Consultant en charge du développement individuel des joueurs au RC Toulon, le meilleur réalisateur de l’histoire de l’équipe de France Frédéric Michalak est heureux de rejoindre le racing 92. Une étape de plus dans sa carrière d’entraîneur.
Entrepreneur, ambassadeur, entraîneur…, quel est votre métier aujourd’hui ?
J’ai plusieurs activités. J’ai notamment une entreprise, Sport Unlimitech, qui rassemble l’ensemble de la filière sport sur les questions de l’innovation dans différentes villes mais, à partir du 1er juillet, je serai à 100% entraîneur adjoint au Racing en charge des lignes arrières, c’est mon métier.
Au Racing, il n’y aura pas le même engouement qu’à Toulon…
Il y a quand même un public. C’est un club qui a une histoire, un club avec qui j’avais envie de travailler. Le projet est intéressant. C’est pour cela que je l’ai accepté. Stuart Lancaster est un manager réputé et reconnu, que ce soit avec l’Angleterre ou le Leinster depuis sept ans. Il avait envie de travailler avec moi et moi avec lui ! Le club, dans sa stabilité, et dans ses ambitions est attitrant. Autant de choses qui font que j’avais envie d’y aller.
Frédéric Michalak en phase d’apprentissage
Ça ne vous dérange pas de travailler avec un Anglais (sic)…
J’aime beaucoup les idées de Stuart. On a de suite accroché. Il a beaucoup d’ambition, moi aussi. J’avais envie de travailler avec ce qui se fait de mieux. C’est la bonne personne pour continuer de me challenger et de progresser.
Toulouse, Toulon, Lyon, vous étiez plutôt habitué au rouge et noir…
Le ciel et blanc, c’est bien aussi, ça va me rappeler le soleil du Sud ! (sourire)
Votre ambition est-elle, à terme, d’entraîner une équipe ?
J’essaye d’apprendre un maximum de choses. J’ai connu depuis cinq ans différentes choses, que ce soit en Australie ou en France. L’objectif est de continuer à apprendre et à se former. J’ai passé tous mes diplômes pour entraîner à 100%. J’ai passé ce cap et je vais le faire pendant trois ans en faisant en sorte que les joueurs soient le meilleur possible. On verra ce qui se présentera ensuite.
Vous sentiez-vous prêt pour prendre dès à présent les rênes d’une équipe ?
C’était trop tôt. Il faut passer des étapes avant de prendre une équipe. Ça aurait été trop précipité. Avoir été avec Trent Robinson au rugby à 13 (aux Sydney Roosters, Ndlr) pendant un an en Australie m’a beaucoup enrichi. Etre avec Stuart (Lancaster) va aussi m’enrichir. On apprend de ses pairs et il faut être patient, surtout dans ce métier et surtout moi, en France, je sais très bien que je serai attendu si je prends une équipe. On verra si c’est en France ou ailleurs.
Certains passent directement de joueur à entraîneur !
Ça peut être dangereux même si certains réussissent comme mon pote Poitrenaud à Toulouse qui prend en expérience et du galon chaque année pour être demain en capacité de faire ou non le grand saut, manager étant une autre responsabilité. Moi, au début, je ne voulais pas entraîner, il m’a fallu deux ans pour que ça mûrisse.
J’ai même fait un MBA, un Master of Business Administration. J’ai fait d’autres choses que le rugby, j’ai monté des projets. Mon voyage en Australie, le fait d’être davantage au contact du terrain alors que j’étais avant davantage sur la partie contractuelle, administrative et commerciale d’un club, plus près du président au LOU rugby, m’a fait changer d’avis.
Mais c’est aussi un passage obligé. Si demain vous êtes manager, il faut être en capacité de comprendre les facteurs internes et externes d’un club. J’ai aussi appris des choses, mais le terrain me manquait.
Vous avez joué une grande partie de votre carrière à Toulouse qui fait souvent appel à ses anciens joueurs. L’opportunité d’y être entraîneur ne s’est-elle pas présentée ?
Ça a failli se faire au retour d’Australie, mais plein de cases ne se cochaient pas et finalement j’ai signé à Toulon (en décembre 2021, Ndlr). Peut-être que ça se fera plus tard.
Ce serait un rêve d’entraîner le Stade Toulousain ?
Quand on a connu ce club tout petit, ça fait forcément quelque chose et ça parle.
