samedi 20 avril 2024

MHR : Saint-André, Altrad, Guirado, les hommes du Brennus

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Parce qu’il vient de loin, et qu’il a été si difficile à dérocher, ce premier Bouclier de Brennus offre à Montpellier ce supplément d’âme après lequel le club héraultais courrait depuis si longtemps. D’un maintien arraché en 2021 à une finale maîtrisée en 2022, dans les pas de Philippe Saint-André, retour sur une double résurrection.

Il y a dix-sept mois, quand Philippe Saint-André revient aux affaires sur le banc, pour succéder à Xavier Garbajosa, Montpellier est aux portes de la relégation. Avant-dernier du Top 14, c’est tout un système qui est remis en cause, celui du puissant et controversé Mohed Altrad. Arrivé en 2011, le milliardaire français se désespérait de recueillir les fruits de ses importants investissements.

Après avoir essayé plusieurs méthodes, française (Fabien Galthié et Xavier Garbajosa), sud-africaine (Jake White) ou néo-zélandaise (Vern Cotter), c’est en faisant confiance à Philippe Saint-André qu’il a décroché le pompon.

Quelque part au moment où on l’attendait le moins. Très marqué par son échec avec les Bleus, le premier sélectionneur à ne jamais avoir remporté le Tournoi, ni même figuré sur le podium, avec ce quart de finale de la Coupe du Monde 2015 cauchemardesque, ces 62 points pris face aux Blacks à Cardiff comme fardeaux à trimballer, PSA n’entrait pas forcément dans le registre des entraîneurs à la mode, charismatiques et médiatiques, susceptibles de générer la dynamique recherchée.

PSA, un renouveau après l’échec en Bleus

Les circonstances d’un début de saison manqué l’ont amené à revenir sur le terrain quand bien même il s’était promis de ne jamais plus remettre le survêtement.

Et les cinq premiers matches de l’après Garbajosa, pour autant de défaites, ne présageaient rien de bon… sinon à considérer, ce qu’il a fait avec intelligence et lucidité, que parfois, souvent, les enseignements les plus importants se nichent plus subtilement dans les défaites que dans les victoires. C’est alors que la roue a enfin tourné du bon côté à la faveur de 10 succès d’affilée, d’une 10ème place en championnat et d’une

épopée toujours bonne à prendre en Challenge Européen, le deuxième trophée (après 2016) de l’ère Altrad. Et plutôt que d’appeler un nouveau technicien (Azéma et Mignoni avaient été contactés dans ce sens), la bonne inspiration du président confirmait le staff autour de Jean-Baptiste Ellisalde, Olivier Azam ainsi qu’Alexandre Ruiz, l’ancien arbitre, pour la discipline, les attitudes au contact et les zones de rucks, Bruce Reihana pour le travail par atelier et les joueurs hors groupe, enfin Benjamin Delmoral comme directeur de la performance.

Guirado « Nous leur avons donné tort… »

Ainsi conforté dans ses prérogatives, PSA n’avait plus qu’à faire ce qu’il avait déjà réussi à Toulon, Bourgoin, Sale ou à Gloucester, mais que ses quatre années à la tête du XV de France avaient trop vite enterré ; constituer un vrai collectif en s’appuyant sur des leaders, en l’occurrence Guirado et Ouedraogo, et bien intégrer les nouveaux venus, Mercer (qui fut énorme en phase finale et que PSA est allé chercher à Bath après que Broncan l’ait refusé… à Toulouse !), Garbisi (d’abord recruté comme espoir) et Doumeyrou (de retour au club), pour autant de plus-values apportées à un groupe qui s’est vite promis de ne plus flirter avec le précipice.

« Fulgence (Ouedraogo) et Guilhem (Guirado) savaient qu’il s’agissait de leur dernière saison, confirme PSA, et ils ne voulaient surtout pas revivre la saison dernière; Surtout, ils voulaient sortir par la grande porte. Ils ont tout fait pour ça et participé à la grande cohésion d’un groupe très sain. »

Après les années cosmopolites, qui donnaient au MHR des airs d’auberge espagnole, version sud-africaine, la volonté de franciser l’effectif allait aussi simplifier les relations, et offrir une équipe compétitive pendant les doublons, un XV capable de rester au sommet du Top 14 pendant toute la saison, à l’affût d’une opportunité.

La défaite de l’UBB à Perpignan lors de la dernière journée lui permettait l’économie d’un match de barrage pour entrer directement en demi-finale, se défaire d’un UBB plus entamé physiquement, et ne pas lâcher l’affaire en finale face à Castres après dix premières minutes de folie.

Le MHR restait sur deux défaites en finale

Double finaliste malheureux en 2011 (face à Toulouse 10-15), puis en 2018 (face à Castres 13-29), le destin du MHR épousait celui de PSA, lui aussi deux fois finaliste (en 1994 avec Clermont face à Toulouse comme joueur, en 2010 avec Toulon face à Clermont comme entraîneur). La troisième fut la bonne. Placé sous le signe de la revanche, ce premier Bouclier de Brennus montpelliérain en appelle forcément d’autres.

En attendant, il positionne enfin le MHR dans la grande histoire du championnat de France, ce qui, eu égard à l’engagement de Mohed Altrad depuis une décennie, n’est que justice. « Nous sommes en train d’écrire notre histoire » déclarait le président à la fin du match au milieu du chaos indescriptible qui avait transformé le vestiaire en piste de glisse. Longtemps mal aimé du rugby français, en raison d’un style de jeu porté par des principes peu glamour, le MHR pouvait savourer cette issue si peu prévisible et si peu diagnostiquée par tous les commentateurs et autres spécialistes.

« Nous leur avons donné tort, clamait Guirado au moment de présenter le Bouclier à ses supporteurs, place de la Comédie. Parce que marquer trois essais en dix minutes en finale » ce n’était jamais arrivée depuis les années 30.

L’histoire retiendra surtout que c’est en se délestant de ses habits d’équipe de stars, en combattant rageusement sa réputation de « caprice de milliardaire », en faisant bloc autour des valeurs d’humilité et de solidarité, notamment pour compenser les blessures de Paul Willemse et de Cobus Reinach, que d’aucuns pensaient rédhibitoires, que le MHR s’est réinventée. Une forme de résilience, symbolisée par le parcours de Saint-André, a accompagné la saison où le recrutement avait été le plus réduit depuis très longtemps. Dans l’Hérault, c’est ainsi que se sont fabriqués les Héros.

Tom Boissy

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