Le demi de mêlée international français (52 sélections, 13 essais) sort d’une Coupe du monde riche en émotions. Une compétition très singulière pour le natif des Hautes-Pyrénées qui a confirmé qu’il était un joueur hors-norme. Le plus fort de la planète rugby ?
Le parcours de l’équipe de France en Coupe du monde s’est arrêté net en quarts de finale. Brutalement.
Bien entendu, on n’a pas kiffé O’Keeffe, l’arbitre néo-zélandais au sifflet contre l’Afrique du sud (28-29) en quarts de finale. Les larmes d’Antoine Dupont n’ont laissé personne indifférent. L’entraîneur de Colomiers Julien Sarraute revient sur cette cruelle élimination :
« Sa déception a laissé place à des images rares. Antoine Dupont n’est pas quelqu’un qui laisse transparaître ses émotions. Il y en a eu énormément chez lui. Cela a été pour lui le contrecoup de son investissement et de toute la détermination qu’il a pu y mettre en préparation et pendant sa Coupe du monde. C’est un joueur de très haut niveau. Il se prépare d’une telle manière qu’il fait en sorte que tout ce qu’il accomplit est à la hauteur de ses ambitions ».
Avant cette élimination prématurée, la France a été tenue en haleine avec le feuilleton Antoine Dupont, suite à son terrible choc (fracture maxillo-zygomatique). Contre la Namibie (96-0), la blessure du prodige tricolore a éclipsé le record des Bleus. Très incertain pour la suite de la compétition, l’attente a été pesante.
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« Il veut gagner encore plus que les autres »
L’emballement médiatique a été également de la partie : « Cette attention médiatique qu’il a connue ou subie, est de très loin tout ce qu’il ne cherche pas à générer, analyse le directeur général du Stade Français Thomas Lombard. Il est l’antithèse de cela. Ce n’est pas cela le rugby. La médiatisation reste très importante. Il faut faire avec ces paramètres. Je ne connais pas intimement Antoine, mais un peu tout de même puisque je l’ai croisé à plusieurs reprises avec les Barbarians.
« Ce n’est ni l’éducation, ni la perception qu’il a du rôle que doit jouer le meilleur joueur du monde. Mais pour nous, Français, avec la manière dont on conceptualise le rugby, le rugbyman parfait, Antoine Dupont en est l’archétype. Un mec humble, issu d’un terroir, qui incarne sa région avec un ancrage familial très fort, qui a reçu une bonne éducation, qui a du talent, mais aussi une grande force de caractère et de travail plus fortes que les autres, qui cultive l’humilité… Bref, tous ces éléments en font pour nous un modèle exceptionnel ».
Auteur de 10 passes après contact pendant la Coupe du monde, Antoine Dupont a été le joueur le plus efficient dans ce domaine avant que les demi-finales ne débutent. C’est dire à quel point Toto s’est envoyé. Le demi de mêlée, malgré les nombreux aléas, a gardé un niveau de jeu très élevé. Il a fait de l’Antoine Dupont !
Antoine Dupont fait du Dupont
« Il reste compliqué de définir sur quels critères il a le plus progressé ces deux dernières années, reconnaît l’entraîneur de Colomiers. Il avait déjà une maturité précoce. Dupont s’est situé très vite sur des standards de très haut niveau dans tous les secteurs de la performance. Mais même s’il a affiché une maturité très jeune, dans l’alternance des formes de jeu, il a encore franchi un cap. Il est désormais capable d’être davantage éjecteur en faisant plus jouer l’équipe autour de lui et en étant un peu moins dans l’initiative, ce qui augmente sa palette. »
« Tout cela a permis au Stade Toulousain et à l’équipe de France de devenir de plus en plus performants. On remarque bien que le Stade Toulousain est Dupont dépendant. Je ne dirai pas cela à ce point en équipe de France. Malgré tout, il a réalisé de très grosses prestations en Bleus. Si on essaie de déceler le nombre d’actions négatives à son sujet, elles sont infimes en fonction du nombre de ballons qu’il touche. »
« Il a vraiment appris à trier les ballons en le faisant circuler »
« Il a vraiment appris à trier les ballons en le faisant circuler, ainsi que les joueurs autour de lui, tout en conservant sa grande force de création. Antoine Dupont a une énorme explosivité et possède cette capacité à gagner tous ses duels défensifs ou offensifs. Dupont adore porter le ballon. Il est rempli d’initiatives. Il a vraiment progressé dans sa capacité à faire jouer l’équipe autour de lui ». Thomas Lombard enchaîne :
« Il détient tous les attributs du joueur de rugby. C’est ce qui en fait un tel joueur avec un tel statut. Il est rapide, il est créatif, technique, il est capable d’analyser très vite les situations. Il sait tout faire. Ce que je retiens surtout et ce qui est sans doute le plus représentatif d’un champion c’est que c’est quelqu’un qui veut gagner encore plus que les autres. Il ne se satisfait jamais de ce qu’il a. Il veut toujours plus, il veut toujours aller plus loin, il veut constamment repousser ses limites et le plafond de verre de son équipe. C’est la marque des très grands. »
« Chez le champion, il existe toujours une petite trace d’insatisfaction. Le match parfait n’existe pas, mais chez lui particulièrement. Il est un peu comme l’était Jonny Wilkinson. Plutôt que de retenir tout ce qui a été très bien fait, il va plutôt se focaliser sur le petit truc qui n’a pas été assez bien effectué, ou qu’il aurait pu mieux faire. Et quand il gagne un titre, il veut remporter celui d’après. C’est très représentatif du caractère des grands champions dont fait partie Antoine Dupont ».
