samedi 21 septembre 2024

(Rétro) Le Grand Chelem 2004 vu par Imanol Harinordoquy

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Jean-Marc Azzola
Jean-Marc Azzola
Journaliste

Grâce à une magnifique cohésion collective et un esprit d’équipe, l’équipe de France enlève un nouveau Grand Chelem en 2004 après celui de 2002.

Dans la foulée de la Coupe du Monde 2003 disputée en Australie, les Bleus enchaînent sur le Tournoi des Six Nations 2004 avec beaucoup de conviction. Imanol Harinordoquy (82 sélections) peut en témoigner :

« Avant ce nouveau Grand Chelem, on était vraiment animés par un état d’esprit revanchard. Il y avait eu cette Coupe du Monde 2003, une aventure humaine formidable. Mais cette même aventure s’était achevée trop tôt en demi-finales (contre l’Angleterre, Ndlr). Pendant le Tournoi, on voulait faire fructifier les fruits de notre travail. Dès l’entame de la compétition, on avait envie de gagner quelque chose ensemble. »

« On pratiquait un beau rugby et on prenait véritablement du plaisir à vivre ensemble. Sans parler de Grand Chelem, on pensait surtout à s’imposer collectivement. Quelques semaines après la Coupe du monde, on était heureux de se retrouver. L’enthousiasme et l’état d’esprit étaient au rendez-vous. Ce bien vivre ensemble nous a sans aucun doute permis de valider ce Grand Chelem ».

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Le XV de France en coulisse voulait gagner

Un succès attendu ? « Personne n’avait annoncé haut et fort qu’on gagnerait ce Tournoi. En interne, par contre, on voulait gagner. Quand on attaque un Tournoi, on n’est jamais clairement favoris. C’est déjà assez compliqué de le gagner. On sortait d’un Grand Chelem décroché en 2002. Lors des années paires, on reçoit trois fois. Cela augmente les chances de remporter le Tournoi. Mais une victoire finale se construit. »

« On a gagné un premier match (contre l’Irlande, Ndlr), puis un deuxième (contre l’Italie, Ndlr), puis un troisième (contre le Pays de Galles, Ndlr). A partir de là, une bascule s’opère pour jouer la gagne dans le Tournoi. Ce couronnement s’est donc construit petit à petit. Les joueurs ont tout donné. Il existait une belle cohésion. On s’entendait bien. Le dernier match (contre l’Angleterre, Ndlr) avait été un peu plus tendu. Le Grand Chelem était en ligne de mire. On jouait bien. Sur ce Tournoi, on s’est vraiment régalés ».

Force est de constater que la méthode est au rendez-vous dans ce cru 2004. L’équipe de France déploie un rugby de haute technicité : « On était sur cette continuité de 2002, de la Coupe du Monde 2003 avec quelques nouveaux joueurs, rappelle le natif de Bayonne. C’était le même groupe en 2004 qu’on avait retrouvé sur la Coupe du monde un an avant. Les joueurs se connaissaient bien. Il y avait pas mal d’automatismes, une bonne connexion entre nous. »

« Dans la continuité de 2002 et de la coupe du monde 2003 »

« Il y avait aussi un bon amalgame et équilibre entre l’expérience et la folie des jeunes dont je faisais partie. On pratiquait aussi un jeu assez précurseur avec des blocs, des 3èmes lignes qui jouaient sur des côtés une fois que le jeu était lancé. Le cinq de devant restant plutôt au centre du terrain. On essayait vraiment d’aérer le jeu. »

« Pendant le Tournoi, il avait fait assez beau. Ces bonnes conditions nous avaient permis de mettre ce jeu en place. Ce qu’on produisait était très précis. Chacun connaissait son rôle parfaitement. Il ne fallait pas trop se tromper avec Bernard (Laporte, Ndlr) sur les lancements de jeu. Malgré tout, cela laissait un peu de place à une part d’improvisation. »

« Une fois que chaque joueur avait accompli sa tâche sur le terrain, il pouvait alors apporter sa plus-value. Personnellement, je jouais totalement libéré notamment dans les couloirs. On aérait beaucoup le jeu en ayant une très belle qualité de passe, parfois de quinze mètres ! Comme pouvaient le faire des trois-quarts. Crenca (pilier, Ndlr) était par exemple capable de jouer comme un trois-quarts dans la ligne. »

2002, 2003, 2004, un XV de France à son apogée

« Il y avait vraiment une magnifique qualité technique au niveau du paquet d’avants. Cette aptitude individuelle permettait de déployer un jeu de mouvement. On faisait beaucoup vivre le ballon avec du jeu debout. Grâce notamment à cela, on faisait de grosses différences notamment lors du match en Ecosse (victoire des Bleus 31 à 0, Ndlr). »

« On avait totalement maîtrisé le jeu. On avait étouffé nos adversaires sur les extérieurs. Mais la bascule s’est faite contre les Gallois. Cela n’avait pas été un match facile (victoire des Bleus 29-22, Ndlr), mais on avait pris une sérieuse option sur la victoire finale dans le Tournoi. Quant à la dernière victoire contre l’Angleterre (24-21 Ndlr), il y a eu parfois de la crispation. Mais, globalement, on a très bien préparé et maîtrisé les choses ».

