Lorsqu’il nait le premier jour de l’An 1921 à Maïder, l’Algérie est encore française et le petit Alain Mimoun, aîné d’une famille de sept enfants, n’a pas vocation à marquer l’histoire de France. Il n’est pourtant pas exagéré de dire que le 1er décembre 1956, en remportant le marathon des Jeux de Melbourne, son destin va rejoindre celui de son pays et faire de lui une légende.
Déjà médaillé d’argent aux JO de Londres en 1948, à ceux d’Helsinki en 1952, sur 10 000 et 5000 mètres, également 2ème des Championnats d’Europe de 1950 derrière l’intouchable Emil Zatopek, Alain Mimoun a beau dominer le demi-fond français de la tête et des épaules, il conserve envers son ami Tchécoslovaque un complexe qu’il ne parvient pas à dominer.
Imaginer qu’il puisse le faire sur l’épreuve mythique du marathon olympique est un défi que personne n’envisage en France lorsque débutent les Jeux du bout du monde. Après tout, le coureur a déjà marqué son temps en récoltant trois médailles olympiques, et en étant un des principaux protagonistes du 5000 mètres du siècle comme on désigne encore l’épreuve des JO d’Helsinki en 1952.
« A 36 ans, j’étais le plus vieux des Jeux, disait-il au moment d’être élevé au grade de grand officier de la légion d’honneur en 2008. Pendant deux ans, je me suis tapé 40 km par jour sans rien dire à personne. »
Le défi est immense. Pour un premier essai, ce fut un coup de maître dans des conditions dantesques et plus de 36 degrés à l’ombre. Sans aucun repère, il réalise la course de sa vie. La veille, il avait reçu de France un télégramme lui annonçant la naissance de sa fille… il l’appellera Olympe !
« J’étais le seul concurrent qui n’avait jamais fait de marathon, racontait-il en 1976, et il valait mieux ne pas savoir ce que c’était car c’est tellement terrible… » En sautant sur tous ceux qui tentaient de s’échapper dans un premier temps, jusqu’à mi-course, en suivant l’Américain Kelley ensuite, en prenant le large enfin, il entra dans le stade Olympique pour boucler et gagner son premier marathon en 2h25, avec plus d’une minute d’avance sur le 2ème, le Yougoslave MIhalic, et deux minutes sur le Finlandais Karvonen.
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« J’étais le seul concurrent qui n’avait jamais fait de marathon »
« Ce fut une explosion de 120 000 spectateurs, comme une bombe atomique ! » Cette fois, Emil Zatopek, son ami, ne termine que 6ème. « Je suis fier d’être né en Algérie, mais encore plus fier pour la France à qui j’ai donné une médaille d’or, le plus beau jour de ma vie ! »
Accueilli en héros à son arrivée à l’aéroport d’Orly, porté en triomphe, le champion français, grand admirateur du Général De Gaulle, entrait au panthéon des sportifs de la nation.
Du caporal-chef qui faillit perdre une jambe à la bataille du Monte Cassino en 1944, à l’or olympique, Alain Mimoun n’a jamais cessé de courir après son destin, et toujours avec le même amour de sa patrie, toujours la même reconnaissance envers tous ceux qui ont accompagné sa quête olympique, Emil Zatopek en premier qu’il admirait et qui fut le premier à le féliciter ce 1er décembre 1956, au Cricket Ground.
Les deux plus grands coureurs de demi-fond de l’après-guerre ne s’affronteraient plus jamais. Le Français avait attendu leur dernière course commune pour battre le Tchécoslovaque.
Dans la foulée, il continua le marathon pour ajouter six autres titres de champion de France aux 26 déjà acquis sur 5000 et 10 000 mètres, en crosscountry, entre 1947 et 1966. Il a en effet 45 ans quand il décroche, sur marathon, son 32ème et dernier titre de champion de France, à ajouter à ses 20 records de France.
En 1960, à Rome, pour ses derniers JO, il tenta de conserver son titre, mais ne put rien contre une autre légende, l’Ethiopien Abebe Bikila, qui courait pieds nus. Mais, à 39 ans, Alain Mimoun était depuis longtemps déjà entré dans la légende olympique.
Le 8 juillet 2013, la veille de ses obsèques, un hommage national lui sera rendu par François Hollande, président de la République. Ali Mimoun Ould Kacha (son nom complet), ainé d’une famille de modestes agriculteurs, né en Algérie Française, est devenu une légende.
55
Alain Mimoun a donné son nom à 55 stades en France, une quarantaine de rues, d’avenues, de places et même une chapelle dans les Vosges et une salle d’hospitalisation à la Pitié-Salpêtrière.
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Tom Boissy