Christophe Urios est l’un des meilleurs entraîneurs du Top 14. A 59 ans et après plus de 20 ans de carrière, l’actuel coach de Clermont continue de marquer les esprits. Sur et en dehors du terrain. Mais qui est-il vraiment ?
Si, comme le vin, les bons hommes s’améliorent et les mauvais s’aigrissent avec le temps, Christophe Urios s’est bonifié avec les années. Qu’il est loin le temps où le jeune talonneur ne faisait pas de vagues par les mots, mais surtout, sur le terrain, par son attitude et son caractère.
« Je l’ai connu comme joueur, se rappelle son ancien entraîneur à Castres Alain Gaillard. Il ne s’exprimait pas ou peu. C’était un taiseux. Il faisait très attention à ce qu’il disait. Quand on le voit maintenant occuper la scène médiatique comme il le fait à travers ses prises de paroles, c’est assez surprenant. C’est une forme de révolution par rapport à l’époque où je l’ai connu. »
Depuis, Urios n’a pas manqué de défrayer la chronique par ses mots ou ses commentaires. Un manager unique en Top 14 qui ne laisse personne indifférent et une grande gueule qui en n’impose.
Urios, une grande gueule unique en Top 14
« La surprise est plus de voir comment il fait le buzz assez souvent et la façon dont il s’exprime, explique Gaillard. Je ne l’ai pas connu comme cela en tant que joueur. Même à Castres, quand il a commencé ou à Bourgoin. C’est venu à Oyonnax. Quand il a dit qu’il s’entraînait avec les ours, ça a rameuté toute la confrérie médiatique. Il en joue un peu maintenant. Ce n’est pas quelqu’un qui essayait de se protéger. Pour nous, c’était un leader de combat à Castres. Il a pu s’installer grâce à son état d’esprit et à son attitude sur le terrain. Il s’est imposé par l’exemple. Il prenait les choses en mains. »
Avant de rajouter que sa carrière d’entraîneur n’est pas forcément le fruit du hasard. « Je ne l’aurais pas vu manager. Il avait cette envie d’entraîner au départ. En 2000, quand il arrête de jouer, je cherchais à transmettre, au CO, en équipes de jeunes. On lui a confié l’entraînement de l’équipe Espoirs et l’organisation de l’association au niveau des équipes de jeunes. Il a beaucoup travaillé. Il avait cette envie. Il a commencé à se former à Castres. Après, il a pris ma suite en équipe première, en 2002 jusqu’en 2005. Après, il a volé de ses propres ailes. »
« Un gros bosseur »
Après Castres et Bourgoin-Jallieu, il n’hésite pas à descendre à l’US Oyonnax pour continuer à vivre de grandes émotions et s’affirmer dans un rôle de manager général. Avec Oyo, il réussit l’exploit de faire monter le club en Top 14, en 2013 et de finir à la 6ème place en 2015. Julien Audy, aujourd’hui entraîneur à Rochefort, n’a pas oublié ses années de succès à Oyonnax sous les ordres de Christophe Urios.
« Il venait d’arriver au club et il m’a pris sous son aile. Il m’a mis titulaire à 21 ans et buteur. Il m’a fait entièrement confiance. Quand il a des idées sur un joueur ou un groupe, il va à fond. Il m’a permis de m’épanouir. Humainement, il est charismatique. Je l’ai croisé à plusieurs reprises. Il est à l’écoute de son groupe. Il a un discours qui fait qu’on a envie de se dépasser pour lui. Quand il nous donne sa confiance, on veut se donner au maximum pour lui rendre cette confiance. »
Un homme de collectif
Mais quel est le secret de la méthode Urios ? Audy nous en apporte la réponse. « Il choisit ses joueurs et des personnes entières qui se dévouent pour le collectif. Il a du caractère. Il sait toucher les joueurs, c’est une force qu’il a et qui permet de te transcender. Il est fort. Il sait trouver les bons mots. Il a un cadre très précis qui permet aux joueurs de s’adapter aux adversaires. Ils amènent des touches pour amener un plus. »
« C’est un meneur d’hommes qui laisse la parole au groupe. Il laisse son groupe vivre. Fédérer comme lui le faisait, ce n’est pas simple. Dans tous les groupes, il a réussi à créer des histoires où les mecs étaient embarqués. On sait qu’il y aura des trucs atypiques. On arrivait à créer du lien par différentes choses. »
Pour autant, son franc-parler et sa gouaille inégalable n’ont pas toujours fait l’unanimité, notamment au moment d’évoquer l’équipe de France et sa possibilité de le voir sélectionneur. Que ce soit à Castres, Bordeaux ou aujourd’hui à Clermont, il sait que tout n’est pas rose. La vie ne se tinte pas seulement de blanc et cela peut virer au rouge quelques fois…
« Quand il a quelque chose à dire, il le dit, insiste Julien Audy. C’est une preuve de caractère. Quand il pense un truc, il y va à fond. Il le dit avec ses mots. Il emploie des expressions du Sud. C’est sa façon de faire. C’est un guerrier, mais il a une finesse que les gens ne voient pas. Il sent les choses. Il arrive à s’adapter. Il cherche toujours à faire du bien autour de lui. Il mériterait d’être plus découvert. C’est un gros bosseur, entier. Après, il se moque de l’image que les gens ont de lui. »
Un entraîneur big boss du championnat
Son palmarès parle pour lui avec notamment des victoires en Top 14 avec Castres (2018). Christophe Urios marque les esprits et certainement une période du rugby français. Ce n’est pas Julien Audy qui dira le contraire.
« Il aura marqué son époque et le Top 14 par son palmarès et son savoir-faire. Il travaille énormément. Il se lève tôt. Tout est calibré. Son aura et son caractère sont atypiques. Il fait partie des big boss du Top 14. J’en ai croisés pas mal et chacun fonctionne différemment. Mes années avec Christophe Urios n’étaient que du bonheur. J’ai été champion de France de Pro D2 avec lui. Cela m’a marqué. Je n’étais pas le seul. Sur ma dernière année, à Oyo, j’ai connu Joe El Abd comme coach et j’ai retrouvé en lui un peu du management de Christophe Urios. Ça me plaisait énormément. »
Dorénavant, Christophe Urios se focalise sur le défi de redresser Clermont. En espérant qu’à la fin de cette saison, il puisse de nouveau goûter au plaisir de savourer la victoire, dans son exploitation viticole dans l’Aude, au Château Pépusque. Cela voudra dire que cette année de Top 14 sera encore un grand cru pour Christophe Urios, n’en déplaise à certaines mauvaises langues…