« Il répond toujours présent dans les grands rendez-vous »
Meilleur joueur du monde World Rugby 2021, l’est-il toujours ? Julien Sarraute livre son point de vue : « Il est difficile de pouvoir répondre à une telle question. Cependant, j’ai beaucoup d’affect pour Antoine, avec une connexion de grande proximité lors de son passage au centre de formation d’Auch. Il a fait plutôt une belle Coupe du monde.
Malheureusement, perdre en quarts ne lui permettra peut-être pas de postuler au titre de meilleur joueur du monde. Généralement, ce sont plutôt des joueurs qui vont en finale ou qui sont champions qui décrochent ce type de distinction aux yeux du grand public et des instances. Mais avec mon œil, je trouve qu’il a répondu présent sur cette Coupe du monde.
Son match contre l’Afrique du Sud en est l’exemple parfait. Sa prestation a été assez performante et cohérente au sortir d’une blessure assez sérieuse. Il a été à l’initiative d’un break. Il a été plutôt pertinent dans ses éjections. »
Sa blessure, son handicap pendant le quart de finale
Néanmoins cela a été un peu plus compliqué au niveau de la pression qu’il y a eue dans les zones de rucks. En conséquence, il n’a pas pu mettre en place davantage de vitesse ». Et l’ancien joueur et entraîneur d’Auch qui a bien suivi Antoine Dupont, appuie :
« C’est un joueur qui a toujours répondu présent lors des grands événements. Peu importe la pression, qu’elle soit médiatique ou sportive. Il y a eu pourtant beaucoup d’attentes placées en son retour. En dépit de tout ce contexte là, dans le pays hôte, il a été présent. Lors des vingt dernières minutes contre les Springboks, on l’a vu s’employer, contre-rucker, essayer de contester des ballons avec une plaque posée à la mâchoire quinze jours plus tôt ! »
Pour l’ancien international français Thomas Lombard (12 sélections, 1 essai), ex-joueur du Stade Français, de Worcester, du Racing 92, et consultant pour TF1 pendant la Coupe du monde, « savoir si Antoine Dupont est le meilleur joueur du monde, on va avoir la réponse très vite. Le vote va très rapidement intervenir. Antoine doit faire partie des nominés. »
Antoine Dupont a eu moins d’influence
« Malheureusement, son influence sur la Coupe du monde a été un petit peu diminuée par sa blessure. Et ce, même s’il n’a pas manqué les matches les plus importants puisqu’il a disputé celui d’ouverture contre la Nouvelle-Zélande et son quart de finale. Sa capacité de rayonnement a été un petit peu empiétée par cette blessure. C’est dommage. Néanmoins avec tout ce qu’il a fait depuis des mois avec l’équipe de France et le Stade Toulousain, cela reste un achèvement colossal.
« Tout cela, avec ce statut de meilleur joueur du monde sur le dos, l’attente placée autour de lui, la pression qu’il a sur les épaules pour faire gagner des matches en raison de ses qualités et ce statut… Tout cela assemblé, malgré tout, il reste souvent celui par qui les choses arrivent. C’est un argument qui plaide en sa faveur pour dire qu’il est candidat à sa propre succession ». Voilà pourquoi, pour toutes ces raisons, le Ministre de l’Intérieur (son surnom) est extraordinaire et sort des normes. Et pour nous, Français, il est bien le meilleur joueur du monde quel que soit l’issue du vote.
