C’est l’une des figures de l’athlétisme français. A 32 ans, Kévin Mayer a démarré une course contre la montre pour être présent à Paris et transformer en or ses deux médailles d’argent de Rio et Tokyo. A condition de réussir les minimas…
Au moment de lire ces lignes, Kévin Mayer n’aura pas encore son ticket pour Paris 2024 en mains. Une situation presque irréelle pour le recordman du monde de décathlon (9126 points) qui doit encore accrocher les minimas olympiques (8460 points). Le décathlon est toute sa vie et nul ne doute que son absence pèserait sur l’athlétisme tricolore qui ne vit pas la meilleure des ses périodes.
Avec une seule médaille lors des Mondiaux 2023, la France s’inquiète de savoir si ses meilleurs athlètes seront bien présents au Stade de France pour tutoyer les étoiles. A Budapest, Kévin Mayer avait bien tenté de se qualifier pour les JO, mais le double champion du monde avait dû abandonner et ne pas terminer son décathlon. Le contraignant à courir après le temps maintenant.
« Il sait ce qu’il a à faire, affirme le décathlonien Jérémy Lelièvre. En faisant ce qu’il sait faire, il arrivera à se qualifier pour les Jeux Olympiques. C’est une étape intermédiaire. Si tout se passe bien, il va se qualifier sans soucis. C’est sa passion. Il a son objectif en tête. Le reste est secondaire. Il n’a pas pu valider de décathlon en 2023. Kévin Mayer pensait faire une première tentative en décembre, mais il n’était pas prêt. Il a préféré se préserver pour mieux réussir. »
Ancien champion d’Europe en 1990 et ancien recordman de France (de 1987 à 2016), Christian Plaziat ne comprend pas comment Kévin Mayer est arrivé à une telle situation.
« Il a jusqu’à maintenant un parcours plutôt flatteur en termes de résultats avec deux titres mondiaux, vice-champion olympique, recordman du monde… Il n’y a pas grandchose à dire, c’est pas mal (sic). Maintenant, depuis un certain temps, fait-il les bons choix ? Je ne suis pas sûr. Il s’est coupé d’un univers pour repartir aujourd’hui à l’aventure. Kévin n’est toujours pas sélectionné. »
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« Il n’a pas à avoir de pression. Il a déjà tout prouvé »
Retraité des stades depuis 25 ans, Christian Plaziat reconnaît l’importance de vivre une compétition à la maison. « Les Jeux Olympiques sont une récompense pour toute une carrière. C’est hors norme. Pour avoir fait des compétitions sur Paris, quand j’ai été champion d’Europe, c’est un plus pour tous les athlètes français. »
Mais pour lui Mayer n’a pas mis tous les atouts de son côté pour s’éviter un tel casse-tête à quelques mois du début des Jeux de Paris. « Il a fait un certain nombre d’erreurs dans sa manière d’aborder les différentes épreuves en ne faisant qu’un ou pas de décathlon sur une saison. C’est un peu la loterie car il a eu des résultats extraordinaires. On est souvent déçu car il y a souvent blessure. Il y a toujours un problème. Prépare-t-il bien la compétition ? S’il passe son temps à se soigner, il n’avance pas. »
« On souhaite tous le voir aux JO. On n’a pas beaucoup de candidats naturels à une médaille d’or. Nous avons envie de le soutenir et qu’il fasse ce qui sait faire. Je suis surtout inquiet pour lui. On est obligé d’attendre. Je suis déçu qu’il ne profite pas pleinement de la préparation de l’évènement. Pourquoi aller aux Etats-Unis pour faire son décathlon, il ne pouvait pas le faire en France ? Ça fait plus de quatre ans qu’on sait que ce sera un rendez-vous immanquable. Je pense qu’il avait la capacité de faire les minimas avant. Je suis inquiet. »
Kévin Mayer face à son plus grand défi pour Paris 2024
La concurrence avance et continue de se préparer pour être présente le Jour J. Ils sont, en effet, quelques-uns à pouvoir prétendre aux médailles comme le dernier champion du monde canadien, Pierce LePage, son compatriote et champion olympique de Tokyo, Damian Warner, le champion d’Europe allemand, Niklas Kaul sans oublier les outsiders comme Lindon Victor (Grande-Bretagne), Karel Tilga (Estonie) et Leo Neugebauer (Allemagne), 9ème performeur de l’histoire. Ils ne feront aucun cadeau à Kévin Mayer. Mais Jérémy Lelièvre veut croire dans la force de son compatriote pour se relever.
« La douleur fait partie du décathlon. Kévin connaît bien son corps. Il sait ce qui est bien ou pas pour lui. Quand on est recordman du monde, il n’a pas à avoir de pression. Il a déjà tout prouvé. Il n’accorde pas d’importance aux critiques. Même si certains le font passer pour une chochotte. C’est secondaire pour lui. C’est une discipline où il faut être à 100 % à chaque fois. La moindre gêne peut entraver le décathlon. »
« Il connaît son corps par cœur. Il fait de la recherche pour optimiser son décathlon. Mais j’avoue qu’en tant que kiné, je me suis trop écouté parfois. Quand on a moins de connaissance, on est plus dans l’insouciance et on arrive plus à se libérer. Le Jour J, il faut savoir profiter du moment et se laisser vivre. Il faut tout mettre en place sans se préoccuper de la moindre gêne. »
En espérant que Kévin Mayer soit au départ du 100 mètres du décathlon, le vendredi 2 août. Toute la France en rêve. Autant que lui.
Le saviez-vous ?
En 2018, les 15 et 16 septembre, Kevin Mayer bat le record du monde du décathlon avec 9126 points à Talence lors du Décastar. Un record qui était auparavant la propriété de l’Américain Ashton Eaton depuis le 23 juin 2012 et qu’il avait amélioré à Pékin, lors des championnats du monde 2015. La preuve de sa capacité à rebondir car, un mois auparavant, il avait abandonné son décathlon des championnats d’Europe de Berlin, après avoir mordu ses trois essais à la longueur.