Ce débat a fait rage quand Fabien Galthié a été blâmé pour avoir utilisé de manière excessive des datas pour expliquer l’élimination en quarts de finale de la Coupe du monde contre l’Afrique du Sud (28-29). Et si ces données avaient vraiment trop d’influence ?
Après la cruelle élimination de l’équipe de France en Coupe du monde, certaines critiques se sont abattues sur le sélectionneur Fabien Galthié suite à sa prise de parole le 8 novembre. Son utilisation excessive des datas en a été une de taille. Parmi les allégations les plus virulentes à son encontre, une est venue de Richard Dourthe sur Canal+ :
« Je pense qu’il prend les gens pour des cons. Il élude tous les points qui nous chagrinent. Il enfume tout le monde avec ses datas ». Galthié a voulu, lui, défendre son plan de jeu, données à l’appui. Relancé sur le sujet, le sélectionneur s’est à nouveau défendu à travers les chiffres dans les colonnes de Midi Olympique :
« J’entends ce débat sur les datas qui est devenu presque caricatural. Quand tu passes de 33% (le taux de succès de Guy Novès à la tête du XV de France entre 2015 et 2017, Ndlr), à 80% de victoires (le sien, Ndlr), c’est que tu as réussi à modifier quelque chose qui était ancré depuis dix ans. Travailler avec l’analyse, c’est être intelligent. En rugby, il faut l’être collectivement et individuellement. On ne peut pas nous reprocher d’être intelligents ».
À LIRE AUSSI : toute l’actualité rugby dans vos mags spéciaux
Galthié novateur dans l’utilisation de la data
On a beaucoup parlé de l’utilisation des datas en particulier en équipe de France. N’ont-ils pas pris trop d’importance ? Désormais directeur rugby au Stade Français après avoir été l’adjoint de Galthié en équipe de France, Laurent Labit ne croit pas :
« C’est un mauvais procès. On utilise les datas pour mieux s’entraîner et mieux travailler. Pendant longtemps, on croyait qu’on faisait des séances qui ressemblaient aux matches et quand on a eu les premiers GPS on s’est aperçu qu’on était à côté de la plaque. Mais on ne sortira jamais un joueur qui est dans le rouge parce que le GPS le dit ! Par contre, ça permet de quantifier les charges de travail. Les datas proposent aussi des données sur l’adversaire pour préparer les matches. Ce sont des données utiles, mais qui ne remplacent jamais l’œil ou la décision d’un coach ».
À LIRE AUSSI : L’interview exclusive de Fabien Galthié dans nos colonnes
« On ne peut pas nous reprocher d’être intelligents… » (Galthié)
Cette utilisation accrue des données ne va-telle pas à terme prendre le pas sur les entraîneurs ? « Les datas ne remplaceront jamais les coachs, est convaincu le manager d’Oyonnax Joe El Abd. L’aspect humain reste primordial dans notre sport. Cependant, cela va devenir un outil de plus en plus important pour les coachs. En football, ils sont encore plus en avance que nous sur les datas. Après, c’est comme tout. Si tu manges trop de gâteaux, ce n’est pas bon. Les datas, c’est pareil. »
« Si tu les utilises trop, ce n’est pas bon non plus. La question primordiale est comment on utilise les datas. Il y a des centaines et des centaines de données. Il faut savoir trier les données les plus importantes. Car si tu les négliges totalement, tu n’utilises pas les outils à disposition pour améliorer les entraînements et donc les performances. A contrario, n’utiliser que cela conduirait à ce qu’il manque quelque chose. L’avenir passe par un excellent tri pour mieux générer la performance de l’équipe ».
L’ancien manager du Stade Toulousain Guy Novès se veut pour le progrès. « On a maintenant des préparateurs physiques, parfois trois ou quatre dans un même club. Cela a créé quelque chose de nouveau dans notre sport. Même des clubs de Fédérale ont des préparateurs physiques. Ensuite sont arrivés des éléments techniques comme des analystes vidéo. »
Les joueurs de rugby, des sources de data
« On a placé des appareils sur les joueurs, des mouchards permettant de mieux suivre leur niveau. Ne pas se servir de ces technologies, c’est un peu dommage. Cela permet d’aborder de temps en temps les joueurs, de discuter avec eux, de les faire progresser, de leur donner des éléments de contrôle. Même pour les joueurs c’est intéressant ».
Mais pas au point d’en faire une utilisation unique et obsessionnelle selon l’ancien sorcier de Toulouse : « Pour moi, ce n’est pas l’essentiel non plus. On serait bien idiots de ne pas s’en servir, mais ce n’est pas ce qui va vous permettre de gagner même si cela vous sert. Avant, on utilisait les cassettes vidéo, de nos jours on appuie sur un bouton et on a tous les éléments qu’on désire sur la vidéo. On s’en sert notamment pour expliquer aux joueurs le pourquoi du comment. »
« Alors les datas oui, mais avec parcimonie. Cela fait partie de l’évolution, mais c’est un outil parmi d’autres. Certains se croient intelligents en utilisant des datas… On ne l’est pas forcément car on s’en sert. Mais on serait idiot de ne pas les utiliser ». Tant que la victoire est au bout…
Avec Arnaud Bertrande