Les champions olympiques français de lutte sont rares. Depuis Henri Deglane, seul Steeve Guénot a réussi l’exploit de se hisser sur la plus haute marche olympique. Retour sur l’odyssée victorieuse historique du Français à Pékin.
L’attente a été longue mais, après 84 ans de disette, Henri Deglane, champion olympique des lourds en 1924 a enfin eu un successeur. Dans un sport qui n’a pas beaucoup de moyens et qui est peu médiatisé en France, tout le pays a suivi la folle épopée du Français Steeve Guénot dans la catégorie des moins de 66 kg, les combats étant programmés à une heure de grande écoute.
Plusieurs fois champion de France, Steeve Guénot avait fait une belle médaille d’argent aux Championnats du monde quelques mois auparavant et tous les espoirs étaient donc permis. Aux JO, il n’a pas un tableau facile puisqu’au 2ème tour il doit affronter un des favoris du Tournoi.
En demi-finale, il bat le Kazakh Darkhan Bayakhmetov, l’un des favoris et en finale Kanatbek Begaliev. « Je suis sûr que, si on refait la compétition, je ne la gagne pas, j’étais très bien au bon moment. En attendant la finale qui se déroulait le soir je suis rentré au village en me disant que j’avais une médaille d’assurée, c’était une forme de soulagement pour moi. »
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Steeve Guenot a franchi les obstacles
« La journée avait été intense. Les qualifications pour les JO sont très difficiles avec seulement 16 qualifiés, seuls les meilleurs passent donc dès les premiers combats vous rencontrez des lutteurs très forts, à peu près les seize premiers mondiaux. Le niveau est très élevé. Ma demi-finale face au Kazakh Darkhan Bayakhmetov, l’un des favoris, a été marquante, mais tous les combats ont été âpres, mon premier match contre un Cubain était aussi compliqué. »
« La finale aussi contre Kanatbek Begaliev mais, le plus dur, c’était au 2ème tour contre le Hongrois Loerincz. Je gagne à l’arraché après une décision arbitrale sur la fin. Il y a eu une erreur, les arbitres sont revenus sur leur décision et j’ai pu gagner, j’ai vraiment cru que j’allais perdre. »
Tout au long de sa journée triomphale, Steeve Guénot fait preuve d’une maitrise bluffante sous les yeux d’Arnaud Romera qui commente pour France Télévisions :
« Il a franchi les obstacles les uns après les autres avec une belle maîtrise. Quand il reste deux combats, je me dis que c’est possible. A la fin de sa demi-finale, notre consultant Didier Favori pète un plomb, il ne tient plus en place en grand passionné qu’il est. Steeve venait de battre le favori kazakh Darkhan Bayakhmetov. Un autre consultant, ancien lutteur, vient voir Didier le prend dans ses bras et lui dit « félicitations, je pense qu’il va gagner » alors qu’il restait un combat et non des moindres puisque c’était la finale. »
« Je suis sûr que, si on refait la compétition, je ne la gagne pas, j’étais très bien au bon moment »
Champion olympique à 21 ans et avec une finale diffusée en prime time en France, il met la lumière sur une discipline qui n’a pas la reconnaissance qu’elle mérite en France et il peut fêter ce succès avec son frère Christophe, médaille de bronze en moins de 74 kg :
« J’avais même eu Nicolas Sarkozy au téléphone, c’était un peu irréel ». Il faut savoir que la lutte est un sport à maturité tardive, ce qui montre la portée de l’exploit du Français qui était encore très jeune. Avec cette médaille d’or, il mettait aussi fin à des années de frustration pour la lutte française.
Le journaliste Arnaud Romera revient sur ce grand moment qu’il a vécu grâce à Steeve Guénot : « Ce titre est la plus belle émotion que j’ai vécue en 20 ans de commentaires. Cela faisait 5-6 jours que la France n’avait pas eu de médaille, le temps commençait à être long puis Steeve Guénot a surgi. Il y avait une belle émulation avec des horaires favorables et beaucoup de téléspectateurs qui se sont pris d’affection pour ce petit bonhomme qui faisait de belles choses. »
« Tout le monde était focalisé sur la lutte. Quand on sait que ce sont des gens qui galèrent, qui n’ont pas trop de revenus, cette mise en lumière était géniale. Beaucoup de sportifs d’autres sports étaient venus voir les combats. Fabien Galthié racontait ses Jeux pour France Télévisions en choisissant chaque jour un évènement, lui aussi avait choisi la lutte. »
Une fois l’euphorie passée, le soufflet retombe malheureusement. L’après titre n’a pas les retombées espérées pour le lutteur ni pour son sport malgré une nouvelle médaille olympique, le bronze, à Londres quatre ans plus tard. Entraîneur national, il forme aujourd’hui ses successeurs.
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