De plus en plus de matches se jouent dans les dernières secondes, sur une pénalité ou une transformation. Une sacrée pression pour les buteurs.
N’est pas Jonny Wilkinson qui veut. Il n’empêche, au moment de frapper pour la gagne, même quand la concrétisation semble évidente pour un buteur aguerri, le pied devient alors très lourd. Et parfois la mire est malheureusement manquée. De très bons joueurs l’ont appris à leurs dépens. On se gardera bien de dresser une liste.
Au football, les plus grands (sans parler de Harry Kane) n’ont-ils pas manqué des penaltys ? Mais c’est un autre débat et revenons au rugby. En 2015, à l’échelle internationale, les pénalités représentaient déjà 45% environ des points marqués dans chaque match. Un pourcentage encore plus élevé quelques années plus tard. Fatalement, le taux de réussite du buteur est souvent en adéquation avec la victoire ou la défaite de son équipe.
Avec les enjeux grandissants, l’écart parfois très minime entre les équipes, cela n’aide pas. Les nombreux tics observés chez les meilleurs buteurs de l’histoire (Biggar, Wilkinson…) peuvent être interprétés comme de grands signes de nervosité.
Mais que ce soit aux quatre coins de la planète, en Top 14 et ailleurs, une grande partie de la réussite des buteurs tient surtout dans cette aptitude à faire le vide à l’instant de décocher la frappe décisive. Dans ce contexte stressant énergivore, le travail entrepris au quotidien est fondamental. Tout comme une forme de routine à respecter. Une étude britannique de 2001 tend à prouver que des sportifs qui ont une routine établie depuis fort longtemps commettent moins d’erreurs et souffrent moins de pression :
« Quand mon cœur bat très vite au point que mon maillot se soulève, je parviens à mettre ça dans un coin de ma tête, sans que cela me déconcentre » avouera Wilkinson à la BBC.
« Mieux vaut faire le job avant… »
Et si c’était plus dur de buter qu’avant ?
« La pression sur les buteurs a toujours existé, insiste le grand Dimitri Yachivili. A mon époque, c’était la même chose. Parfois 70, 80 ou même parfois 100% des résultats dépendent de la qualité de son buteur. Et ce, même s’il y a plus d’essais de nos jours. Le buteur reste très important. C’est un rôle difficile et excitant. Quand on passe la pénalité de la gagne, c’est toujours très euphorisant. Cela vient aussi valider tout un travail. Car derrière tous les coups de pied qu’on voit le week-end, il y a des heures et des heures de travail pendant la semaine. D’ordre technique et mental. C’est donc une charge psychologique supplémentaire. Elle me plaisait beaucoup quand je jouais. Il y a aussi cette passion d’aimer frapper dans le ballon, de rechercher la frappe parfaite. Cela décharge alors de toute pression ».
La pression est constante sur les buteurs
Mais quand elle se fait de plus en plus forte, il faut alors revenir aux fondamentaux. L’ancien demi de mêlée tricolore aux 61 sélections (51 transformations, 85 pénalités, 2 essais et 2 drops en Bleus) explique :
« En cas de doute, il faut s’appuyer sur une routine. C’est une check-list. Comme un pilote dans un avion. Sauf que le coup de pied que vous tapez le mardi tout seul sur votre terrain à 40 mètres face aux poteaux, exactement le même coup de pied le samedi à la dernière minute du match pour faire gagner votre équipe ou la faire perdre, si vous le loupez, la charge émotionnelle n’est plus du tout la même. Cela alourdit beaucoup le sac à dos émotionnel. C’est là que le travail et l’expérience permettent de faire basculer du bon côté les choses. Cela permet de garder cette routine et cette frappe naturelle au lieu de basculer dans le doute, la peur, et donc frapper plus fort pour perdre finalement en précision. Je ne suis pas golfeur, mais c’est un peu comme au golf ».
Pour le pilier international Dany Priso (18 sélections), finalement le meilleur raccourci à prendre pour s’éviter des sueurs froides est de tuer le match avant !
« Un match reste un match. Pour un buteur parfois il suffit d’un rien pour dévisser. Alors si on ne veut pas en arriver à cette extrémité-là, à savoir compter sur la botte du buteur pour remporter un match sur le fil, le mieux est de faire le job avant. Pour éviter donc ce risque de devoir absolument marquer trois points tout à la fin pour l’emporter. Si on se retrouve là à ce moment-là, c’est que peut-être on n’a pas fait tout ce qui était nécessaire avant et qu’on ne s’est pas forcément facilité le travail… ». Sauf que, à l’image d’un coup de pied qui peut sembler facile, dominer l’équipe adverse au cours d’un match n’est pas non plus toujours chose aisée à faire et écrit à l’avance.