Joueur le plus expérimenté du groupe France (79 sélections), le seul à avoir vécu les deux précédentes Coupes du monde de rugby, le Racingman Gaël Fickou fend l’armure dans son livre “Derrière l’armure” (aux éditions Solar).
Finalement, on ne vous connaît pas beaucoup, vous êtes assez secret. Y a-t-il un décalage entre celui que vous êtes et l’image qu’on a de vous ?
Je ne pense pas, mais c’est vrai que je suis assez discret, je ne m’affiche par exemple pas sur les réseaux, je ne dévoile pas ma vie personnelle. Ceux qui me connaissent savent comment je suis. Le grand public va lui apprendre plein de choses sur moi dans mon livre où je montre qu’on peut venir des quartiers et réussir.
Un livre sincère, qui nous en dit plus sur l’international français (Editions Solar).
Y avait-il une méfiance de votre part envers les médias qui parlaient souvent de choses qui fâchent vous concernant, vos transferts notamment ?
J’ai connu deux transferts qui ont fait beaucoup parler (de Toulouse au Stade Français et du Stade Français au Racing, Ndlr) parce qu’il y avait de l’argent en jeu, dans de gros clubs. Mais c’est le lot d’un joueur international. Je savais à quoi m’attendre et je ne l’ai jamais pris mal.
« Je joue du piano, mais je ne suis pas au niveau de Charles Leclerc »
On apprend que vous jouez du piano. Etes-vous doué ?
Je me débrouille, je sais jouer six ou sept morceaux, mais je ne suis pas non plus Charles Leclerc (pilote F1, Ndlr) qui a sorti un morceau extraordinaire. Je ne suis pas encore à ce niveau, mais j’apprends, tout seul. Je n’ai pas eu la chance de baigner dedans depuis petit, mais ça me permet de m’évader. La musique me le permet, l’art également ainsi que les business que j’ai à côté du rugby.
N’aimeriez-vous pas faire un duo avec votre copain Joey Starr ?
Pourquoi pas ! (rires) Quand on le connaît, c’est quelqu’un de génial, d’extrêmement intelligent et brillant, de très cultivé. C’est un puit d’inspiration ! J’ai la chance de pouvoir côtoyer des personnalités de divers horizons notamment dans le cinéma comme Théo Christine, des personnalités qui m’enrichissent. J’ai la chance d’aller voir des pièces de théâtre, ce que je ne faisais pas il y a cinq ans. J’ouvre mon esprit et je m’améliore.
Vous dites beaucoup de choses dans le livre, mais pas tout notamment concernant votre petite amie…
J’ai une petite amie qui est super, qui voyage beaucoup… Mais il faut aussi garder un jardin secret.
A 29 ans, la paternité ne vous trotte-t-elle pas dans la tête ?
Un jour, oui. Pour l’instant, je voyage beaucoup, elle aussi, elle n’est pas toujours en France. Mais j’en rêve et je pense que je serai un bon père.
Carré avec un grain de folie, cela vous caractérise bien.
J’ai reçu une éducation hyper stricte, j’ai chanté la Marseillaise à 1 an, je ne sortais pas à pas d’heure, je n’ai jamais été au commissariat sinon ma mère m’aurait assassiné, mais j’ai totalement ce grain de folie ! Je suis un bon vivant qui aime profiter de la vie. La plus belle richesse, c’est d’avoir des souvenirs ! Des gens de 60 ou 70 ans n’ont pas vécu le quart de ce que j’ai pu vivre avec mes potes.
« Les jeunes des quartiers, il faut leur donner envie d’y croire »
Ce côté carré avec un grain de folie correspond bien à l’équipe de France actuelle.
Elle est composée de joueurs hyper talentueux et rigoureux. Mais il y a énormément de folie dans cette équipe qui sait profiter et fêter les victoires. Mais quand il faut mettre l’accent sur le rugby, on sait s’entraîner très dur.
