Frustrée par sa médaille d’argent de Rio, Clarisse Agbegnenou la judokate française a magnifiquement pris sa revanche à Tokyo en enlevant l’or des moins de 63 kg et en y ajoutant, cerise sur le gâteau, l’or par équipes mixtes.
D’une Olympiade à l’autre, exceptionnellement distante de cinq ans (en raison du Covid), les mêmes protagonistes de la finale des moins de 63 kg offrent au public, présent à Rio, absent à Tokyo en raison de la pandémie mondiale, des sentiments opposés.
Pour Clarisse Agbegnenou, les larmes de détresse de 2016 sont remplacées par les larmes de joie de 2021 d’avoir réussi à battre la Slovène Tina Trstenjak. Pendant cinq ans, c’est peu de dire que la sextuple championne du monde a ressassé ce qu’elle avait vécu comme un vrai échec, un des rares, dans sa formidable carrière.
Pour tourner définitivement la page, encore faut-il parvenir à être présente le jour J, quand la pression inhérente à son statut de porte-drapeau de la délégation française lui impose une nouvelle exposition, quand son statut de favorite lui interdit tout autre résultat que la victoire.
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« Je ne pouvais pas rêver mieux que de gagner au pays du judo »
Car en cinq ans, Clarisse s’est transformée en ogre des tatamis à l’appétit insatiable, ne laissant que des miettes à ses adversaires ; quatre titres mondiaux, trois continentaux. Lorsqu’elle débute son concours le 27 juillet 2021 au Nippon Budokan (où elle a gagné son 4ème titre mondial), avec ses cinq médailles d’or mondiales et ses cinq européennes, il ne lui manque que l’or olympique.
Très perturbée par le report de cette édition pour cause de Covid qui la laissait impuissante face à un agenda qu’elle déteste ne pas maîtriser, c’est le couteau entre les dents et le sentiment d’urgence chevillé au corps qu’elle explose la Capverdienne Sandrine Billiet au 2ème tour.
La suite est aussi équilibrée qu’inexorablement favorable à une Française qui marche sur la Néerlandaise Juul Franssen, puis la Canadienne Catherine Beauchelin, enfin son cauchemar de Rio, la Slovène Tina Trstenjak au golden score.
Clarisse Agbegnenou en mission
« J’étais en mission, déclara-t-elle en zone mixte à la sortie du tatamis. Aller chercher cette médaille d’or n’a pas été simple, je n’ai pas les mots. C’est incroyable, prendre ma revanche cinq ans après, je n’aurais pas pu rêver mieux. Ce chemin a été long et dur, je suis tellement contente. »
La licenciée du Red Star de Champigny-sur-Marne (Valde-Marne) ne le sait pas encore, mais ses JO n’en ont pas fini avec elle qui vont lui offrir un deuxième sacré moment de grâce. Avec Axel Cherget, Teddy Riner et Sarah-Léonie Cysique, les Bleus décrochent l’or en battant en finale le Japon sur son sol.
Un authentique exploit, la France devenant pour le coup la première nation sacrée aux JO dans cette nouvelle épreuve mixte. Première à rentrer sur le tatami, Clarisse doit d’abord se coltiner la championne olympique des moins de 70 kg, Chizuru Arai… qu’elle écarte après deux ko uchi gari.
Improbable jusque-là, l’exploit devient possible. Il prend de la force avec la victoire de Clerget au golden score, de Riner face au champion olympique des plus de 90 kg, Aaron Wolf, également au golden score, et se concrétise avec Sarah-Léonie Cysique. Avec huit médailles, le record du judo français aux JO est battu (il était de sept en 1992 et 2012). Il fallait ça aux Bleus pour effacer Rio (5 médailles), il fallait ça à Clarisse pour remettre l’église au milieu de son village.
« A Tokyo, même s’il n’y avait pas de public, le stress était permanent car il y avait eu juste avant le confinement à gérer et j’avais fait une dépression. Je voulais absolument décrocher mon premier titre olympique après la médaille d’argent de Rio. Je ne pouvais pas rêver mieux que de gagner au pays de judo. Remporter deux médailles d’or là-bas avait une forte signification. » Trois ans après, à Paris, les symboles sont encore plus forts qui laissent espérer un nouveau gueuleton pour l’ogresse des tatamis.
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A Tokyo, elle a rejoint Suzanne Lenglen (1920), Micheline Ostermeyer (1948), Laura Flessel et Marie-José Perec, (1996) ainsi que Félicia Bellanger (2000) dans la liste des Françaises ayant gagné deux médailles d’or dans la même olympiade.
Tom Boissy