« J’avais envie de travailler avec ce qui se fait de mieux. Stuart Lancaster est la bonne personne pour continuer de me challenger et de progresser »
Quelles sont vos influences en tant qu’entraîneur ?
En termes de jeu, il faut s’inspirer de tout ce qui peut se faire. Je m’inspire beaucoup du XIII, du XV et d’autres sports aussi. J’ai bien sûr un ADN toulousain, mais la pire des choses serait d’arriver avec ma science toulousaine et penser que tout le monde est en capacité de le faire. La force d’un entraîneur, c’est d’observer ses troupes et de pouvoir s’adapter au style de jeu qui conviendrait pour que chacun puisse jouer ensemble.
Il ne faut pas arriver avec sa science infuse. On va amener un système différent avec Stuart Lancaster et les autres entraîneurs, différent de ce que les joueurs ont connu. Je vais essayer de partager toutes mes expériences. J’ai adoré jouer en Afrique du Sud avec un jeu complètement différent. J’ai aussi adoré jouer à Toulon avec un jeu complètement différent aussi. Il faut aussi que le Racing garde son ADN.
C’est un club qui parle, qui a eu son grain de folie, je me rappelle notamment de la finale qu’on a perdue avec Toulon face à eux à Barcelone (en 2016, Ndlr) avec des joueurs rentrant avec le blazer. C’est ça le Racing ! Un club à part. On peut le retranscrire dans le jeu, mais il faut les joueurs pour ça.
Allez-vous changer l’organisation ou le jeu du Racing ?
Ce qui est sûr, c’est qu’on va être exigeant sur ce que l’on veut amener sur l’approche des systèmes pour que les joueurs s’éclatent au maximum. Le plaisir avant tout, c’est comme ça que j’ai toujours fonctionné.
Avez-vous été surpris de faire votre entrée au Musée Grévin en compagnie d’Antoine Dupont ?
C’est sympa et gratifiant d’être associé à Antoine qui représente une génération, avec toute une histoire derrière, même si ça reste une poupée de cire qui peut disparaître à tout moment.
Que vous inspire justement Antoine Dupont ?
Il a révolutionné le poste et est en train de marquer l’histoire. C’est aujourd’hui le meilleur joueur du monde à son poste et il inspire d’autres joueurs. A cet âge-là, arriver aussi vite, faire de telles choses, c’est extraordinaire ! Et il est FRANÇAIS ! Il a la vision, la puissance, la vitesse, une très bonne technique, un esprit tactique pour lui et les autres. Ce qui m’inspire aussi, c’est ce qu’il est en dehors du terrain. C’est quelqu’un qui a la tête sur les épaules, qui a la tête bien faite, qui sait d’où il vient, qui est attachant, un peu à l’image des joueurs de l’équipe de France actuelle. J’espère sincèrement qu’ils seront champions du monde !
N’auriez-vous pas aimé naître un peu plus tard pour jouer avec Antoine et cette génération ?
Ça aurait été marrant de jouer avec Antoine. Il m’aurait trié quelques meilleurs ballons que Jean-Baptiste Elissalde ! (rires)
Au niveau des clubs, êtes-vous bluffé par La Rochelle ? Certains parlent même d’un nouveau Stade Toulousain…
Il ne faut pas comparer, mais c’est fort ce que fait La Rochelle, un club qui se structure depuis 30 ans pour arriver là où il en est aujourd’hui. C’est beau de voir un club français à ce niveau. Maintenant, chaque année est différente. Avec Toulon, on a réussi un triplé en Coupe d’Europe et derrière le club a eu de grosses difficultés. Construire une équipe, c’est encore facile et ça peut aller vite, le plus dur c’est de construire un club. Bravo à La Rochelle qui est vraiment un exemple à suivre.
Quel est votre avis sur l’affaire Haouas ?
Un sportif doit être exemplaire, mais, dans notre pays, il y a une justice et ce ne doit pas être celle des réseaux sociaux et ce n’est pas à nous de condamner. Tout le monde a le droit à une deuxième chance. Le sport est là pour accepter tout le monde. Ce n’est pas parce que quelqu’un fait une erreur qu’il faut l’enterrer. Au contraire, il faut l’accompagner au maximum et accompagner les joueurs avant, pendant et après leur carrière. Beaucoup tombent dans des dépressions et des grandes difficultés. C’est aussi un enjeu de notre sport. Il n’y a pas que le terrain.