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Damien Seguin (15ème du Vendée Globe) : « Tu deviens l’esclave de ton bateau »

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Le multi-titré champion paralympique et de course, Damien Seguin au large a bouclé son deuxième Vendée Globe de suite avec un immense courage. 

Septième lors de votre Vendée Globe précédent, quel sentiment vous anime après votre 15ème place ? 

Je ressens beaucoup de fierté. On m’aurait dit avant le départ : « Tu vas faire 15ème, j’aurais répondu : « Non, ce n’est pas possible. Je ne venais pas pour cela avec le bateau que j’avais et la manière dont je m’étais préparé. Finalement, le sentiment qui prévaut, c’est la fierté d’avoir réussi. Un Vendée Globe, ça se termine !

C’est déjà une sacrée victoire. J’en ai fait deux à la suite. Je me suis battu avec les moyens que j’avais, physiques et psychologiques. Cela n’a pas été facile tout le temps. Je suis allé chercher cette 15ème place avec tout ce que j’avais. J’y ai mis tout l’engagement que j’ai pu. J’en suis fier. Je ne pouvais pas beaucoup faire mieux vues les conditions. 

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Ce second Vendée Globe a donc été plus dur que le premier.

Essentiellement car les conditions météo ont été beaucoup plus dures. L’enchaînement des systèmes météo a été beaucoup plus violent avec l’incertitude que cela génère. Il y a aussi l’engagement qu’il faut mettre sur un bateau avec des grands foils. Et donc le côté invivable (sic) de ces bateaux-là. Cela a rendu la course particulièrement difficile.

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« Abandonner m’a traversé l’esprit, mais mon côté compétiteur m’a fait tenir

Quelle a été votre plus grosse galère ?

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Je n’ai pas eu de très grosses galères. Cela a davantage été l’accumulation de beaucoup de choses avec un matériel qui s’use et l’entretien permanent qu’on doit faire sur un bateau aussi technologique que peut l’être un grand foiler. Il y a quatre ans, j’étais parti sur un bateau à dérives. Il était très simple. Là, il y avait le triple de matériel à bord ! Cela demande une attention quotidienne. C’est cette gestion qui est usante. 

Avec vos blessures, vous êtes allé contre l’avis des médecins… 

Sur le bateau, il était impossible de donner un diagnostic clair. En particulier concernant mon problème aux cervicales. Il aurait fallu que je m’arrête pour passer une IRM. On était donc sur des suppositions. Au final, la décision m’appartenait. J’ai décidé de continuer. J’ai pris la bonne décision. Mais, sur le moment, elle n’est pas évidente à prendre… 

Avez-vous pensé à abandonner ?

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J’aurais pu me le dire car j’étais dans la difficulté physique et sportive. Je me rendais compte que je ne revenais pas sur les premiers. Je réalisais que je ne ferai pas un aussi bon résultat que quatre ans auparavant. Je me trouvais dans la difficulté sur mon bateau également. Les grands foilers sont des engins de dingue. Tu deviens l’esclave de ton bateau. La vie à bord est stressante et énergivore. Quand tu te trouves dans la difficulté un peu partout, la tentation de jeter l’éponge peut être là. Cela m’a traversé l’esprit. Mais mon côté compétiteur m’a fait tenir. Ajouté aux témoignages des gens… Cela m’a reboosté pour repousser les limites plus loin.

Damien Seguin conscient de la fragilité de son bateau 

Comment expliquer qu’à bord de bateaux de plus en plus perfectionnés les skippers s’abîment de plus en plus ? 

On a dépensé énormément d’argent pour développer les foils, pour équiper nos bateaux avec des technologies autour du carbone, permettant d’aller de plus en plus vite. On a avancé tellement vite qu’on a oublié la manière dont on pouvait vivre ou survivre (sic).

En Formule 1, il s’est passé la même chose il y a 20 ou 30 ans.Ils ont développé des voitures avec des aérodynamismes incroyables et des moteurs V8 ou V10. A un moment donné quand les murs et les virages arrivaient trop vite, et qu’il y avait des morts cela a été le cas avec Senna (mort le 1er mai 1994 à 34 ans, Ndlr) ils ont commencé à faire marche arrière. Aujourd’hui, on va commencer à atteindre cette limite en voile.

Avec les trois premiers, on a vu qu’on peut faire un Vendée Globe en environ 64 jours. Mais vivre sur un Imoca avec des grands foils, c’est très compliqué. Là, je me suis blessé. Il y a un an, Sébastien Simon se casse deux cervicales. Il fait un black-out total. On ne va peut-être pas attendre qu’un skipper finisse tétraplégique au fond de son bateau pour tirer la sonnette d’alarme ! Il va falloir se poser les bonnes questions. On est tous d’accord pour dire qu’on est peut-être allés un peu loin sur le développement de nos bateaux. 

« Un 3ème Vendée Globe, pour le moment c’est non »

Comment imaginez-vous votre prochain Vendée Globe ? 

Déjà il va falloir du temps pour me retaper physiquement. Cela va me permettre de réfléchir sur la manière dont j’ai envie de continuer à faire mon sport. Ai-je envie de faire un 3ème Vendée Globe ? A l’instant T, la réponse est plutôt non. J’en ai fait deux à la suite. J’ai bien vérifié que la terre était ronde (sic). Je n’ai plus grand chose à prouver.

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Il y a aussi tellement de façons de pratiquer mon sport… On a cette chance dans notre sport de faire des carrières longues. Je vais donc prendre le temps de réfléchir et de trouver de nouveaux partenaires tout en défendant les valeurs que je défends. Je n’en ai pas terminé avec la course au large. J’ai surtout envie de continuer sur le bon support.

« Violette Dorange vit avec son temps »

Quel regard portez-vous sur l’autre star de ce Vendée Globe ; Violette Dorange ?

Déjà félicitations ! Faire un Vendée Globe à 23 ans et le terminer, c’est très bien. A certains moments, elle a fait preuve de pas mal de maturité en prenant des décisions pourtant pas simples. Elle a réussi son pari de terminer son Vendée Globe. Concernant sa place au classement (25ème, Ndlr), elle pouvait espérer mieux avec le bateau qu’elle avait. Ensuite, si j’analyse le phénomène Violette Dorange, il y a des choses que je comprends et d’autres moins. Elle vit avec son temps.

Elle maîtrise les réseaux sociaux. Elle a une bonne tête. Elle communique bien. Elle ne vole pas la médiatisation et la reconnaissance qu’elle a. Cela n’empêche pas d’autres de briller à côté. Néanmoins, elle phagocyte quand même une bonne partie de la communication. Si je prends mon cas, je défends depuis longtemps le côté inclusion, le fait de faire venir des personnes en situation de handicap dans le monde de la voile.

J’ai été le premier skipper à réussir à faire un Vendée Globe (il est né sans main gauche, Ndlr). Cette année, on était deux avec le Chinois (Xu, 30ème, a perdu sa main gauche à 12 ans après un accident, Ndlr). On a certes eu de la médiatisation. Il n’empêche. Cela n’a pas le retentissement qu’a Violette aujourd’hui alors que l’exploit sportif est au moins au même niveau. Cela peut interroger. Mais notre société est aujourd’hui ainsi…

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