vendredi 13 décembre 2024

Jérôme Gallion met le XV de France en garde : « Attention, on n’est pas encore champions du monde ! »

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Jean-Marc Azzola
Jean-Marc Azzola
Journaliste

Figurant parmi les huit premiers entrants dans le hall of fame du RCT, l’ancien demi de mêlée international, Jérôme Gallion (27 sélections, 10 essais) champion de France en 1987 avec le club de la rade est sous le charme du XV de France. Entretien pour Rugby Magazine et Le Quotidien du Sport.

Vous venez de rentrer dans le Hall of Fame du club de Toulon. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?

C’est une grande fierté. Quand on regarde en plus d’un siècle d’existence les joueurs d’une immense qualité qui ont foulé la pelouse du stade Mayol avec le maillot du RCT sur les épaules, c’est même presque anormal. Depuis 20/25 ans et l’arrivée du professionnalisme, on a vu débarquer à Toulon des rugbymen d’une qualité exceptionnelle.

Quand je repense à George Gregan le demi de mêlée australien… Que dire de George Smith, un fabuleux joueur ! Un des plus beaux joueurs que j’ai vus jouer. Sans parler des Wilkinson, Matt Giteau, Bakkies Botha, Ali Williams. Ils ont été des joueurs incroyables. Le professionnalisme a permis de voir ces champions disputer le championnat français. C’était impensable quelques années avant. Donc avoir été choisi, j’en suis tout étonné.

En tant que joueur à Toulon, le titre de 1987 doit rester le moment le plus fort, non ?

Oui mais il y en a eu beaucoup aussi. Quand je suis à Toulon en 1975, je suis accueilli par des joueurs chevronnés comme Christian Carrère, Alain Guilbert. Ils m’ont aidé et guidé dans les premières années. On a ensuite connu une période fabuleuse en accumulant les finales, les demies et même en étant champions. Nous aurions même pu être champions une autre fois en 1985 et 1989. On figurait alors parmi les meilleures équipes en France.

La force que l’on dégageait était reconnue de toutes les autres équipes. Notre grande cohésion collective a trouvé son apogée en 1987. Chacun très déterminé voulait donner le meilleur de lui-même pour faire avancer les autres en élevant sans cesse son niveau de jeu, de sorte que l’équipe soit encore plus compétitive. C’était très bon à sentir.

« Ceux qui pensent déjà qu’on est champions du monde sont amnésiques »

Comme dans cette équipe de France actuelle, non ?

Attention je ne fais aucunement un comparatif entre ce que nous faisions nous, et l’équipe de France de maintenant. Cette équipe de France actuelle est brillantissime. Elle travaille beaucoup à l’entraînement. Elle ne fait pas n’importe quoi sur le terrain. Les joueurs sont bien préparés. Elle a une très bonne lecture du jeu. Chacun sait exactement ce qu’il doit faire. Mais pas seulement les 15 sur le terrain, mais les 40 à l’entraînement. On ne voit pas non plus de moments de flottement quand les remplaçants rentrent. Immédiatement ils sont opérationnels.

Dans le Tournoi, les Anglais se sont vite rendus compte qu’ils étaient dominés dans tous les compartiments. C’est incroyable de jouer aussi bien avec aussi peu de fautes et tant de mouvements de jeu. C’est remarquable à voir et les joueurs progressent au fur et à mesure comme Flament. Dupont lui est encore plus vigilant et clairvoyant. Il prend le jeu à son compte.

La voie vers le titre mondial est-elle toute tracée ?

Il ne faut pas être amnésique non plus. Le match de grande qualité contre les Anglais (victoire 53 à 10, Ndlr) ne doit pas occulter ce que nous avons vu en novembre et même en début du Tournoi contre l’Irlande (défaite 32 à 19, Ndlr). En novembre, à Marseille, on joue contre l’Afrique du Sud (victoire 30 à 26, Ndlr). Ils nous jouent à 14 pendant presque tout le match. Et à peu de choses près, ils gagnent. Ils ont montré d’immenses qualités de jeu et de combat en 2ème période.

Les Sud-Africains sont très dangereux, champions du monde et pas pour rien. On a aussi été battus récemment en Irlande. On a baissé de rythme en 2ème période et eux non. Si on les affronte en Coupe du monde à nouveau, il faudra impérativement élever encore notre niveau de jeu. Ceux qui pensent déjà qu’on est champions du monde sont amnésiques.

Cette équipe de France reste de très grande qualité, mais une Coupe du monde c’est long et sur sept semaines. La grosse erreur serait de se dire soyons surtout prêts physiquement et intellectuellement pour le premier match France-Nouvelle-Zélande. J’aurais préféré qu’on joue des matches plus simples pour nous de sorte à se roder.

Jérôme Gallion admiratif du XV de France

Les Bleus risquent de gaspiller trop d’énergie dès le départ.

C’est surtout que ce match contre les Blacks va imposer à tout le groupe d’être prêt pour ce premier rendez-vous. Or la finale c’est sept semaines plus tard. Cela aurait été plus commode de les jouer en troisième match avant les phases finales pour monter en puissance. Si on n’est pas prêts contre les Néo-Zélandais au premier match et qu’on prend 60 points on aura bonne mine ! Même si on en prenait 30, une remise en question serait préjudiciable à l’esprit de sérénité que veut conserver l’équipe de France.

Sur une Coupe du monde, il faut tout calculer. C’est un ensemble. Il faut aussi surtout garder des forces. C’est long sur des matches à très haute intensité. Si on peut se faciliter les premiers matches, ce serait donc mieux, ce qui permettrait de faire reposer certains cadres.

Comment considérez-vous le retour au premier plan de Charles Ollivon ?

C’est fort. Il a été blessé. La place avait été prise brillamment. Il a su revenir. Le sélectionneur a été intelligent de lui dire : « Tu reviens, mais on laisse le capitanat à Antoine Dupont. Donc c’est une charge de moins et tu peux te concentrer sur ton job ». C’est ce qu’il a très bien fait. Il a été rayonnant pendant ce Tournoi. Il joue très juste et se montre efficace.

Comment classez-vous Antoine Dupont dans la hiérarchie des demis de mêlée tricolores ?

C’est quelqu’un qui a envie de travailler et progresser. Il dégage du gauche et du droit indifféremment alors qu’avant il ne le faisait quasiment que du pied droit. Il est aussi très humble. Cela lui plaît. Il aime la compétition. Il a envie d’être un joueur complet. Antoine Dupont n’est pas un bouffon. Je le trouve remarquable dans ses attitudes. C’est le très beau joueur que chaque entraîneur a envie d’avoir dans son groupe.

Pour finir, quel regard portez-vous sur le management du duo Galthié/Ibañez ?

Galthié est le manager. Il sait parfaitement déléguer certaines tâches. Il a pris les hommes pour. Fabien ne se disperse pas. Il n’y a pas de déperdition. Parfois dans les discours quand les mots reviennent ils peuvent être usants. Lui, le fait qu’il se détache et que chacun des autres officie dans son propre secteur, implique que Galthié n’intervient que sur des choses essentielles. Sa voix porte. A ce moment-là certainement tout le monde se tait.

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