Cousin de Marc, Olivier Lièvremont est le nouveau DTN de la FFR. Il a été entraîneur adjoint de l’équipe de France Féminine, de 2017 à 2019. Il était dernièrement en poste à la direction technique des ligues paca et corse après avoir été conseiller rugby territorial de Franche-Comté, puis du Poitou-Charentes.
Par rapport à votre parcours, ce poste de DTN c’est un peu la consécration, non ?
Disons que c’est une forme d’accomplissement. J’y vais avec beaucoup de conviction pour faire avancer le rugby français. Mon parcours me permet d’accéder à ce poste bien que ce ne soit pas ce que j’avais envisagé dans ma carrière. Je connais le rugby de village, mais le rugby professionnel aussi. Et ça donne une vision du rugby avec un prisme très large jusqu’aux équipes de France.
Didier Rétière est parti pour Clermont comme directeur du projet sportif. N’avez-vous jamais eu envie de tenter une expérience de club au plus haut niveau ?
J’ai entraîné des clubs en amateur. J’ai trouvé du sens dans ce métier de conseiller technique. Et aujourd’hui comme je suis aligné avec un métier qui me donne du sens, je ne me vois pas aller dans une autre direction. Après, il y a quatre mois je ne me voyais pas là… Donc, je ne vais pas vous dire que je ne serai jamais entraîneur.
Olivier Lièvremont dans un rôle de conseil aux clubs
Vous n’avez pas évolué en tant que joueur ou entraîneur dans le Top 14. N’est-ce pas un désavantage ?
J’ai eu l’occasion de beaucoup côtoyer les clubs pros dans un rôle de conseil, dans l’accompagnement et la structuration. C’est un milieu que je connais un peu. Et puis également dans l’accompagnement des entraîneurs, dans leurs formations, sur les diplômes d’état.
Et quand on est formateur, on est amené à vivre en immersion pendant un an et finalement en voir beaucoup au fur et à mesure des années. Près de 15 ans que je suis tuteur d’entraîneurs de clubs pros et on vit beaucoup de saisons différentes au travers de ces formations. Donc les contraintes, l’exigence, le stress, la difficulté, la pression et plus large que ça un contexte particulier lié au rugby professionnel nous font bien vivre la réalité des choses.
Il y a un nouveau rôle, conseiller technique des clubs, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
C’était un immense projet mis en place par Bernard Laporte à son arrivée à la tête de la Fédération pour mettre en place une professionnalisation, mais ciblée sur un projet central qui est d’accompagner le club. Pour nous, le sujet phare de la Fédération est de créer le club du 21ème siècle.
Pour ça, il faut que la Fédération soit capable de mettre à proximité des clubs des conseillers techniques et des professionnels en mesure de décliner une politique sportive nationale, mais au plus proche des territoires. La plus proche entité territoriale est le club. Il fallait mettre en place une organisation qui permette de décliner cette politique sportive au niveau fédéral, au niveau des ligues, des clubs et des comités départementaux.
Les conseillers techniques de clubs sont comme des directeurs sportifs d’un bassin de club. Ils sont là pour aider, conseiller à la structuration, accompagner l’information, la mettre en place. Aussi là pour réfléchir un peu plus loin qu’au rugby. Par exemple créer du bénévolat, mettre en place des fonctionnements pour ne fidéliser pas que les joueurs et les joueuses, mais aussi les bénévoles, les éducateurs, etc. C’est une vision bien plus large que le terrain.
La FFR en soutien des clubs pour préparer la Coupe du Monde
Quid de la relation entre la Fédération et les clubs de Top 14 ?
On a réussi ce défi-là par un autre biais qui a été d’arrêter de dire qu’il y avait les clubs d’un côté et la Fédération de l’autre, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Il n’y a par exemple aucun sens que les joueurs du pôle France continuent de rester à Marcoussis en permanence et finalement n’accèdent pas aux équipes premières des clubs dans lesquels ils sont. Il est indispensable de mettre un pôle France décentralisé, dématérialisé en travaillant avec les clubs, les préparateurs physiques de clubs. Avant, c’était plus Fédération contre clubs et maintenant Fédération avec clubs. Il faut continuer.
Ça n’empêche pas les clubs de Top 14 de se plaindre de ne pas avoir leurs internationaux…
Après, ce sont des questions de calendrier, d’économie mondiale et de politique sportive mondiale, mais ce n’est pas une fatalité. Ce sont des contraintes sur lesquelles la France peut agir, car c’est une nation forte. Et donc elle doit peser dans les débats, mais c’est aussi une contrainte car on ne peut pas changer les règles internationales tous les jours.