« Un jeu précurseur »

Ce 27 mars 2004 contre les ennemis jurés anglais, Dimitri Yachvili a sorti une prestation XXL : « C’était le genre de match qu’il aimait disputer et lors duquel les joueurs pouvaient se sublimer. Ce jour-là, le Yach a réalisé quelques gestes de grande classe notamment en réalisant un grand pont en début de match et en marquant un essai. Ensuite, il m’a adressé une passe au pied sur une diagonale géniale. Un grand match ! ».

Un succès collectif, mais également un nouveau couronnement qui se cumule pour l’ancien 3ème ligne internaional. « En 2002, quand le Tournoi débute, je n’ai pas encore 22 ans. Avec un Grand Chelem au bout. A 24 ans, en 2004, nouveau Grand Chelem et je suis vice-capitaine de l’équipe. Il y a eu aussi la Coupe du monde. Tout est allé très vite et je jouais beaucoup. C’était énorme de vivre cela avec autant de responsabilités. »

« C’était fabuleux aussi de jouer avec des joueurs du calibre de Magne, Betsen ou Pelous pour ne citer qu’eux. J’avais grandi avec cette génération qui nous a permis, les plus jeunes d’entre nous, de nous exprimer et de nous mettre en confiance. Ils nous avaient très bien accueillis en nous mettant dans les meilleures conditions. On pouvait donc exprimer notre potentiel au mieux. Jouer avec des mecs que je regardais à la télévision et que j’admirais quelques mois avant, c’était incroyable ! ».

« Un groupe qui s’éclate en 2004 »

Pour le double champion de France 2005 et 2006, le cru 2004 dans le Tournoi garde une saveur particulière : « Des trois Grands Chelems que j’ai remportés (2002, 2004, 2010, Ndlr), c’est peut-être celui de 2004 où on affiche le plus de maîtrise et où on prend le plus de plaisir. Les autres se sont plutôt construits petit à petit, voire même dans la difficulté et la souffrance en 2010. En 2004, on s’éclatait. »

« On avait l’impression que pas grand-chose ne pouvait nous arriver. Cela faisait plaisir de gagner ce Grand Chelem ensemble après la Coupe du Monde 2003. Sur cette épreuve, on avait eu ce ressenti de ne pas être passé loin d’un rêve. On avait à cœur de nous récompenser (sic). C’était le Grand Chelem d’une équipe qui vivait très bien ensemble. Cela riait fort en dehors du terrain. On aimait passer du temps ensemble. On avait bien fêté cela. La mayonnaise avait bien pris entre les jeunes et les moins jeunes ».

Heureuse équipe de France ! En l’espace de treize ans, les Bleus ont ajouté les Grands Chelems dans le Tournoi les uns aux autres (1997, 1998, 2002, 2004, 2010) :

« En l’espace de dix ans (entre 2002 et 2012, Ndlr), j’ai gagné plusieurs Tournois (trois Grands Chelems et l’édition 2007, Ndlr), rappelle le Basque. Cela fait près d’un Tournoi sur deux. Quand tu gagnes, cela semble normal (sourire). »

« Quand cela devient moins le cas, tu te dis alors que ce n’était pas si commode à réaliser. C’est quand tu arrêtes de jouer que tu te rends compte que tu as accompli des choses pas mal et pas si simples à réussir. On a eu une très belle génération avec des joueurs de très haut niveau. Cela générait une émulation et une concurrence saines entre les joueurs. »

Bernard Laporte avait une grosse concurrence à gérer

« Tous se tiraient la bourre pour être les meilleurs possibles sur le terrain. Avec Bernard (Laporte, Ndlr), il ne fallait pas se manquer sinon tu pouvais prendre la porte même avec 50 ou 60 sélections. Quelqu’un risquait de te prendre la place. Il y avait beaucoup de très bons joueurs à tous les postes. Cette rivalité a permis d’aligner de gros résultats pendant toutes ces années ».

Une anecdote a parfaitement traduit l’excellente ambiance qui régnait dans ce groupe France. Quand, en mars 2005, Fabien Pelous, quatre Grands Chelems à son actif (1997, 1998, 2002, 2004), fête sa 100ème sélection contre l’Irlande, la commémoration d’après-match ne manque pas de piment. Le meilleur marqueur d’essais français (4 essais) du Tournoi 2004 nous la conte :

« Fabien s’était fait remettre un plateau d’argent pour sa centième cape. Dans la soirée, Christophe Dominici lui pique le plateau et lui fait une petite blague. Il avait signé son plateau à sa manière, fait une dédicace à sa façon… Cela n’avait pas du tout plu à Fabien. Nous, par contre, avions beaucoup ri. Pour se faire pardonner, Christophe avait refait faire le plateau à l’identique ».

En 2004, cela jouait très bien au rugby, mais c’est aussi dans cet environnement propice à la victoire que les joueurs du XV de France avaient été implacables dans le Tournoi.

Le saviez-vous ?

27 mars 2004. L’équipe de France accueille les champions du monde anglais au Stade de France. Pour la première fois de l’histoire, un match du Tournoi est diffusé en prime time sur France Télévisions. 9 millions de Français regardent la revanche de la dernière demifinale de la Coupe du monde.

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Soit le nombre de points (1 essai, 1 transformation, 4 pénalités) du demi de mêlée Dimitri Yachvili lors du dernier match, celui du sacre contre l’Angleterre où le Biarrot a évolué une saison (en 2001/2002 à Gloucester).

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