Vous avez débuté par le foot. Pensiez-vous que vous auriez pu faire carrière ?
Tout le monde me dit que j’étais bon, mais je ne suis pas devin. Ce qui est sûr, c’est que j’aurais rêvé de jouer à Marseille, c’est le plus beau club au monde, avec le Real Madrid. J’ai joué au Vélodrome, mais pas avec le maillot de l’OM même s’il lui ressemble.
Vous auriez gagné plus d’argent…
C’est un plus, mais ce n’est pas un but en soi et ce qui te rend heureux.
En tant que Racingman allez-vous voir le PSG ?
J’y vais tout le temps ! Je n’ai rien contre le PSG, mais en tant que fan de l’OM c’est dur de supporter le PSG.
Vous êtes un enfant de la banlieue, de la cité Berthe à la Seyne-sur-Mer. Les gamins rêvaient à votre époque plus de foot que de rugby. Le rugby a-t-il rattrapé son retard ?
Il y a encore énormément de travail à faire et pas seulement dans le sport, mais aussi dans l’insertion des jeunes de quartiers dans les entreprises. Il y a là-bas des pépites, des gens avec du cœur, qui ont faim, qui ont envie de s’en sortir. Il faut leur donner l’envie d’y croire. Aujourd’hui, la plupart n’y croient plus. Si on leur donne la possibilité de s’en sortir, ils y arriveront ! Je n’aurais jamais cru vivre à Paris, de mon rêve, voyager, rencontrer autant de personnes. C’est donc possible. Et qu’ils choisissent le foot ou le rugby, on s’en fout, l’important, c’est qu’ils deviennent de bonnes personnes et qu’ils soient épanouis. Quand j’ai repris un club de rugby (l’US Seynoise, Ndlr), que j’ai monté des associations, c’est pour leur montrer qu’ils pouvaient être de bonnes personnes et heureux dans leurs vies.
Alors que d’autres ont recours à des préparateurs mentaux, vous vous réfugiez dans la religion. Est-ce bien perçu par les coachs ?
Les coachs croient en plein de choses. Moi je crois à la spiritualité. Mon père est musulman et ma mère chrétienne. J’ai baigné dans différentes cultures et religions, ce qui me pousse à être bienveillant envers les autres. Je crois à être des gens bien, à l’entraide.
Pas mal d’Anglais vont rejoindre le Top 14 la saison prochaine. La Nouvelle-Zélande pourrait aussi assouplir ses règles pour ses internationaux. Faut-il s’en inquiéter ?
Ça ne m’inquiète pas car les Français ont du talent, tout le monde le sait, et s’ils sont les meilleurs ils joueront. En plus, il y a la règle des Jiff. Les clubs ne pourront pas avoir 10 étrangers dans la même équipe !
« Si on est champion de France et champion du monde, ce sera une belle année ! »
Avez-vous déjà des idées concernant votre après carrière ?
J’ai pas mal de sociétés à côté, notamment une dans le textile, Ô Sports, une autre qui s’appelle SmellWell. J’ai aussi des restaurants dans le Sud, de l’immobilier, une boîte de prod, Talent is an Art, que je viens de monter avec mon meilleur ami. J’ai aussi un club de rugby, l’US Seynoise, que mon frère gère à plein temps. C’est un club où on aide les jeunes de quartiers à travers une association.
L’idée est-elle de le faire monter jusqu’en Top 14 ?
On est en Nationale 2 et si déjà on arrive à monter en Nationale ce sera très bien.
La saison prochaine, le Racing 92 sera entraîné par un Anglais (Stuart Lancaster). Cela ne vous pose-t-il pas problème d’être entraîné par nos meilleurs ennemis (sic) ?
Au contraire. C’est un très bon entraîneur qui va beaucoup nous apporter. Toto (Laurent Travers) passera lui président.
Qui sera champion de France en fin de saison ?
Ça va être très dur, mais j’espère le Racing ! Si on est champion de France et champion du monde, ce sera une belle année !