Le jeune (37 ans) Président Jean-Baptiste Aldigé du directoire biarrot confirme à la fois son admiration sur l’avancée sportive de son club et l’exaspération du rejet dont son club est victime par Les collectivités.
Qu’avez-vous ressenti après la victoire de Biarritz contre Bordeaux (27-15) pour le retour du club dans l’élite ?
Beaucoup de soulagement. On nous annonçait l’enfer en Top 14. Ce n’est qu’un match, la saison ne fait que commencer, mais on a revu une équipe au même rythme que celui imprimé ces dernières années en Pro D2. On a retrouvé les mêmes ingrédients que lors du match d’accession contre Bayonne. Nous avons vu beaucoup d’énergie et beaucoup d’envie.
On y a rajouté du rugby. On est content de ce premier résultat. Les gens de l’extérieur doutaient de la capacité des joueurs à se mettre au niveau du Top 14. Nous, en interne, on était persuadés du contraire. Ils l’ont fait. On est heureux de voir qu’on va pouvoir se battre pour exister dans cette division.
Quelles sont les ambitions du BO dans ce Top 14 ?
Exister, montrer que le rugby professionnel a sa place à Biarritz. Aujourd’hui, c’est loin d’être évident. On affronte 13 autres clubs qui ont des soutiens différents avec leurs collectivités.
Nous, chaque jour et c’est toujours le cas en Top 14 on se bat pour exister et prouver qu’on a notre place ici. Au niveau de la municipalité, à Biarritz, le plan c’est pas de rugby professionnel, c’est du rugby amateur. Et le rugby professionnel au Pays Basque doit se situer à Bayonne…
Le Biarritz Olympique veut revenir à la hauteur de Bayonne…
Comment expliquer le fossé existant entre le niveau de l’équipe et les infrastructures ?
La différence est abyssale. Les gens gardent en tête le Biarritz des années 2000. Donc ils se disent c’est normal que le BO en soit là. Mais ils ne se rendent pas compte que, depuis 2005, rien n’a vraiment changé. Tous les clubs de France ont évolué.
D’autres sont même arrivés. Nous, on n’a pas de centre d’entraînement. On s’entraîne à l’ancienne comme un club de Fédérale 3 sous notre tribune construite en 1975. Il y a l’eau qui coule à travers les vestiaires… On n’a pas d’eau chaude.
C’est Bagdad ! Il n’y a rien. Voilà pour la partie sportive et les moyens mis à disposition pour notre équipe. En ce qui concerne la partie économique, notre stade où on reçoit notre public et nos partenaires, on dispose de seulement 650 sièges d’hospitalité.
Ce n’est vraiment pas des conditions de confort optimales. Mais le problème majeur n’est même pas là. On n’a tout simplement pas les capacités. On a tout vendu. Les recettes maximum de ce stade sont de 12 millions d’euros.
Notre budget est à 13. L’actionnaire a accepté de mettre un million pour faire la balance. J’entends certains qui me disent : « Vous n’avez qu’à faire moins de charges ». Mais si vous baissez plus de 13 millions, vous n’avez plus 15 joueurs sur le terrain.
Alors déjà que c’est dur de se maintenir à 15 joueurs, s’il faut partir à 13 ou 14 en début de match… Bref, nos joueurs, notre staff sont déjà dans l’exploit.
Le BO ressuscité mais avec beaucoup de problèmes
La destinée du BO est-elle en danger ?
Le BO était déjà mort il y a trois ans. On a récupéré le club en Fédérale 1, relégué administrativement. On s’était donné trois ans pour faire ressusciter le club et le faire vivre. C’est chose faite. Mais il est plus compliqué de faire ressusciter un mort que de faire naître un nouveau-né. Nous, en l’occurrence, on a fait ressusciter un mort sportivement.
Par contre, il n’y a pas les structures pour qu’il continue à vivre. Les problèmes qu’ont rencontrés les gens avant moi sont les mêmes que les miens aujourd’hui. Il n’y a pas de structure adéquate. C’est le terrible constat. Pourtant, ce staff, ces joueurs ont mérité d’exister. Mais des décisions ont été prises en plus haut lieu qu’à notre simple niveau. Encore une fois on ne veut pas de rugby professionnel à Biarritz.
