Au plus près de ces champions hors-norme, Kévin Ribreau explique pourquoi et comment ils en sont arrivés-là. Entretien réalisé pour Rugby Magazine et Le Quotidien du Sport.
Quelle était votre fonction auprès de ces champions ?
J’en avais deux. J’étais cadre technique au Comité départemental. J’avais certains joueurs au centre d’entraînement départemental, deux fois par semaine pour des entraînements en plus du club. J’ai eu, quand on est allés en finale Crabos, Anthony (Jellonch) et Antoine (Dupont) à l’entraînement en tant qu’entraîneur d’équipe. J’en ai eu certains en sélection Gers minimes et en sélection Armagnac-Bigorre. Je côtoyais donc ces jeunes assez régulièrement.
Entre Dupont, Alldritt, Bourgarit et Jelonch, lequel était naturellement considéré comme LE futur phénomène ? On pense immédiatement à Dupont !
Même Antoine a connu une éclosion un peu tardive. Cela a été la force d’Auch de laisser grandir tous ces garçons. On ne les a pas pressés comme cela aurait pu être le cas dans certains clubs. Des clubs où chaque année il y a énormément de demandes pour pouvoir y jouer comme au Stade Toulousain par exemple. Chez nous, ils avaient leur place. Rappelons-nous qu’Antoine n’a pas été pris au pole espoir à 14 ans !
A cette époque, Antoine n’était donc pas ce joueur qui était au-dessus de tout le monde. Par contre, en cadets, il a connu une forte éclosion et a pris une grande importance dans l’équipe quand ils sont devenus champions de France. Il a ensuite éclaboussé tout le monde en sélection Bigorre et en Crabos. En Crabos 1, tout le monde s’est rendu compte de l’immense joueur qu’il allait être.
« Antoine (Dupont) a connu une éclosion un peu tardive »
Lequel était celui qui avait le moins de chance de réussir au départ ?
On peut comparer Anthony et « Toto » car ils ont le même âge (26 ans, Ndlr). Pour les avants, cela prend un peu plus de temps. Il faut physiquement que leur corps se fasse. Anthony et Greg ont au départ ces profils un peu similaires, un peu patauds, mais très forts à l’impact sur l’homme. Mais pas fait non plus car peu de musculation ou de musculation naturelle.
Ils ont pu progresser sur le plan physique et le côté dynamique dans les centres d’entraînement. Ils l’étaient moins plus jeunes avec ce côté force tranquille. Pierre « Bourga » était un peu comme Anthony, Gailuron à l’école. Ils aimaient plus faire rire les autres que travailler. On a pu les aider à continuer à avancer sur tous les pôles scolaires et rugbystiques. Ils seraient partis tôt de la maison avec de l’internat derrière, loin de chez eux, loin de leurs attaches, cela n’aurait pas été la même histoire. Elle aurait été plus compliquée.
« De Gersois, ils ont le mental »
Avant qu’ils n’entrent dans le centre de formation d’Auch, ils étaient passés par un centre d’expertise départemental. Cela consistait en quoi et avait révélé quoi ?
Je dirigeais ce centre. On avait travaillé avec Julien Sarraute là-dessus pour qu’il s’occupe du centre de formation. Et en dessous il était important qu’il y ait ce maillage départemental et qu’on puisse travailler sur ce centre. Pour que les meilleurs Gersois puissent s’entraîner au quotidien et au mieux pour préparer cette forme de haut niveau.
De sorte que quand Julien les récupérait après, on ait pu faire une certaine évaluation. Ces garçons étaient prêts à basculer sur l’étape suivante. Tout a donc été mis en œuvre. On a travaillé de concert en club, en comité départemental. Cela rassurait le comité départemental de voir que le petit club d’Auch prenait en compte chaque détail. Cela rassurait les parents aussi. Au point que le bouche-àoreille fonctionnait. Des jeunes du 65 (HautesPyrénées, Ndlr) débarquaient même. On s’était façonné une petite renommée.
Kévin Ribreau rend hommage au mental de Dupont et de tous les grands noms passés par Auch
Qu’ont ces quatre champions de culture gersoise en eux ?
Le mental ! Ce sont des joueurs extraordinaires. Mais leur mental fait la différence. En France, il peut y en avoir peut-être d’autres avec des qualités similaires. Par contre, leur mental, c’est autre chose. Le fait d’avoir été dans un petit club, d’avoir été un peu élevé à la dure sur le plan familial et du travail, cela a contribué à leur force mentale. Quand je pense à nouveau à Jelonch qui fait du bois pendant des années avec son père et qui travaille à la ferme, « Bourga » lui était sur des chantiers. Greg travaillait très bien à l’école. « Toto » était également un élève très brillant.
Si le rugby n’était pas arrivé si vite, ils auraient pu faire de très hautes études. Mais encore une fois le fait d’avoir été dans un petit club d’en rencontrer des gros, de ne rien lâcher, d’avoir toujours été dans le dur, de vouloir malgré tout le meilleur, ils se sont tous forgés un caractère fort qui les aide à haut niveau. Dans leurs équipes respectives, ils sont d’ailleurs les leaders.
Ce n’est pas un hasard qu’ils soient capitaines, et ce même en équipe de France. Ils ont eu le temps de se préparer à cela depuis les rangs minimes et cadets. Au fil des années, ils sont devenus acteurs dans la préparation de leur match, dans l’échange avec les joueurs. Et enfin tout cela a été possible car ils ont travaillé dans la continuité.
Dans certains gros clubs, les choses sont remises en question chaque année. Là-bas, si on n’est pas leader dès les cadets 1ère année, on est en difficulté. Quand « Toto » est arrivé en cadet première année, il a pu jouer contre des joueurs d’un an de plus que lui. Ces immenses joueurs se sont construits grâce à tout cela. Cela les différencie des autres.