vendredi 13 décembre 2024

Joanna Grisez : « Pourquoi ne pas passer définitivement au rugby à 15 après les Jeux ? »

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Arnaud Bertrande
Arnaud Bertrande
Rédacteur en chef — Pole Sport Lafont presse

Médaillée de bronze lors de la coupe du monde à 7, Joanna Grisez, l’arrière de 26 ans a fêté ses premières capes à 15 dans la foulée avec une nouvelle médaille de bronze mondiale. Entretien réalisé pour Rugby Magazine et Le Quotidien du Sport.

Terminer 3ème de la Coupe du monde, donc sur une victoire, est-ce mieux que d’être battu en finale ?

C’est compliqué de se satisfaire de cette 3ème place surtout au vu du match de la demi-finale. On rejoue dix fois ce match, on le gagne neuf fois ! On serait bien allé en finale ! Après, il faut rester positif, une 3ème place, ça reste une médaille. Il faut en être fier car on a réussi à passer outre ce qui est arrivé en demi, mais il y a quand même beaucoup de frustration et d’amertume.

C’est la 3ème fois de suite, la 7ème en 9 éditions que la France termine 3ème. Pourquoi n’arrive-t-elle pas à passer ce cap ?

En termes de régularité, ça reste une belle performance, maintenant il faut trouver la clé pour passer ces demis. On bute à chaque fois dessus. C’est néanmoins la première fois où on est passé aussi proche de passer. Le destin en a décidé autrement…

Que manque-t-il selon vous pour battre l’Angleterre et la Nouvelle-Zélande ?

Contre les Anglaises, on avait encore une attaque très timide. Au fur et à mesure de la compétition, on a réussi à se libérer et à trouver des solutions offensives. On perd 13 à 7 contre l’Angleterre en ayant jamais le ballon donc on se dit qu’en fin de compétition les choses auraient pu être différentes. Quant à la Nouvelle-Zélande (25-24), les planètes n’étaient pas alignées… Il nous a manqué un peu de chance.

Joanna Grisez déçue par la 3ème place des Bleues

La victoire finale de la Nouvelle-Zélande atténue-t-elle la déception ?

On n’est pas très fans des Anglaises dû à notre historique rugby, on est donc plutôt content que la Nouvelle-Zélande ait gagné, mais c’est d’autant plus dur de se dire qu’elles gagnent alors qu’à une pénalité et des petits détails près c’est nous qui sommes en finale et qui aurions pu être championnes du monde.

Le but, est-ce un point faible des Bleues ?

Non, car ce genre de pénalité Caroline les passe et elle a un bon taux de réussite sur cette Coupe du monde. Mais, même pour les meilleurs, avoir toute la pression d’une équipe à la 79ème sur une pénalité, il faut mesurer toute cette pression et il fallait avoir le courage de la taper.

Vous êtes-vous vu en finale avant qu’elle ne la tire ?

Oui et non (sourire). On est passé par tellement d’émotions durant le match. On s’est vu aller en finale comme ne pas y aller… A ce moment-là, il ne se passait plus grand-chose dans nos têtes. Ça a été un moment de vide.

Quelle image garderez-vous de cette Coupe du monde ?

Je garde ce match contre la Nouvelle-Zélande. On ne le ressentira peut-être pas tout de suite, mais c’est un match référence, il a fait basculer beaucoup de choses, il y a eu beaucoup de retombées autour du rugby féminin et sur ce qu’il peut apporter pour la suite. J’espère que ce sera un déclic et qu’on arrivera à bâtir sur ce qu’il s’est passé à la Coupe du monde.

Vous êtes-vous prise en photo avec Dan Carter comme certaines de vos coéquipières ?

Non, je devais être aux soins à ce moment-là, mais je suis très contente qu’il a pu se libérer pour venir nous voir. Beaucoup de filles avaient très envie de le voir !

Qui est votre modèle ?

Au niveau rugby, je n’en ai pas trop car je suis venue tard au rugby. Je me suis plus construite autour de sportives comme Serena Williams ou Amélie Mauresmo.

« On rejoue dix fois ce match contre la Nouvelle-Zélande, on le gagne neuf fois ! »

Première Coupe du monde, et même premières sélections à 15 durant cette Coupe du monde et vous terminez meilleure marqueuse française. Le rêve !

L’histoire est belle et quand on ne s’y attend pas c’est une aventure d’autant plus inoubliable.

A 26 ans, espériez-vous être appelée en équipe de France à 15 ?

Je l’espérais, mais je ne comptais pas trop dessus car ça faisait un moment que je n’avais pas joué à 15, avec le 7 c’était quasiment impossible de retourner en club. Je m’étais dit pourquoi pas, mais plus après le 7 ; Je n’avais pas fait une croix dessus, mais je ne m’y attendais pas maintenant.

Comment avez-vous réagi à l’annonce de votre sélection ?

Je suis un peu tombée des nues. Je l’ai appris juste après la 3ème place au Cap. Si des septistes étaient appelées, je misais sur d’autres joueuses. J’étais donc contente pour moi, mais déçues pour elles. J’avais du mal à réaliser que je venais de terminer une Coupe du monde et que j’allais enchaîner avec une deuxième !

A l’arrivée, ça fait deux 3èmes places !

(sourire) C’est sympa, mais j’avoue que j’aurais troqué une seule médaille d’or pour deux de bronze…

Laquelle vous laisse le plus de regrets ?

Les deux ont une saveur et une histoire différente.

A 7 comme à 15, ce sont les Blacks qui vous ont éliminée en demi-finales…

A 7, on est passé à côté de notre match. Mais, sur le circuit, notre place, c’est 3ème donc cette 3ème place a été, entre guillemets, plus simple à digérer alors qu’à 15, par contre, à pas grand-chose près, on était en finale.

Quel est votre programme désormais ?

Je vais retourner à 7. Je vais reprendre la prépa et j’espère faire partie de l’équipe en janvier pour la tournée en Nouvelle-Zélande et en Australie.

Joanna Grisez de retour au Rugby à 7

Cette Coupe du monde ne vous a-t-elle pas donné envie de revenir à 15 ?

Mon objectif principal, c’est 2024, et d’être championne olympique, et pour être performante à Paris il va falloir travailler et on ne peut pas switcher au dernier moment du 15 au 7. C’est moins facile de passer du 15 au 7 que du 7 au 15.Ce ne sont pas du tout les mêmes attentes, ni le même sport, ne serait-ce que physiquement. Après les Jeux à Paris, peut-être que j’envisagerai une saison complète à 15 pour prétendre à la Coupe du Monde 2025 (en Angleterre, Ndlr).

Championne olympique en 2024 à 7 et du monde à 15 en 2025…

Ce serait l’idéal ! Je pourrai arrêter là-dessus.

Vivez-vous aujourd’hui à 100% du rugby ?

A 7, on est professionnel et on vit du rugby même si, la plupart, nous faisons des études à côté. J’ai fini une partie de mes études, mais je continue sur quelque chose qui n’a rien à voir pour continuer de me former pour avoir plusieurs pistes de reconversion quand le rugby s’arrêtera. J’ai fait une première licence en STAPS en entraînement sportif. Derrière, j’ai refait une licence en STAPS management du sport. Ensuite, j’ai validé un Masters en management du sport et cette année je fais une préparation artistique et derrière une formation en décoration intérieur.

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