« Créer le club du 21ème siècle »
L’équipe de France a fait le Grand Chelem, les clubs français ont gagné les deux Coupes d’Europe ces deux dernières saisons. Le rugby français est-il aujourd’hui une référence, un modèle ?
On n’est pas encore numéro 1 mondial, mais c’est notre ambition. Notre formation est de qualité, il faut continuer et mettre en place une dynamique positive autour de l’équipe de France et de construire dans la victoire. Le mieux est l’ennemi du bien. L’objectif n’est pas forcément de faire mieux, mais de continuer à faire bien et faire en sorte que ce système performe sur le long terme.
Vous avez un nom célèbre. Cela rajoute-t-il un peu de pression ?
J’ai déjà été mis en avant médiatiquement avec d’autres postes et c’est quelque chose qui ne m’a jamais impacté. Je n’y pense pas trop en fait. Je sais d’où je viens, ce que j’ai fait, qui je suis, c’est ça le plus important.
Que vous a dit Marc quand vous avez été nommé ?
Il était fier. L’histoire est un peu folle quand même. C’est rigolo de se trouver là. C’est mon parrain aussi. Depuis que je suis tout petit, on a partagé des moments forts. Donc forcément, il y a de la fierté, mais retenue, il n’y a pas eu de sabrage de champagne et on ne s’est pas sautés dans les bras non plus. Il m’a encouragé.
Olivier Lièvremont veut surfer sur le succès du XV de France
Quel sera votre cheval de bataille pour votre mission s’il y a vraiment quelque chose qui vous tient à cœur ?
On a déjà parlé de cette espèce de dynamique à maintenir, cette performance complète, sociale, éducative et de l’équipe de France. Pour moi, c’est vraiment cette union-là qu’il faut réussir. Du rugby dans son ensemble, faire profiter les résultats actuels pour le reste du rugby français, mais continuer à travailler avec le reste du rugby français pour, qu’à un moment, les équipes de France performent, que les gens se sentent bien à l’intérieur de cette Fédération et c’est ça l’enjeu.
Après, il faut s’occuper des jeunes, évidement les catégories 14-19 ans, ça c’est un élément qui est très important. Il y a la féminisation dans le rugby à développer, les licenciés ne font qu’augmenter, mais peut-être pas assez vite encore.
On a l’impression que le baromètre ce sont les résultats des Bleus.
En fait, l’un nourrit l’autre. On ne peut pas agir sur l’équipe de France sans agir sur le reste et on ne peut pas agir sur le reste sans agir sur l’équipe de France et l’un influence l’autre. L’équipe de France est la face visible de l’iceberg et en fait c’est la puissance communicative, commerciale de la Fédération. Les résultats sont une conséquence de tout ça.
Les autres nations copient la France
Des nations viennent-elles en France pour percer les secrets du rugby français ?
Avant, on copiait beaucoup sur les autres. Maintenant, les autres nations se posent des questions sur la France. Les étrangers, il y a 10 ans, disaient : « La France, c’est un géant qui dort, il ne faut surtout pas le réveiller ». Il me semble que le géant a un peu été réveillé là. Et maintenant ils demandent ce qui a réveillé le géant et, ils viennent un peu nous voir, demander ce qu’il s’est passé, comment on travaille.
La stratégie qui a été la nôtre ces dernières années, c’est d’avoir créé un observatoire du jeu, un pôle recherche et innovation. Avoir un coup d’avance aussi et se projeter plus loin que ce qu’il se passe aujourd’hui.
Est-ce une vraie stratégie ou alors la rencontre d’une génération exceptionnelle avec Antoine Dupont et l’arrivée d’un nouveau sélectionneur Fabien Galthié ?
Moi, je l’ai vécu cette sélection, car j’étais à l’époque entraîneur de l’équipe de France -16. J’ai vu l’évolution de la Fédération. Donc je sais que ce n’est pas le fruit du hasard. Cependant, pour construire des générations comme celle-là, il faut des temps longs. Souvent je dis 8 ans même si ce n’est pas loin d’être 10 ans et donc c’est pour ça qu’aujourd’hui en fait le DTN ou les personnes dirigeantes qui travaillent à la Fédération ne récoltent jamais les fruits de la politique qu’ils mettent en place.