vendredi 29 mars 2024

Philippe Tayeb (Bayonne) : « La Rochelle, un bon exemple à suivre »

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De retour en top 14, Bayonne nourrit de grandes ambitions. Avec une troisième promotion en sept ans et de nouvelles installations, l’enjeu sera celui du maintien. Philippe Tayeb, le président du club, œuvre pour un retour dans l’élite sans compromettre les valeurs de l’aviron.

L’Aviron Bayonnais retrouve le Top 14 avec quelles ambitions ?

Nos ambitions, c’est d’abord d’arriver avec beaucoup d’humilité dans cette nouvelle division. L’objectif est clair : le maintien du club dans l’élite du rugby français.

Depuis 2004, le club a presque toujours été en première division, mais il fait l’ascenseur depuis 2015. Pensez-vous être sorti de cette spirale ?

Nous étions en retard sur les exigences du Top 14, en termes d’infrastructures et de budget. Cette année, nous avons construit un budget qui figure peut-être dans les 10 ou 12 de la division. La seule chose, c’est que rien de ce que nous avons construit ne peut nous donner la certitude de nous maintenir. Quand vous apprenez le 6 juin que vous montez, le marché des transferts est déjà bien entamé, presque fini. Le timing ne laisse pas beaucoup d’opportunités de recrutement, ce qui est regrettable. Pour que les clubs qui montent trouvent de la stabilité et qu’ils aient la possibilité de se maintenir, cela passera par une montée directe qui permettrait de préparer la saison en amont. Cette année, Biarritz redescend, Perpignan joue un access match de barrage… ce sont des exemples concrets.

Les trois derniers du classement (Brive, Perpignan et Biarritz) étaient aussi les trois plus petits budgets. Comment pensez-vous faire évoluer le budget à moyen terme ?

Nous avons créé de nouvelles ressources avec de nouvelles hospitalités. Nos partenaires ont augmenté leur engagement pour aider le club à se maintenir. Nous avons aussi récupéré plusieurs partenaires majeurs, ce qui nous permet de construire un budget à 21,5 millions d’euros. Je crois que nous sommes au niveau de Perpignan et au-dessus de Brive. C’est une grosse croissance par rapport aux 15 millions de l’année dernière. Mais grâce à notre stade, nous avons créé une économie. Un club, c’est d’abord une entreprise. Ce sont des salariés, des activités diverses.

On travaille en parallèle sur le développement de nos espaces avec des locations de salle, un festival qui aura lieu fin juin 2023. Tout cela nous permet de construire un budget croissant. Nous avons présenté le plan stratégique du club jusqu’à 2025, l’objectif est d’arriver à 23 ou 24 millions. Ce sera le maximum du club, sans prendre de gros risques avec un partenaire qui pèse lourd sur le budget. C’est une fierté et une volonté de ne pas dépendre d’un gros actionnaire ou d’un partenaire fort qui, le jour où il s’en va, peut déséquilibrer totalement le budget et le club.

L’Aviron Bayonnais regarde du côté de La Rochelle

Castres a décroché la 1ère place avec le 10ème budget du championnat. En avez-vous tiré des enseignements ?

C’est surtout la masse salariale qui compte. Le salary cap va passer cette année à 10,7 millions d’euros. C’est la référence pour notre équipe. Notre plan nous emporterait entre 8 et 8,5 ou 9,5 millions au niveau du salary cap. Notre plan de vol devrait nous amener vers 9-9,5 dans les années à venir sachant que le salary cap sera de 10 millions à partir de la saison 2024-2025. Nous serions tout proches de la majorité du Top 14, car une dizaine d’équipes sur 14 sont au salary cap. Je cite souvent La Rochelle, d’abord parce que je suis très proche de Vincent Merling.

Ensuite, parce que leur économie devrait tous nous inspirer. Elle est construite par des hospitalités, des partenaires, des institutions, des supporteurs et des abonnés. C’est le modèle que nous avons déjà à l’Aviron, à notre modeste niveau. Au moment où je vous parle, nous avons 7500 abonnés dont 1800 places de partenaires. La Rochelle, c’est 13 000, c’est énorme, mais on y travaille. Ils ont aussi fait quelques fois l’allerretour en Pro D2, mais ils ont réussi à stabiliser le club en Top 14 grâce à leur gouvernance, à leur stade et à leurs infrastructures et à devenir champions d’Europe. C’est un bel exemple, avec une économie qui n’est pas dépendante d’un gros partenaire.

Cet été, il y a eu de gros travaux au stade Jean-Dauger. Pourquoi avoir fait de tels changements ?

C’était nécessaire pour le club. Les premiers travaux ont démarré en juin 2020, avec la disparition de la piste d’athlétisme et le rapprochement du terrain vers les tribunes. Nous avons fait un musée et une brasserie au rez-de-chaussée, des espaces que l’on peut louer, la pelouse hybride, les éclairages et la tribune. La deuxième partie, c’est la tribune Europcar. Elle abritera notamment la partie technique : vestiaire, salle de presse et le médical et les nouvelles hospitalités (450 places). C’est le projet AB ETXEA, avec l’AB Stadium et l’AB Campus, notre centre d’entraînement et de formation.

