En 2013, le coach mythique de Nanterre depuis 1987 ! conduisait son équipe vers le sacre de champion de France. Tout en revenant sur ce titre historique, il évoque aussi la fin de saison et sa prochaine succession après les Jeux de Paris. Entretien réalisé pour France Basket et Le Quotidien du Sport.
Que reste-t-il du titre de champion de France décroché il y a dix ans avec Nanterre ?
C’est un titre avec une histoire peu banale. On disposait de l’avant-dernier budget. On a finalement réussi à être champions de France. Ce titre est à jamais gravé dans la mémoire de ceux qui y ont participé. Le staff, les joueurs… on est liés à tout jamais.
Surtout quand on sait que deux ans plus tôt le club était champion de Pro B !
Absolument. Cela fait partie des titres les plus surprenants de l’histoire du basket français. Personne ne nous attendait à ce niveau-là.
Quelle était la grande force de Nanterre ?
C’était justement de privilégier le collectif. Sans se fixer de limites. Ce groupe était ambitieux. On avait aussi été en finale de Coupe de France. Une osmose s’était créée. Il existait une complémentarité sur le terrain, mais aussi au niveau des caractères. On avait à la fois des joueurs très expressifs et taiseux. Il y avait une bonne alchimie.
Cela a été une force. On misait sur deux meneurs de jeu avec beaucoup de sang-froid en l’occurrence Meacham et Warren. On avait aussi des joueurs au parcours compliqué, animés par une faim incroyable comme Nzeulie, pas prévus pour jouer le titre. A côté, il y avait Stephen Brun, Jo-Passave à la personnalité extravertie. Ils donnaient de la bonne humeur et de l’enthousiasme à l’équipe.
Pourquoi, dix ans après, Nanterre a autant de mal cette saison ?
Déjà on a subi une cascade de blessures hallucinante. Depuis que je coache, je n’ai jamais vu cela. Avec des joueurs majeurs qui plus est ! Fin décembre, on a déploré quatre fractures de la main du cinq majeur, avec Bastien Pinault le capitaine, Halilovic parti sur les chapeaux de roues, Bibbins notre meneur et Rion Brown.
Sans oublier la grosse blessure (entorse de la cheville, Ndlr) de Hans Vanwijn. En perdant des éléments importants, cela a cassé la dynamique. On a douté. Ce n’est jamais facile de recruter des joueurs en cours de saison car les bons se trouvent dans des clubs. Paradoxalement, on s’en est pas mal sortis avec les pigistes. Malgré tout, les habitudes du collectif en prennent un coup.
« On s’est organisé de sorte que le club puisse faire sans moi »
Etes-vous inquiet ?
Je reste quand même serein car on a un groupe qui a continué d’être ensemble. Derrière, il y a notre public, nos dirigeants qui nous soutiennent en dépit d’une saison difficile. Il n’y a donc pas de pression négative autour de l’équipe. A nous de faire le travail, de ne pas paniquer pour se maintenir. C’est la priorité. Je n’imagine même pas une descente. Quand elle survient, il faut repartir sur un nouveau cycle et un nouveau coach pour apporter fraîcheur et dynamisme. Si on descendait, je laisserais ma place en tant que coach.
Vous avez décidé d’arrêter votre carrière de coach après 2024. Quand avez-vous pris cette décision ?
Elle est mûrie. Finir sur cette échéance des JO à Paris dans son pays, il n’y a rien de plus beau. C’est un beau clin d’œil par rapport à mon parcours. Je suis parti du plus bas niveau départemental. Après, c’est un métier usant. Il ne faut pas faire les saisons de trop en étant aigri. J’aurai 60 ans. Tout est réuni pour que ce soit le bon moment d’arrêter.
Allez-vous devenir général manager ou directeur technique à Nanterre ?
On échange là-dessus. Si on peut étoffer le staff autour du sportif et mettre encore un peu plus de structure, ce pourrait être une bonne chose. Directeur sportif est un secteur qui peut m’intéresser. C’est un manque au club. Bien que je remplisse déjà ce genre de mission en plus de mon travail de coach. Cependant, parfois, c’est un peu pesant et fatigant. On n’a pas de GM et de directeur sportif. La création de ce genre de poste me paraît essentielle si on veut continuer de se développer. J’ai été un peu l’homme à tout faire. Mais là-aussi cela présente ses limites. C’est de plus en plus complexe. J’ai aussi envie d’épauler le futur coach.
Qui devrait être votre adjoint Philippe Da Silva…
Depuis qu’il est arrivé (en 2018, Ndlr), on a travaillé pour. C’est l’idée de départ et le projet pour préparer ma succession. Il a un gros volume de travail de par son CV de joueur.
Que changeriez-vous dans votre carrière ?
J’ai été un grand privilégié par rapport à tout ce que j’ai vécu. On a quasiment tout gagné. Pour boucler la boucle, on aurait pu accrocher peut-être une petite Leaders Cup (Nanterre a été battu par Le Mans en finale en 2014, Ndlr). J’entame aussi ma 6ème année avec l’équipe de France. On a eu trois médailles lors des trois compétitions (l’argent aux JO de 2020 et à l’Euro 2022, le bronze à la Coupe du Monde 2019, Ndlr). Alors peutêtre un titre avec les Bleus…
Le titre olympique devient forcément votre défi majeur.
Même champion du monde je prendrai (sourire). Je n’aurais jamais imaginé être dans le staff de l’équipe de France avec les résultats qu’on a eus. Ma trajectoire est hors-norme. J’ai eu beaucoup de chance. On m’a souvent comparé à Guy Roux. Sauf que nous, on est partis du plus bas niveau départemental. Mais j’ai pu compter sur beaucoup de personnes. Ce n’est pas la réussite d’un seul homme.
Nanterre pourra-t-il survivre à votre départ ?
Oui. Je ne suis pas inquiet. Personne n’est irremplaçable. On s’est organisé de sorte que le club puisse faire sans moi. Si je peux aider à ma succession, ce sera la meilleure solution.