Délocaliser le club (peut-être à Lille) est-ce toujours dans les tuyaux ?
Ce n’est pas délocaliser le club dont il faut parler, mais déménager l’équipe. Maintenant, on est fort heureux aussi d’avoir d’autres solutions…
Quelles sont vos relations avec la municipalité de Biarritz ?
Quinze jours avant cet entretien, j’aurais dit : elles sont cordiales et polies. Mais il ne se passe pas grand-chose. Même rien de factuel et concret. Il est curieux que cela arrive en même temps que l’attaque du président de l’association qui vient de démissionner. Comment expliquer ce manque de contact ?
Il faudrait maintenant pouvoir demander à la municipalité si le projet n’est pas plutôt juste d’avoir du rugby professionnel à Bayonne et amateur à Biarritz.
Conflit avec la Mairie de Biarritz
C’est quand même assez récurrent dans les discours que des présidents de clubs attendent davantage des collectivités, non ?
Mais cela n’arrive jamais à des clubs qui ont un copain qui est à 3 kilomètres et qui dépendent pourtant des mêmes collectivités ! On en est là. Les collectivités, la Mairie de Biarritz a accepté au niveau de l’agglomération, a vendu son club professionnel en disant : « Vous, Bayonne, avez le rugby pro, nous on a autre chose… ». Il faut demander à la Mairie de Biarritz ce que signifie « l’autre chose ».
Qu’est-ce qu’elle a bien échangé contre la vie de cette équipe pour que les choses se passent finalement à Bayonne. Ce sont davantage des tractations politiques entre des élus de l’agglomération, entre la Maire de Biarritz, le Maire de Bayonne.
Revenons-en au sportif. Le BO ne peut-il pas espérer mieux que le maintien avec un recrutement ambitieux avec les signatures notamment de Cronin (Munster), Kuridrani (Western Force) ou Herron (Harlequins) ?
Le rugby n’est pas une addition de CV sur un papier, mais plus une question de construction d’un groupe et d’un bloc équipe. Le nôtre a été constitué ces trois dernières années en Pro D2. Il a bien performé, mais il découvre le Top 14. Ce serait irréel de prétendre vouloir faire plus que le maintien. Chaque chose en son temps.
On vit la première année en Top 14 du BO après sept ans d’absence. Pour toutes les strates du club, c’est nouveau. Pour moi y compris. Les coachs, quasiment tous les joueurs n’avaient pas participé à la descente. Visons donc le maintien d’abord pour avoir ensuite le plaisir de peut-être évoluer dans les années futures.
« Tous les clubs ont évolué. Nous, rien n’a changé depuis 2005 »
Que pensez-vous de la progression de Barnabé Couilloud qui a prolongé au club alors que Lyon ne lui avait pas fait confiance ?
A l’époque, le LOU n’avait pas l’espace disponible pour que Barnabé puisse se former, se réaliser, s’épaissir et prendre l’expérience dont il avait besoin pour progresser. On pouvait nous lui proposer cela en préparant le cycle de montée il y a deux ans de cela en Pro D2.
Dans cette division, un long marathon, vous avez des matches pour gérer et pour former. L’objectif, c’est la fin avec les quatre derniers matches qui comptent. Par contre, quand un joueur arrive en Top 14 il faut qu’il soit de suite performant. Le Top 14, c’est la Formule 1.
Vous démarrez à 300 km/h, vous finissez à la même vitesse chaque week-end pendant dix mois. Il vous faut que des pilotes confirmés. Aujourd’hui, on récolte les fruits de notre travail mené en amont. A l’image de Barnabé et d’autres, on en a fait des pilotes aguerris capables de tenir en Top 14. Mais le championnat ne permet pas beaucoup de former. Il est plus difficile de donner du temps de jeu à des joueurs inexpérimentés.
Face à ce contexte compliqué, êtes-vous toujours aussi déterminé ?
On peut avoir envie d’avoir envie, la rage d’exister, mais c’est toujours compliqué de mener une vie entière seul contre tous avec seulement la rage d’exister. A un moment, vous vous fatiguez. Heureusement, on est encore animés par cette rage de progresser face à des gens qui ne veulent pas de nous.
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