Avant le début des hostilités, nous avons interrogé différents consultants. Ils nous donnent leurs pronostics et nous font part de leur ressenti pour cette compétition ou quelques favoris se dégagent.
Christian Califano : « Sa performance face aux Blacks peut donner confiance à l’Australie »
« Depuis 2019, les Bleus sont extraordinaires, ils ont battu toutes les grosses équipes. Même s’il y a des blessés, le réservoir est énorme comme on a pu le voir avec les jeunes Bielle-Biarrey, Gailleton ou Boudehent qui sont entrés sans complexes. Attention à cette poule et notamment aux Blacks, ils reviennent bien au meilleur moment. »
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« La Namibie m’a fait forte impression à l’Africa Cup et je suis très méfiant par rapport à l’Italie. Elle est en pleine confiance et ses joueurs nous connaissent bien, ils sont en Top 14. Pour moi, quatre favoris se détachent, la France, la Nouvelle-Zélande, l’Irlande et l’Afrique du Sud. Les Ecossais m’ont surpris en préparation, mais le Mondial c’est différent, les tenants du titre sud-africains et les Irlandais me paraissent au-dessus. »
« Il faudra que le Pays de Galles soit vigilant dans sa poule et se réveille un peu, la Géorgie peut les surprendre tout comme les Australiens. Ces derniers se cherchent depuis un moment, mais ils ont tenu bon face aux Blacks (défaite 23-20), une performance qu’il ne faut pas négliger, qui devrait leur donner confiance. Jones a décidé de laisser le capitaine Michael Hooper à la maison, il part avec un contingent de jeunes joueurs qui peuvent surprendre. »
« Le Japon aussi va essayer de déjouer les pronostics tout comme les Fidji qui n’ont jamais peur de rien, qui osent et qui proposent un rugby incroyable. L’Argentine, ce ne sera pas une surprise car elle est très costaude et difficile à jouer. Pour l’Angleterre, en revanche, ça risque d’être une compétition compliquée. Ce sera certainement parmi les grosses équipes celle qui sera le plus en difficulté. »
72 sélections, 3ème de la Coupe du Monde 1995, finaliste en 1999, consultant TF1
Lenaïg Corson : « Les Fidji et le Japon, deux équipes intéressantes à suivre »
« Les Fidji ont un style de jeu spectaculaire, c’est une équipe surprenante, qui peut être l’une des belles surprises. Elle est composée de joueurs qui improvisent. Elle est difficile à jouer car c’est à l’instinct. C’est le genre d’équipe que l’on n’a pas l’habitude d’affronter. Ce qui peut les mettre en difficulté, c’est qu’ils jouent peu ensemble, ils peuvent manquer de rythme et de repères collectifs. »
« Ce sont aussi des joueurs qui peuvent être sanguins, qui peuvent manquer de sérénité et se mettre à la faute. L’autre équipe que j’ai hâte de voir, c’est le Japon. Ce n’est pas un pays très rugby à la base mais, à l’image de pays qui émergent à 7 comme la Russie, la Pologne, la Province d’Hong-Kong, le Japon se révèle, propose un jeu spectaculaire, les joueurs ont de la vista, une précision technique intéressante, ils sont agiles, il y a une belle connexion entre eux. »
Ils ne sont pas très grands et quand le niveau s’élève le défi physique est monstrueux et ils peuvent connaitre des difficultés. Ce n’est pas du niveau des grands favoris, mais le jeu est hyper intéressant à regarder. Deux grandes nations sont en difficulté, l’Angleterre et l’Australie. Le rugby anglais est en crise, le système économique du pays et du championnat est instable, cela rejaillit sur l’équipe nationale. »
« Pour l’Australie, Eddy Jones est arrivé en début d’année, mais il est difficile de tout révolutionner et d’avoir des résultats immédiats. La France a une pression monstrueuse sur les épaules, l’attente de tout un peuple, mais les joueurs dégagent une grosse confiance, ils sont matures, sûrs de leurs forces, ils restent focus sur euxmêmes, ce n’est pas évident car une compétition plus la préparation c’est très long. »
« On voit que l’équipe est très solidaire et ils ont tous envie de tout donner pour l’équipe, pour être champions du monde. Ils auront des moments difficiles, mais leur complicité sera très importante dans ces moments-là. On m’a toujours dit :
« Il faut toujours viser la lune, car en cas d’échec on atterrit toujours dans les étoiles », c’est ce qu’ils doivent se dire, avoir comme crédo. Ils ont des joueurs solides qui ont l’expérience du très haut niveau à l’image d’un Du-pont, Ramos, Alldritt, Marchand, Fickou, j’aime beaucoup aussi l’activité de Flament qui, en 2ème ligne est actif, dynamique, vif balle en main pas seulement efficace dans les rucks là où on attend en priorité ce genre de joueur. Bien plus que des individualités, c’est le collectif français qui est à mettre en avant. Il ne faut pas oublier les autres favoris que sont les Blacks, les Irlandais ou les Sud-Africains »
35 sélections, consultante M6
Marjorie Mayans : « L’Irlande est vieillissante »
« Elle a cherché son jeu ces derniers mois, mais l’Australie est l’équipe dont il faut se méfier. La Nouvelle-Zélande a, bien sûr, montré sa forme dans le Rugby Championship. Elle ressemble beaucoup aux Bleus avec un gros réservoir de joueurs, elle est très propre dans son jeu au contact, elle possède des impact players de talent. »
« Le jeu néo-zélandais est plus rapide que le jeu irlandais, les joueurs sont capables de casser les duels, je trouve l’effectif irlandais vieillissant. Les Français ont l’habitude de gérer la pression, de gagner, ils ont été champions du monde U20, ils jouent en Top 14, la majorité évolue à Toulouse et à La Rochelle, la pression des gros matches ils connaissent. Les Ecossais présentent une belle équipe, solide à l’inverse des Gallois ou des Anglais qui connaissent des difficultés sur le terrain et au niveau des instances aussi. »
