pas gagner ! Je reconnais aussi que nous, joueurs, on n’était pas non plus au niveau, physiquement, mentalement, stratégiquement. Pourquoi ça fonctionne aujourd’hui ? Parce que le staff et les joueurs vont dans le même sens et sont soudés. C’est ça qui fait la différence. Je ne dis pas que l’équipe de France va gagner la Coupe du monde, ce n’est pas parce qu’on a été bons ces quatre dernières années qu’on va la gagner, mais elle a retrouvé un rayonnement positif et la base est solide pour espérer la gagner.
Tout le monde voit la France aller au bout. Ne serait-ce pas terrible d’échouer, en plus en France ?
C’est toute la beauté du sport, on ne sait jamais qui va gagner. En 2019, on ne pensait pas que l’Afrique du Sud irait au bout et pourtant elle a été championne du monde ! Ce ne sont pas toujours les meilleurs qui gagnent, mais ceux qui arrivent à créer une adhésion autour de l’équipe, une vraie histoire.
Sentez-vous que l’équipe de France fait peur ?
On voit qu’on est craints. Mais parfois ça sublime l’adversaire. Il faudra donc faire attention et rester soudés s’il y a des erreurs et des déceptions.
En 2007, la Coupe du monde avait lieu en France, vous aviez 13 ans. Quels souvenirs en avez-vous ?
Je jouais alors au foot et j’avoue que je n’avais regardé que quelques matches, ceux de l’équipe de France même si c’était extraordinaire. Ça va l’être autant sinon plus cette année car les supporteurs l’attendent depuis tellement longtemps.
« Antoine (Dupont), c’est notre Messi, notre Zizou ! »
Rêvez-vous la nuit de brandir le trophée ?
On y rêve, mais avant il y a plein d’étapes à franchir. Mais, oui, on en rêve et on a hâte que ça commence.
Outre un titre de champion du monde, il vous manque aussi un Bouclier en club !
J’ai 29 ans et je me dis que je vais le gagner tôt ou tard. Je suis encore jeune, il me reste encore quelques années pour le gagner. Avec le Racing, on a l’ambition de le gagner et on va y arriver. J’ai déjà eu la chance de gagner un 6 Nations, j’espère gagner une Coupe du monde et un Bouclier.
Vous avez quitté vos clubs avant la fin de vos contrats. Irez-vous au bout de votre contrat (2025) avec le Racing ?
Je suis très bien dans ce club où je fais partie des cadres. J’y ai retrouvé une famille. Je m’y sens épanoui.
La ferveur du public ne vous manque-t-elle pas ?
Il y a tellement de sports et d’attractions à Paris qu’on ne peut pas comparer avec Toulouse qui ne vibre que pour le rugby même si le foot est remonté ou Toulon où il n’y a que le rugby.
Vous avez d’ailleurs dit que vous ne vous voyez pas quitter Paris pour un autre club en France.
Il ne faut jamais dire jamais. En tout cas, c’est là où je me sens le mieux aujourd’hui. Donc pourquoi changer ? C’est une ville qui m’apporte au niveau rugby et hors rugby avec plein de choses à faire.
Londres est aussi une capitale. Une expérience à l’étranger pourrait-elle vous intéresser ?
Je ne suis pas fermé. Il me reste deux ans de contrat. Si ensuite j’ai des opportunités, je les étudierai. Pour l’instant, ça ne s’est pas présenté. De toute façon, tant que je suis en équipe de France, c’est compliqué de jouer ailleurs qu’en Top 14.
Vous avez été formé à Toulon sans y jouer en pro. Boucler la boucle en portant un jour le maillot du RCT est-il dans un coin de votre tête ?
Ce n’est pas un rêve en soi même si c’est un très grand club, un club que j’aime énormément. Mais ils ont de très bons joueurs à mon poste et ils n’ont pas forcément besoin de moi.
Après le Stade Français, vous auriez pu aller à Toulon…
Oui, mais ils sont arrivés un peu tard (sourire) et surtout j’avais l’envie de jouer au Racing.
Retourner un jour à Toulouse paraît également compliqué…
C’est un énorme club où je me suis régalé, que j’aime toujours et que j’aimerais toute ma vie, mais c’est le passé et c’est aussi une ville que j’associe au décès de ma mère car c’est là que j’y jouais quand elle est décédée donc ce serait compliqué d’y retourner…
Vous êtes le capitaine du Racing, pas en équipe de France. Vu votre vécu, ne méritiez-vous pas le brassard ?
Antoine (Dupont) est très bon en tant que capitaine. Il l’a prouvé depuis deux ans. Je n’ai aucun problème avec ça. Je suis là pour l’épauler. Je n’ai pas l’ego pour être capitaine, ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus. Ce qui m’intéresse, c’est de gagner des titres !