Directeur des sports du groupe TF1 depuis février 2021, Julien Millereux se félicite des belles audiences des Bleus lors de la Tournée d’automne. De là à imaginer le Tournoi des 6 Nations sur les antennes de TF1 en 2026 alors que le contrat avec France Télévisions se terminera en 2025…
Avez-vous été surpris que le rugby fasse mieux que le foot en termes d’audiences lors de la tournée de novembre ?
On est toujours agréablement surpris quand on fait de très bonnes audiences. On est très contents. On a fait 4,5 millions sur le France-Japon qui n’avait pas un scénario très haletant puisqu’assez rapidement on savait que les Bleus allaient gagner. Ce n’était pas non plus l’affiche la plus reluisante de la tournée. Contre les All Blacks, on a fait une audience incroyable avec 7,3 millions de téléspectateurs et France-Argentine 6,7 millions. C’est vraiment super pour nous, pour le rugby. Après, c’est tentant de comparer avec le foot, mais il faut aussi tenir compte des horaires de matches. Le comité des 6 Nations qui centralise cette Tournée d’automne a été à l’écoute de ses diffuseurs et a programmé des matches à 21h10, ce qui correspond au pic de consommation télé, là où l’UEFA a mis les matches de foot à 20h45. Forcément, ça pénalise beaucoup les audiences. Sur un France-Italie par exemple, au foot, on est à 20h45 à 4,2 millions de téléspectateurs, à 21h on passe à 5,8 millions et à 21h10 on est à 6,2 millions. Si vous commencez à 21h10, l’audience moyenne in fine sera bien supérieure.
Se passe-t-il néanmoins quelque chose au niveau du rugby ?
Il y a une vraie cote d’amour autour de cette équipe de France. On est aussi dans une année 2024 qui suit la Coupe du monde qui s’est déroulée sur notre sol. Certes, on a tous été frustrés par le parcours des Bleus parce qu’on aurait aimé que ça aille plus loin. Malgré tout, pour le très grand public, le fait d’avoir une Coupe du monde sur son sol, avec une équipe en plus à la fois performante et sympathique, ça joue. En plus, Antoine Dupont et le rugby à 7 ont remporté la médaille d’or cet été aux JO. Tout ça contribue au fait que le rugby est au top de sa cote d’amour auprès d’un très grand public. C’est ça qu’on cherche sur TF1, à réunir largement au-delà des fans de rugby qui suivent ça toute l’année.
TF1 est-elle en train de devenir la chaîne du rugby plus que du foot ?
Je ne dirais pas ça. Déjà le rugby on a toujours été dedans. A des degrés moindres. Mais les Coupes du monde, on les a quasiment toutes diffusées à l’exception d’une. On est le diffuseur historique de la Coupe du monde. Effectivement, on a fait la Tournée d’automne, c’était vendu ensemble dans le même package par le comité des 6 Nations qui nous avait proposé d’acheter des matches de prépa l’année dernière avant la Coupe du monde pour ces matches-là et ceux de l’année prochaine. On est ravis de les avoir, mais TF1 est tout aussi la chaîne du foot. On a l’exclusivité des matches de l’équipe de France tout le long de l’année. Ce n’est pas l’un ou l’autre. Après, effectivement, le rugby est en train de devenir un sport, enfin il l’était déjà, extrêmement populaire et c’est ça qu’on cherche sur TF1, des audiences qui surperforment par rapport à ce qu’on a d’habitude d’avoir dans nos grilles de programmes.
« On ne réunit pas autant de téléspectateurs si le duo de commentateurs n’est pas performant »
Les audiences rugby ne grimpent-elles pas aussi en raison d’un désamour pour le foot ?
C’est cyclique. Il ne faut pas avoir la mémoire courte. On a diffusé la Coupe du Monde 2019. Je peux vous garantir que dans les semaines qui précédaient, il n’y avait pas beaucoup d’articles dans la presse qui en parlaient. C’était symptomatique d’une équipe de France qui n’était pas aussi performante sportivement, qui générait moins d’émotion auprès du grand public. Cinq ans plus tard, c’est l’inverse qui se passe. Le football, il y a un petit creux en termes de cote d’amour parce que les performances à l’Euro, malgré la demi-finale, n’ont pas fait vraiment vibrer les Français. Il y a aussi Antoine Griezmann qui prend sa retraite, qui était l’une des deux stars de l’équipe de France. Kylian Mbappé qui a été absent des derniers rassemblements et qui traverse une période compliquée sportivement et médiatiquement. Tout ça joue, mais c’est cyclique et moi je me réjouis juste que le rugby soit à son top, mais l’un n’empêche pas l’autre. En 2022, l’équipe de France de foot était au top et l’équipe de rugby aussi !
Pourquoi, après la Coupe du monde, avoir changé votre duo de commentateurs ?
On voulait partir sur un nouveau cycle. On a fait ce qu’on avait d’ailleurs fait par le passé. Benjamin Kayser et François Trillo en 2019, ils étaient la 2ème équipe de commentateurs. Quatre ans après, on leur a proposé de passer en numéro un, ils ont fait une Coupe du monde chez nous et là on a Stefan Etcheverry et Thomas Lombard qui étaient en 2ème équipe sur la Coupe du Monde 2023, qui nous ont donné satisfaction et à qui on a eu envie de donner leur chance. Stefan fait partie de la maison. Il est journaliste à part entière dans la rédaction de TF1. On connaissait sa passion pour le rugby et son expertise. On a voulu leur donner leur chance sur l’équipe de France cet automne et on est très contents. On ne réunit pas autant de téléspectateurs si le duo n’est pas performant.