Yannik Bru a fait remonter le club et avait le soutien des joueurs. Qu’est-ce que Grégory Patat, qui vient le remplacer, pourra apporter ?

Yannick nous a annoncé au mois d’octobre qu’il préférait arrêter l’aventure. Il a évoqué des raisons qui lui appartiennent. Aujourd’hui, nous devons passer à autre chose. Le plus important, ce ne sont pas les hommes, c’est le club et l’institution. Nous ne sommes que de passage. Grégory est un manager qui a prouvé qu’il avait la dimension pour reprendre une équipe. Il l’a notamment prouvé à Auch et à Perpignan. Il a une grande expérience et cochait beaucoup de cases. Beaucoup de ses valeurs sont celles du Pays Basque, il correspond à l’état d’esprit de notre club et au côté populaire de l’Aviron.

Bayonne de retour avec ses valeurs

Justement, quelles valeurs essayez-vous de préserver à Bayonne ?

Les valeurs sont d’abord celles qui caractérisent le Pays basque. Beaucoup d’humilité, beaucoup de discrétion. Même si je ne suis pas basque, j’ai appris certains codes. C’est l’ADN du Pays Basque et celle du club, c’est important. Nos valeurs, c’est aussi le travail. Nous n’avons pas les moyens des gros clubs, mais on se doit de travailler. On se doit aussi d’être fier à chaque fois que l’on porte ce maillot emblématique qui représente vraiment la région. Nous axons beaucoup notre projet sur la formation.

J’ai aussi dit que nous tenterions d’aller chercher nos talents qui sont partis. Il y a six ou sept joueurs qui font le bonheur de clubs français. Nous n’avions pas les moyens de les faire revenir pour des raisons structurelles et financières. Nous allons essayer de faire venir ces joueurs-là, qui sont souvent au Pays Basque avec leurs familles, en week-end ou en vacances. Ça prouve qu’ils sont quand même attachés à cette terre.

Avez-vous des noms en tête ?

Bien sûr, il y a Anthony Etrillard, Charles Ollivon, Arthur Iturria, Martin Laveau, Aymeric Luc, Baptiste Chozenoux, Guillaume Ducat, Max Spring… C’est à nous de dire : « Voilà l’Aviron, nous sommes prêts et nous nous positionnons pour autre chose que le maintien ». Alors, peut-être que ces garçons reviendront chez nous d’eux-mêmes, et on le souhaite. Tous sont attachés à la région. Mais le club ne pouvait pas répondre à leurs attentes. Ça, je le comprends.

Que vous inspirent les arrivées de Maxime Machenaud et de Camille Lopez ?

Ils ont été les premiers à signer. C’est peut-être les seules signatures que j’ai faites, puisque Grégory Patat n’avait pas encore été nommé. Ils ont montré une vraie volonté de venir chez nous, car Maxime pouvait rester au Racing. Il avait d’autres opportunités en Top 14, avec des clubs plus aguerris. Camille avait encore un an de contrat à Clermont. Ils auraient pu choisir de rester dans leurs clubs, avec des salaires beaucoup plus importants, mais ils ont préféré tenter l’aventure avec nous et je les félicite pour cette démarche. Ils ont vraiment prouvé leur envie de porter les couleurs de l’Aviron.

« On va essayer de faire revenir des joueurs emblématiques »

Le dernier titre de champion de l’Aviron remonte à 1943. Cela fera 80 ans cette saison. Est-ce envisageable de revoir Bayonne champion à moyen terme ?

Ce serait prématuré et prétentieux de le dire aujourd’hui. Bien entendu, on vise le plus haut. On a déjà été titré deux fois en trois ans en Pro D2. Certains diront que c’est la deuxième division, mais chaque titre a son importance. Nous voulons surtout nous stabiliser, nous maintenir, et peut-être qu’un jour nous pourrons regarder plus haut. Nous sommes ambitieux, pas prétentieux.

Voir Biarritz en Pro D2 ça vous inspire quoi ? Le projet de fusion est-il enterré ?

J’ai toujours dit qu’il n’y aurait jamais de fusion pendant ma présidence. Je me suis déjà prononcé à ce sujet. Nous ne nous enrichissons pas du malheur des autres, ce n’est pas la mentalité de l’Aviron Bayonnais. Biarritz est un grand club, avec une histoire et beaucoup plus de titres que nous. Ça ne me poserait aucun problème que Biarritz soit en Top 14, ce serait au contraire bon pour la région.

Vous affronterez les Scarlets et les Wasps en Challenge Cup, allez-vous la jouer à fond ?

Aujourd’hui, nous n’avons pas d’autre choix que de jouer tous les matches à fond. On ne doit pas avoir de complexes par rapport à ce que nous sommes. Nous allons découvrir ce que nous sommes capables de faire. Grégory Patat, le staff sportif et les joueurs n’ont pas l’état d’esprit de lâcher des matches, il l’a dit.

Propos recueillis par Benjamin Moubeche

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