Auteur de l’essai de la victoire contre La Rochelle en finale du top 14 (29-26), Romain Ntamack est passé par toutes émotions pour celui qui a été le héros du match après voir failli faire perdre le Stade Toulousain… Entretien réalisé pour Rugby Magazine et Le Quotidien du Sport.
Comment appréhendez-vous cette dernière action décisive qui vous apporte la victoire ?
J’ai la chance de marquer ce dernier essai, mais si je n’avais pas eu le collectif à côté de moi, à travers les mecs qui m’ont fait enlever de la tête la bêtise que je leur ai infligée avec la pénaltouche manquée, je n’aurais pas pu aller entre les poteaux. J’ai la chance d’avoir des mecs extraordinaires à côté de moi qui y croient jusqu’au bout. On est super contents et heureux.
Une finale, ça se joue jusqu’à la fin, sur des petits détails qui basculent en notre faveur. Ce match va marquer ma carrière. C’est un des faits marquants que je vais retenir toute ma vie. Marquer un essai victorieux en finale, c’est unique. Je suis super fier et très soulagé pour le club qui a mérité de repartir avec ce Bouclier.
Cette course jusqu’à l’en-but vous a-t-elle paru longue ?
Pas spécialement, parce que je vois qu’il n’y a personne en face de moi, donc je me dis qu’il faut que j’aille jusqu’à l’en-but quoi qu’il arrive. C’est plutôt les secondes après la pénaltouche que j’ai ratée qui m’ont paru extrêmement longues. J’ai eu de la chance qu’il y ait un peu de temps à jouer derrière pour que l’on puisse revenir au score. Il n’y a pas meilleure sensation que d’avoir tous ses potes qui te sautent sur le dos puis qui te serrent dans leurs bras. C’est pour ces moments que l’on joue au rugby !
« C’est pour ces moments que l’on joue au Rugby ! »
Voyez-vous l’espace de suite sur cette situation de jeu ?
Non, je vois seulement qu’il y a un décalage, mais je ne vois pas tout de suite cet espace. Un intervalle se crée ensuite. J’en profite pour mettre le ballon sous le bras et accélérer pour finir dans l’en-but malgré les crampes et les coups pris tout au long du match. J’ai essayé de finir cette course de la meilleure des façons et ça a été un soulagement pour tous les Toulousains. Je ne sais pas si, inconsciemment, je me suis dit qu’il fallait que je me rattrape, mais ça a peut-être joué. C’est une action qui marquera nos mémoires.
C’est incroyable de remporter ce 22ème titre. On a notamment vu que vous étiez très ému avec votre père à la fin du match.
Oui, mais pas seulement avec lui. C’est la première fois que je pleure après un match. C’est toute la tension et le stress qui sont redescendus. Ce 22ème titre est mérité pour ce club qui ne cesse d’être toujours dans les têtes d’affiche, que ce soit en Coupe d’Europe ou en championnat. Nous, on est très heureux, on a une génération spéciale, unique et on arrive à chaque match à relever les défis qui sont les nôtres, même si on nous prévoyait encore une fois l’enfer et qu’on nous voyait perdants.
Même si les pronostics n’étaient pas en notre faveur, on a toujours cru en nous. C’est normal que La Rochelle soit favori en étant champion d’Europe en titre face au Leinster. Mais nous, on s’est concentrés sur nous-mêmes. On ne peut pas dire que le match était gagné d’avance, mais encore une fois, on y a cru jusqu’au bout, on a cru en nous et on a la chance de soulever le Bouclier à la fin.
Votre moral n’a-t-il pas été affecté par cette pénaltouche manquée ?
Si, forcément. Quand je la rate à la 75ème, je me dis que c’était peut-être la balle de match. J’essaie d’en faire abstraction même si ce n’est pas facile. Encore une fois, j’ai tout de suite les mecs qui viennent me dire que ce n’est pas fini et qu’il reste cinq minutes, tout peut encore arriver. Ils ont été géniaux et ils m’ont fait relever la tête. Je suis très heureux d’avoir marqué pour les mecs qui m’ont aidé à passer ce fait de jeu.
Romain Ntamack prêt pour la Coupe du Monde
On a l’impression que le vrai virage de votre saison, c’est lorsque que vous revenez du Tournoi des 6 Nations, mettant fin à la période des doublons.
On sait très bien que les doublons, c’est une période compliquée pour nous, pour le Stade Toulousain. Et on sait que si les doublons se passent bien, on arrive à accéder aux phases finales sans trop d’accrocs. Et si ça se passe mal comme l’année dernière, on sait qu’on doit se battre jusqu’à la fin. On y laisse des plumes et de l’énergie. C’est alors plus compliqué pour aller chercher quelque chose à la fin.
C’est pourquoi, les mecs qui ont joué, ont été exceptionnels. On a notamment travaillé avec les espoirs. Ils ont été irréprochables et ils ont été récompensés d’ailleurs avec un titre dans leur catégorie. Ça récompense tous les mecs qui se sont battus cette année. Il y avait des joueurs qui n’étaient pas sur la feuille de match, mais qui ont participé à des rencontres compliquées pendant la tournée de novembre. Ils ont pourtant toujours été là, en travaillant sérieusement.
C’est grâce aussi à tout ce groupe là qu’on arrive à lever ce Bouclier. C’est une juste récompense pour eux et pour le club qui a eu plusieurs de ses équipes en finale. Même si les cadets ont perdu, ils ont été en finale et les Crabos ont gagné.
On voit que le club met tout en œuvre pour pousser les jeunes. C’est d’ailleurs pratiquement le même collectif qui est présent depuis quelques années. Je fais partie de la formation, mais il y a beaucoup de joueurs dans ce groupe qui en font partie aussi. C’est une preuve que la formation du club fonctionne très bien.
Comment envisagez-vous la suite et notamment la préparation de la Coupe du monde ?
Pour l’instant, on va profiter. On s’est donné le droit de profiter un peu, pendant quelques jours. Je ne sais pas si ce sera de tout repos, mais on va profiter de cette victoire, afin de décompresser un peu de toute cette saison qui a été dure malgré tout.
Propos recueillis par Mathieu Coutelette