Joueur au parcours et à la sensibilité rugbystique atypiques, à deux doigts d’arrêter le rugby, l’arrière de 22 ans Melvyn Jaminet de l’USAP attire toutes les attentions. Surtout depuis son été austral…
Kylian Jaminet : « Il a voulu arrêter le rugby »
« Je ne suis pas vraiment surpris par sa progression, si ce n’est au poste d’arrière. En 15, sur les ballons hauts, ce n’est jamais facile. Cela s’est vite enchaîné pour lui. Il est très performant et pourtant il avait très peu d’expérience à ce poste.
Il en a gagné beaucoup en l’espace d’un an et demi. A la base, il est plus ouvreur. Il a su assimiler ce poste d’arrière rapidement. Il le prouve parfaitement avec l’USAP et le XV de France. Melvyn a été sélectionné aussi car il est bon dans ses relances, dans les franchissements, en défense.
Je ne me suis jamais posé de questions sur la qualité de son jeu au pied. Je savais qu’il tapait très bien au poteau et qu’il avait la longueur sur le jeu au pied de déplacement.
Melvyn procède étape par étape. Il fait son bonhomme de chemin et il doit enchaîner les saisons. Il se sent bien à Perpignan. A un moment, il a voulu arrêter le rugby. Cela aurait été une grosse bêtise. Mes parents, Dylan et moi, on ne voulait pas qu’il stoppe. Cela a payé. Melvyn a eu un parcours atypique ».
Son frère joueur de Nevers
Bastien Faupala : « Il s’est vu refuser de partout… »
« Quand je l’ai rencontré, il était en Espoir à Hyères Carqueiranne. C’est un ami d’enfance qui m’avait parlé de lui en me disant :
« Il y a un jeune là-bas, il crève l’écran. On ne voit que lui ». Je me suis déplacé. Cela a été un vrai coup de foudre rugbystique. Dès son premier coup d’envoi, c’était digne du Top 14 ! Ce jour-là, Melvyn jouait contre les Espoirs de Provence Rugby. Son équipe avait pris 50 à 10.
Mais on ne voyait que lui. Il avait une gestuelle magnifique et un coup de pied monstrueux. C’était fluide. Il était beau à voir. Ce gamin, c’est une histoire de dingue. J’ai ensuite rencontré ses parents. Je me suis alors occupé de lui. A l’époque, c’était un gringalet de 67 kg. On avait fait le tour des clubs. On se faisait refouler de partout.
A Toulon, je ne leur en veux pas d’être passé à côté de Melvyn, cela arrive parfois. Cependant, j’en veux davantage à certaines personnes dirigeantes de l’époque là-bas d’avoir écoeuré un gamin du rugby. Quand on pense que récemment lors de sa dernière tournée en Australie, il a joué avec une chaussure ouverte et qu’il a scotché ses crampons !
Il n’a joué qu’avec une seule paire de crampons scotchés. Cela ne l’a pas empêché de faire un 15 sur 16… David Marty m’a confié que Melvyn a été touché par les Dieux du rugby »
Son représentant
Dylan Jaminet : « Quand je vois où il est aujourd’hui et d’où il est parti… »
« C’est beaucoup de fierté d’être dans le même club que Melvyn. Je suis admiratif de son parcours. Quand il vient me voir jouer, il me conseille un peu sur la fin de mes matches. On fait des petits bilans. Il a un parcours qui sort vraiment de l’ordinaire.
Quand j’y repense, ce qui m’étonne beaucoup, c’est d’où il est parti et où il est aujourd’hui. Au départ, il était loin d’avoir un physique extraordinaire. Il était fin et petit. Sa très belle technique et son jeu au pied lui ont servi. A un moment donné, il a voulu arrêter le rugby. On l’a poussé à continuer. Il a franchi les étapes au fur et à mesure.