« On se positionne sur les droits qui peuvent rassembler beaucoup de gens »
Commenteront-ils la Coupe du monde féminine en 2025 ?
On ne sait pas encore. La tournée d’automne vient à peine de se finir. On n’est même pas encore dans la projection sur 2025.
Si vous êtes satisfait du duo Etcheverry/Lombard, les commentaires ont été moins élogieux sur les réseaux après le premier match contre le Japon…
Sur les réseaux sociaux, ce sont souvent les gens qui sont mécontents qui s’expriment. Je ne sais pas s’ils sont représentatifs. Nous, on a pour vocation de réunir le plus large public possible. On a, et c’est assumé, la volonté aussi d’évangéliser, d’être assez pédagogues à l’antenne. On prend du plaisir à toucher le plus large public. Si certains fans hardcore n’y trouvent pas leur compte, c’est malheureusement le lot des chaînes très grand public. C’est compliqué de faire l’unanimité. Après, moi je n’ai pas noté de désamour. Encore une fois, on ne réunit pas autant de personnes devant un match de rugby si les commentateurs ne sont pas au niveau. Les audiences parlent d’elles-mêmes.
TF1 serait fortement intéressée par les droits du Tournoi des 6 Nations qui arrivent à échéance en 2025. Qu’en est-il ?
On regardera comme tous les appels d’offres, c’est le rôle des ayants droit de consulter les marchés. C’est le rôle des diffuseurs de regarder les dossiers. Mais ils n’ont même pas encore lancé leur appel d’offre. Après, on ne commente jamais ce qu’on va ou ne pas faire sur les appels d’offres. Ça ne présage absolument pas de ce que TF1 va faire sur le rugby, on est déjà très content d’avoir ces matches d’automne cette année et l’année prochaine avec de belles affiches. Ce sont des matches qu’on n’avait pas auparavant.
Pourquoi ne pas dire ouvertement que le Tournoi des 6 Nations vous intéresse ?
En l’occurrence, je ne vous le dis pas (sourire). On ne commente pas les appels d’offres de droits sportifs à venir ou en cours.
« Les compétitions féminines de rugby peuvent franchir encore un palier »
En attendant, il y aura en 2025 la Coupe du monde féminine sur TF1…
Ce sera un temps fort. On l’avait déjà diffusée en 2022, c’était en Nouvelle-Zélande avec des horaires tôt le matin. On avait fait 14 matches sur TF1. Là, on a vraiment envie de le mettre en avant. On a l’Euro de foot féminin en juillet et, du 22 août au 27 septembre, on aura cette Coupe du monde en Angleterre avec des stades pleins, la finale à Twickenham. Ce sera un des événements majeurs de sport en 2025. Les compétitions féminines de rugby peuvent franchir encore un palier. On va mettre toutes nos forces, marketing, communication, éditoriale, au service de cette compétition et on espère que le public nous suivra.
Le fait que le rugby et l’équipe de France hommes soient sur TF1, c’est aussi le rugby qui est gagnant, non ?
Je pense. On est la chaîne leader, c’est nous qui qui arrivons à rassembler le plus de téléspectateurs tous les jours tout au long de l’année. C’est toujours bien en termes d’exposition d’être sur les antennes de TF1 (sourire).
Ce n’est néanmoins pas très lisible d’avoir la tournée de novembre et la Coupe du monde sur une chaîne, TF1, et le Tournoi des 6 Nations sur une autre, France Télévisions…
On n’est pas responsable de la manière dont le calendrier et les droits sont commercialisés. Il se trouve qu’aujourd’hui il y a plusieurs packages qui concernent l’équipe de France de rugby, en l’occurrence sur l’équipe de France la tournée d’été qui est sur Canal +, en février-mars les matches des 6 Nations sur France Télévisions… C’est le rugby mondial qui fonctionne comme ça. Après, TF1 est une chaîne en clair, France Télé aussi, il faut juste se réjouir que le rugby bénéficie d’une exposition en clair que beaucoup d’autres sports lui envient en France.
Avec les audiences qui montent, ne vous attendez-vous pas à une surenchère au niveau des droits ?
Ce qui fait le prix des droits, c’est la tension concurrentielle. Le rugby, et ça ne date pas d’aujourd’hui, a une capacité à fédérer beaucoup de gens et à faire de grosses audiences. Ça ne signifie pas forcément une inflation au niveau des droits, les droits du rugby sont déjà assez chers à la mesure de ce que le sport représente en France.
Qui est aujourd’hui la chaîne du rugby ?
Il y a des compétitions de qualité un peu partout qui s’adressent à des publics différents. Le public du Top 14, ça fait entre 500 et 700 000 téléspectateurs le week-end. Les gros matches de Coupe d’Europe sur France Télévisions, ça peut faire 2 millions-2,5 millions. Après, il y a le 6 Nations ou les matches d’automne qui peuvent faire jusqu’à 7 voire 8 millions de téléspectateurs. Et après les Coupes du monde où on va tabler beaucoup plus large. Je dirais que ça dépend du public qu’on vise. Nous, à TF1, ce qu’on sait faire, c’est rassembler beaucoup de gens. On se positionne sur les droits qui peuvent rassembler beaucoup de gens. Un match du Top 14 ne peut pas ne pas rassembler 8 millions de téléspectateurs.