Double champion olympique en 1984 et 1988, Jean-François Lamour a popularisé le sabre en France. Malgré des problèmes « préoccupants » au sein de la fédération, il reste optimiste et enthousiaste, à quatre mois des Jeux Olympiques de Paris.
Quelle joie a été la plus forte entre votre titre olympique en 1984 à Los Angeles et en 1988 à Séoul ?
Celui de 1988. Pour deux raisons majeures. En 1980, je suis le seul escrimeur français aux Jeux de Moscou à revenir sans médaille. Avec ce même problème que le sabre français n’était pas au top. Le DTN de l’époque a l’idée de faire venir fin 1981, un entraîneur hongrois, Laszlo Szepesi. Quand il arrive, il nous fixe un objectif : « On se donne deux Olympiades pour être au maximum de nos capacités ».
Notre objectif était plus centré sur 1988 que 1984. On s’était dit qu’on serait au rendez-vous en 1988. Cerise sur le gâteau je gagne en 1984 et on fait médaille d’argent par équipes. 1984 a été une très belle étape et on ne peut évidemment pas cracher sur une médaille d’or. Mais on s’était fixé tous l’objectif de 1988. Gagner deux titres à la suite et être au rendez-vous, naturellement la joie était très forte.
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Jean-François Lamour bien seul dans l’escrime français
En 1984, il y a eu le boycott des pays de l’Est, cela avait-il un peu facilité votre parcours ?
Il y a toujours des gens qui aiment bien rabaisser un résultat. Il y avait même des personnes de la Fédération qui ne s’étaient pas gênées pour le dire. On s’en moquait un peu. Ce n’était pas trop notre problème. Ce n’était qu’une étape. Les conditions de Los Angeles favorisaient notre progression. On était super heureux d’en être là et moi en particulier.
C’était un formidable encouragement. Les critiques, je les prenais plus comme une motivation que comme un petit coup de canif dans ce qui devait être un beau moment. Et puis il n’y a que la victoire qui est belle. On a surtout démontré ensuite que notre marge de progression était bien là. Juste avant les Jeux de Séoul, j’avais gagné les Mondiaux à Lausanne en 1987.
J’ai confirmé à Barcelone. Si on fait le parallèle avec ce qui va se passer à Paris 2024, il y a des chances que les Russes ne soient pas là. Les escrimeurs qui vont gagner seront ceux qui sont très forts. Tant pis pour ceux qui ne sont pas là même si je ne suis pas un grand fan des boycotts.
Quelle a été votre recette pour devenir champion olympique ?
Il n’y a pas vraiment de recette si ce n’est le boulot. Quand vous partez d’aussi loin que le sabre français et moi-même… Je suis rentré en équipe de France en 1974. A l’époque, c’était très dur pour le sabre français. Alors il faut manger de la piste, manger de la piste, manger de la piste, faire confiance à son entraîneur, se constituer autour de soi un groupe de coéquipiers très forts et s’organiser. L’escrime est un sport à maturité lente et d’expérience. Vous y arrivez vers 30 ans.
Avez-vous le sentiment d’avoir été un pionnier puisqu’avant vous la France n’obtenait pas de résultat significatif en sabre ?
Il y a eu de très grands athlètes et champions avant moi. Dont Claude Arabo. Il n’a pas été champion olympique pour une touche (en 1964, Ndlr). Tous ces champions n’ont pas eu cette possibilité d’avoir une carrière longue. Dans les années 60, ils étaient obligés de stopper l’escrime vers 25 ans pour travailler.
Il n’y avait pas de dispositif d’accompagnement à cette époque pour une arme comme le sabre. Pour un sport qui nécessite beaucoup d’expérience, c’était vraiment dommage. Donc le sabre n’était pas l’arme la mieux pratiquée en France. Et dès qu’on arrivait à maturité, il fallait choisir entre une vie faite d’escrime et peu rémunératrice et un emploi qui permettait de faire vivre une famille.
« Il y a toujours des gens qui aiment rabaisser un résultat »
L’escrime française traverse actuellement une zone de turbulences. Cela peut-il avoir un impact sur les Jeux et qu’en attendre en termes de médailles ?
Une zone de turbulences, c’est le moins qu’on puisse dire ! Il y a meilleure façon de se préparer aux Jeux. Je suis assez étonné de ces polémiques et de ces dysfonctionnements se situant tant au niveau fédéral que dans l’encadrement.
Mais je reste positif sur un point, un escrimeur est quelqu’un de mature, cela doit lui permettre de dépasser ce type de dysfonctionnements. Je ne suis pas inquiet sur la capacité de ces champions et championnes à se préparer, à se mettre dans leur bulle. Mais l’accumulation de tous les problèmes devient assez préoccupante. Y compris pour la suite.
Il faut préparer les gamins qui vont être éblouis par ces résultats et qui vont venir dans les salles. Si la Fédération est en pleine panade, il est dommage de gâcher ce moment incroyable. Je reste convaincu qu’on va décrocher de nombreuses médailles. Il y a un fort potentiel. Je crois à la capacité de se dépasser pour cette équipe de France. Jacques Chirac avait tenté de faire cela pour l’organisation des Jeux en 1992 pour Paris. Je suis monté sur la boîte (3ème en individuel et par équipes à Barcelone, Ndlr), mais j’aurais tout donné pour être médaille d’or.
Ils sont dans le même état d’esprit. En termes de médailles, à minima l’escrime française pourrait en rapporter au moins six. C’est le contrat minimum. Après, s’il y avait trois ou quatre médailles d’or, ce serait remarquable. Il y a un vrai potentiel avec des individualités de grande qualité, des jeunes super bien dans leurs têtes. J’ai confiance en ces équipes et en leurs staffs.
Le saviez-vous ?
Le 4 août 1984 sur la piste du Centre des Congrès de Long Beach à Los Angeles, Jean-François Lamour en devenant champion olympique, met fin à une disette de 84 ans en battant sur le fil l’Italien Marco Marin, au terme d’une finale très disputée (12-11).