vendredi 24 janvier 2025

Le témoignage fort du Français Jaylen Hoard (Hapoël-Tel Aviv) : « Je me sens en sécurité »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Goupre Entreprendre

Pour sa 2ème saison à l’Hapoël Tev Aviv, le Français de 24 ans, Jaylen Hoard brille notamment en EuroCup. Appelé pour la fenêtre de février en équipe de France, il peut rêver d’être de la fête aux Jeux. Entretien pour France Basket et Le Quotidien Du Sport.

En raison du conflit israélo-palestinien, votre équipe joue ses matches d’EuroCup à Belgrade. Ça ne doit pas être simple.

Au début, c’était vraiment bizarre. Ce n’était pas l’idéal. On ne faisait que des matches à l’extérieur. Là, le championnat israélien a repris, ce qui nous permet de jouer des matches à domicile. En EuroCup, c’est difficile, on voyage beaucoup. L’équipe est partie par exemple pendant 10 jours. Ce n’est pas facile à vivre, mais on fait avec.

Jouer à l’extérieur en EuroCup est-ce un désavantage même si sportivement ça n’a pas l’air de trop perturber l’équipe ?

On joue nos matches à « domicile » à Belgrade. Ça joue un peu parce que jouer à domicile nous donne beaucoup d’énergie. Nos fans sont intenses. Ce n’est pas facile de jouer ici pour les équipes adverses.

Dans ces conditions, si vous remportez l’EuroCup, ce sera fort !

Ce serait vraiment gratifiant. Ça montrerait qu’on a été soudé et fort mentalement toute l’année. Le fait de voir tes coéquipiers tous les jours, on apprend à mieux se connaître et beaucoup plus rapidement. On a tous traversé une période difficile, même encore maintenant, mais ça nous a rendus beaucoup plus soudés.

Avez-vous l’espoir d’ici la fin de la saison de rejouer des matches européens à Tel Aviv ?

J’aimerais être optimiste, mais je ne pense pas que les équipes vont accepter.

Jaylen Hoard a déjà du vécu en Europe

Vous sentez-vous en sécurité à Tel-Aviv ?

Franchement oui. Tout est quasiment redevenu normal, entre guillemets, en tout cas dans Tel-Aviv. Il n’y a plus de restrictions. Tous les fans ont le droit de venir aux matches. Après, l’autre jour, deux roquettes ont été envoyées vers Tel-Aviv, mais ont été interceptées par le dôme et leur système de défense. Ça m’était déjà arrivé l’année dernière. Je n’ai pas envie de dire que c’est normal, mais ce n’est pas la première fois.

Pas mal de joueurs étrangers ont préféré quitter Israël. Cela peut-il redistribuer les cartes et mettre à mal la domination du Maccabi en championnat ?

Ça change beaucoup de choses parce que beaucoup d’étrangers sont partis, donc ça change le niveau. Le Maccabi est un cas particulier. Les Américains ont refusé de revenir en Israël. Pour certains pour des raisons de sécurité. En plus, à cause de la guerre, de déplacer l’équipe, de trouver des logements à Belgrade, ça leur a coûté beaucoup d’argent et du coup ils ont décidé de réduire leurs salaires de 10 ou 15% je crois. Du coup, ils ont refusé de revenir jouer en championnat, ils ne font que les matches en Euroligue.

Le titre de champion est-il possible pour l’Hapoël Tel Aviv ?

Pour l’instant, on est premier. Si tous les joueurs avaient été là, ça aurait été plus compliqué, mais cette année le titre est jouable. On peut tout gagner !

Avez-vous pensé à quitter Israël, votre famille ne vous a-t-elle pas pousser à le faire ?

Franchement, pas du tout ! Je voulais absolument rester dans cette équipe, dans ce club. Ma famille se souciait un peu de ma situation parce que c’était dangereux ici pendant un moment. Quand on regarde les infos et qu’on n’est pas à Tel-Aviv même, on ne se rend pas compte de ce qui se passe vraiment. Mais, franchement, je me sens en sécurité. Je suis content d’avoir pu rester dans le club parce que je ne voulais vraiment pas partir.

« Je n’ai jamais pensé à quitter Israël »

La tendance aurait été plutôt de partir que de rester…

Sportivement, pour moi, c’est top et je voulais vraiment terminer ma saison ici. Je ne suis pas fou et si ça avait été vraiment dangereux je serais parti.

Sportivement, à titre personnel, vous réalisez une très bonne saison. Comment l’expliquer ?

C’est le résultat du travail que j’ai fait cet été pour progresser. C’est aussi dû au fait d’avoir déjà une année d’expérience dans cette équipe. L’Europe, c’est différent des Etats-Unis et de la G-League. Ce n’est pas le même style de jeu. L’année dernière était une année d’adaptation. J’avais plein de choses à apprendre, à découvrir. J’ai pu retourner chez moi cet été et me poser un peu, voir ce que j’avais besoin de travailler et après travailler sur ces points-là. C’est grâce à ça que j’ai pu montrer une bonne progression.

Qu’avez-vous travaillé spécifiquement ?