C’est magnifique. D’autres auraient pu lâcher, pas lui. Il a eu cette force aussi de partir à Perpignan alors qu’il ne connaissait personne. Il s’est retrouvé loin de sa famille. Peu l’auraient fait. Quand je regarde son parcours, je ne me mets pas de pression. Ce serait négatif. Au contraire, cela me booste. J’aimerais le rejoindre ».
Florian Béguine : « A 11, 12 ans, c’était déjà un magicien »
« J’ai été son éducateur pendant six ans. Je l’ai suivi en U9, U11, U13. Je le faisais toujours jouer. C’est après qu’il a été mis de côté en minimes et cadets. Le fait qu’il ne soit pas resté à Toulon a été une incompréhension. Melvyn était pétri de qualités.
Il faisait des trucs de fou, des chisteras. Il avait un coup de pied de malade. Sur certains points techniques, il était meilleur que Louis Carbonel qui avait pourtant deux ans de plus que lui. Je l’avais mis en 9 et Louis en 10. Une belle charnière ! Melvyn était un des meilleurs de son équipe sur un plan purement technique.
A 11, 12 ans, c’était déjà un magicien. Il a connu un retard physiologique de croissance. Les clubs jugent souvent le niveau d’un joueur à un instant T malheureusement. Cela a été un mystère qu’en cadets à Toulon il ne joue plus. Je le voyais au moins aller jusqu’en Espoirs.
Comme il avait du caractère, quand il a vu qu’à Toulon on le mettait un peu de côté, il a décidé de partir. J’ai pu comprendre sa frustration. Il voulait même tout arrêter. Quel parcours atypique ! En Juniors première année, il jouait dans la division 3 à Solliès à 17 ans ! ».
Un de ses premiers éducateurs à Toulon
Hervé Jaminet : « Il analyse très vite »
« A la base, je suis un ancien joueur et éducateur. Les qualités de pied quasiment d’adulte alors qu’il était tout petit, sa gestuelle et son intelligence, ont sauté aux yeux très vite. En tant que parents, on est malgré tout toujours un peu sur la réserve.
Il a eu un parcours différent. Il a connu une croissance très tardive. Sur son physique, il avait vraiment une défaillance. Contrairement à lui j’avais eu une croissance très rapide. Je me suis révélé vite et j’ai stagné. Melvyn, cela a été l’inverse. Un jour, pourtant, il a dit : « Je veux partir de Toulon, je veux arrêter le rugby ».
J’ai laissé faire et dire sur le moment. Quinze jours plus tard, je lui ai demandé s’il aimait toujours le rugby. Il m’a dit oui. Je jouais encore à l’époque en Nationale 2.
J’avais des amis encore éducateurs. Je les ai appelés. Melvyn y est allé. Quand il est rentré à la maison, je m’en souviendrai toute ma vie. Avec mon épouse, on se met à table. Je lui demande comment s’est passé cet entraînement ?
Melvyn (Jaminet) a la banane
Je vois Melvyn avec une banane énorme. Il me dit : « Papa, j’ai pris un plaisir énorme. J’ai vu des gens qui voulaient s’amuser au rugby. On joue et on rigole ».
Il a redécouvert ses vraies valeurs car il avait perdu confiance en lui. Ces éducateurs là ne l’avaient pas bridé. C’est essentiel car dans le rugby actuel, dans certaines catégories, on applique d’abord un plan de jeu. Si on en sort, on ne joue plus.
On perd en créativité. On ne construit plus des rugbymen sur l’instinct, mais dans des cases. Melvyn a beaucoup d’atouts. Il a l’intelligence et une adaptation rapide. Il analyse très vite.
Pour un adversaire, c’est très compliqué d’avoir quelqu’un comme Melvyn en face du fait de la difficulté de le contrer. Il s’adapte très vite au système de jeu adverse. C’est ce qu’on a remarqué sur sa saison en Pro D2 et en équipe de France. C’est un joueur d’instinct. Un cheval fou qu’il faut lâcher. Si on le bride, il se câbre ».
Son père
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