« Leur dynamique n’est pas positive. Les Fidji et les Tonga vont jouer leur rugby total avec beaucoup d’éléments du Top 14 qui possèdent des qualités incroyables. J’aime beaucoup notamment Tuisova qui est vraiment incroyable. Ces sélections souffrent d’un manque de structuration, d’argent, mais elles sortent toujours des joueurs incroyables et des matches spectaculaires en Coupe du monde. »
53 sélections, consultant TF1
Yannick Nyanga : « Il faut faire attention à l’Ecosse »
« Il faut faire attention à l’Ecosse. Elle n’est jamais citée dans les favoris, mais c’est la 5ème nation mondiale et 3ème du dernier Tournoi. Son 15 de départ peut embêter beaucoup d’équipes, mais son problème c’est qu’elle manque de profondeur de banc. Elle va être menée par un excellent Finn Russell qui fait régulièrement des grosses prestations dans les grands matches, c’est pour ça qu’il est l’un des meilleurs ouvreurs du monde. »
« Il a pris de la maturité. Les Tonga sont aussi expérimentés avec des anciens Blacks ou Australiens comme Folau par exemple. Mais l’expérience collective pourrait leur faire défaut. La France, l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande sont au-dessus. Les Irlandais n’ont pas une poule facile et ils dépendent beaucoup de Sexton alors que la Nouvelle-Zélande, par exemple, possède juste en 10 Richie Mo’unga, Damian McKenzie et Beauden Barrett. S’ils se qualifient, ils peuvent tomber sur la France en quarts, c’est un parcours compliqué. »
« C’est une belle équipe, mais qui manque également d’une profondeur de banc. J’ai plus de mal à voir l’Australie aller loin. Ils n’ont pas un groupe suffisamment large et pas de pilier droit non plus. Cette Coupe du monde sera celle du jeu et l’Angleterre propose un jeu trop restrictif pour briller. Le Pays de Galles traverse une crise et il doit faire face aux retraites surprises de Justin Tipuric ou Alun Wyn Jones. Sur un match, il peut créer la surprise, mais je ne le vois pas aller loin. »
46 sélections, 4ème de la Coupe du Monde 2007, quart de finaliste en 2015, consultant TF1
Fulgence Ouedraogo : « Suivre avec attention Will Jordan, l’arrière des Blacks »
« Dès le premier match, la France aura un gros test avec les Blacks, mais elle peut gérer la pression d’évoluer à domicile. Je vais suivre avec attention Will Jordan, l’arrière des Blacks. Côté Français, en dehors d’Antoine Dupont bien sûr, je pense que Grégory Alldritt va faire une grande compétition. C’est un joueur qui me plait beaucoup. L’Irlande fait aussi partie des favoris avec son statut de numéro 1 mondial. »
« L’Australie et l’Angleterre avancent cachées car elles ont eu des résultats moyens, mais le Mondial est une compétition courte finalement et, avec une ou deux victoires, ils peuvent se relancer et prendre confiance. La Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud sont deux équipes qui montent en puissance au bon moment, elles ne seront pas faciles à jouer. Les Sud-Africains sont toujours très à l’aise en Coupe du monde. Il est difficile de dégager un grand favori. Il y en a trois ou quatre (France, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Irlande) qui peuvent prétendre au titre mondial à moins d’une grosse surprise et on espère que ce sera la France qui ira au bout. »
39 sélections, finaliste de la Coupe du Monde en 2011, quart de finaliste en 2015, consultant M6
Richard Pool-Jones : « Je rêve d’une finale Angleterre-France »
« La France peut aller au bout, mais plusieurs autres équipes peuvent aussi être championnes du monde. Etre la meilleure équipe ne veut pas dire que l’on sera forcément champion du monde. C’est une compétition très dense et il faudra être sur tous les aspects du jeu pour espérer la remporter. En quarts, il vaudrait mieux tomber face à l’Irlande. L’Afrique du Sud est composée de 30 joueurs bâtis comme des bodybuilders. C’est ce qui explique qu’ils réussissent très souvent leur Coupe du monde. »
« Ils sont très physiques, et cette compétition est tellement dense avec les phases de poules, puis les trois matches éliminatoires en 14 jours, que le plus costaud reste debout. Personnellement, je rêve d’une finale Angleterre-France ! L’Angleterre a des joueurs de classe mondiale et n’a rien à perdre. Les Anglais ont beaucoup moins de pression sur leurs épaules que les Français. »
Ancien international anglais (1 sélection)
Yoann Huget : « Les Français sont bons dans l’adversité »
« La France est dans une poule où elle peut s’en sortir. Cela va être une phase préparatoire pour la phase éliminatoire avec un gros test dès les quarts de finale où les Bleus risquent de tomber face à une équipe sud-africaine ou irlandaise. La phase éliminatoire va être assez compliquée. On a toujours eu une grosse équipe dans nos poules. Il y a quatre ans, c’était l’Angleterre et l’Argentine, la poule de la mort. Les Français sont bons dans l’adversité. On joue les All Blacks d’entrée et on pourrait les retrouver en finale, comme en 2011. Ça pourrait être une expérience fantastique : une des deux équipes va remporter la première rencontre et, bien sûr, il y aura une revanche derrière. »
62 sélections, quart de finaliste des Coupes du Monde 2015 et 2019 Propos recueillis par Valérie Pratdessus (avec Killian Tanguy)