Déjà, physiquement j’ai pris par rapport à l’année dernière et ça m’aide beaucoup en match. J’ai bossé tout ce qui est technique, le shoot, le dribble. Le plus gros travail que j’ai fait, c’est mental. C’est super important. Dans le basket, l’aspect mental est aussi important que le physique. J’ai fait beaucoup de temps de réflexion, de choses comme ça, où j’ai pu me poser, parler avec des gens, etc. J’ai beaucoup progressé sur mon mental.

Vous n’êtes que deux Français à jouer en Israël, Frédéric Bourdillon et vous, Amine Noua étant parti. Même si, avec le conflit, ça ne risque pas de s’arranger, le niveau du championnat est-il intéressant ?

Franchement, c’est une bonne expérience. Déjà l’atmosphère est incroyable avec les différentes équipes comme le Maccabi avec leurs fans, les nôtres, ceux d’Holon, de Jérusalem. Ces matches-là, c’est à vivre. Le reste du championnat, ça baisse un peu, mais c’est quand même une ligue intéressante. Je m’y plais.

Contre le Maccabi, c’est chaud le derby ?

C’est vraiment incroyable, intense, limite c’est parfois dangereux. Les fans jettent des briquets sur le terrain. Je reçois des choses pendant les matches. Ils ont des bâtons qui font des flammes. C’est chaud ! En tout cas, depuis que je suis ici, il n’y a jamais de gros écarts, ce sont tout le temps des matches serrés.

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Jaylen Hoard fidèle à Tel Aviv

Vous avez prolongé jusqu’en 2025. Mais, vue votre saison ne pourriez-vous pas prétendre à un club jouant l’Euroligue ?

J’ai un bail-out de mon côté, l’équipe aussi. S’ils ne sont pas satisfaits, ils peuvent payer pour que je m’en aille et moi si une équipe est intéressée elle peut payer pour que je m’en aille. Mais j’essaie de ne pas trop y penser. J’ai juste envie de continuer de bien jouer, de gagner l’EuroCup et la Ligue d’Israël. Après, on verra. Je me plais bien dans mon club, mais on ne sait jamais si une opportunité se présente.

Même au Maccabi ?

(sourire) Ce n’est pas du tout recommandé. Je ne sais même pas si c’est possible. Mes coéquipiers m’ont dit que si un joueur faisait ce move-là il aurait des problèmes en dehors du terrain…

Gagner l’EuroCup pourrait vous permettre de jouer l’Euroligue la saison prochaine.

Si on y arrive, je n’aurai peut-être pas besoin de partir.

En EuroCup, l’équipe à battre c’est Paris ?

C’est clair. C’est une très bonne équipe. On est juste derrière eux. Mais l’objectif est de tout gagner.

Vous n’avez jamais joué en pro en France. Seriez-vous ouvert à cette possibilité ?

Si l’opportunité était bonne, pourquoi pas. Mais jusqu’à présent, il n’y pas eu beaucoup d’opportunités…

Après votre passage en NBA, peu de clubs étaient prêts à vous faire confiance ?

Je n’avais pas beaucoup d’options. Je suis même venu à l’Hapoël Tel-Aviv pour un essai. Je n’avais même pas de contrat de base.

Quand on a joué en NBA, il faut mettre son ego de côté pour venir faire un essai !

La plupart de mon temps passé aux Etats-Unis, même si j’ai fait quelques matches en NBA, c’était en G-League. En Europe, ce n’est pas trop respecté. Je savais que, peu importe où j’allais aller en Europe, il fallait que je prouve ce que je sais faire.

Le téléphone de votre agent doit sonner un peu plus qu’il y a deux ans. Est-ce une revanche ?

Pas forcément, mais je sais qu’il y a plein de gens qui doutent de mon niveau. Tous les jours, j’essaie d’être le meilleur joueur possible et de montrer qu’à n’importe quel niveau je peux jouer et faire partie des meilleurs.

Aujourd’hui encore des gens doutent de votre niveau ?

Oui. Déjà, je joue en Israël, ce n’est pas un championnat très regardé.

Le rêve américain est-ce fini ou avez-vous encore en tête d’y retourner ?
C’est encore dans un coin de ma tête, mais ce n’est pas la priorité. J’ai envie d’être dans un endroit où je vais jouer. Si j’avais une opportunité de retourner en NBA, si c’est pour ne pas jouer, ça ne m’intéresse pas. J’ai envie d’être quelque part où je vais jouer, montrer ce que je sais faire, prendre du plaisir.

Vous deviez connaître votre première sélection en équipe de France cet été avant une blessure. Avec vos performances, avezvous les JO en tête ?

C’est dommage parce que je voulais vraiment faire les matches de prépa avant la Coupe du monde. Ça ne s’est pas fait, mais l’équipe de France, c’est quand même quelque chose auquel je pense. Si l’opportunité se présente, ce serait incroyable. Mais, en France, on a tellement de joueurs en NBA, en Euroligue que c’est difficile d’intégrer l’équipe. J’y pense néanmoins. De mon côté, je fais mon travail et on verra (il a été appelé pour les matches contre la Croatie et la Bosnie les 23 et 26 février, Ndlr).

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