Lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion du hall of fame du RCT, l’ancienne icône anglaise de Toulon (champion de France en 2014, champion d’Europe en 2013 et 2014), champion du monde en 2003, s’est livrée.
A l’occasion du Hall of Fame, vous avez retrouvé bon nombre d’anciens autres grands joueurs du RCT.
Cela reste toujours une expérience magique que de revoir les anciens équipiers. C’est tellement super de passer un peu de temps ensemble. On a créé un lien très fort. Il a été renforcé par les périodes difficiles qu’on a endurées, par les challenges qu’on a relevés.
Quand on avait des moments de faiblesse, qu’on traversait des périodes de doute, il fallait se remettre en question, il fallait impérativement aller puiser dans ce qu’on avait de plus profond en soi. Finalement, c’était le plus important. Car quand on réussit ce qu’on entreprend, quand on voit ces sourires sur les visages, c’est vraiment ce qui est beau.
C’est tellement spécial. Je me retrouve devant vous et pourtant pendant des années (entre 2009 et 2014, Ndlr), je n’ai quasiment pas fait de conférences de presse. Mais ce qui est intéressant, c’est de remarquer que l’esprit est resté.
C’est comme si on rentrait chez nous et que rien n’avait changé. Ici la passion pour le sport et le rugby est restée à l’identique. Et malgré tout ce qu’on a fait ensemble, quand on se revoit après tant d’années, on serait même prêts à reprendre l’entraînement !
Il existait une grande symbiose entre vous, joueurs. Au-delà des titres, quand vous y repensez, vous vous dîtes quoi ?
C’était très fun. Mais, pour être honnête, il existait des moments super compliqués également. Finalement, à y repenser, ce n’était pas toujours fun. C’est super maintenant car cela ne l’était pas tout le temps et toujours avant. Il y avait des moments super compliqués notamment quand Bernard (Laporte) hurlait (rires).
On se posait beaucoup de questions et on se remettait souvent en question. Mais l’image qui me reste surtout est qu’on était tous animés par une volonté incroyable. Quand on reparle de cela avec Bakkies (Botha, Ndlr), Matt Giteau, Joe van Niekerk, on était vraiment là pour gagner. Mais pas que. Pour explorer aussi en profondeur le talent individuel en chacun de nous.
Et pour ceux qui étaient aussi avec nous, qui venaient même de différents coins de la planète et contre lesquels on avait joués aussi, il existait comme une forme de compétition interne entre nous qui s’était instaurée. On voulait constamment montrer la raison pour laquelle on était présent, afin que nos équipiers puissent le voir.
En fait, les joueurs n’avaient aucun moment de repos. Chaque match donnait la possibilité à un joueur de démontrer qui il était. Entre la détermination et le respect qu’on avait les uns pour les autres, ce bon mix a constitué un mélange gagnant.
« La victoire en coupe d’Europe a changé notre chemin »
En 2013, vous remportez la première Coupe d’Europe dans l’histoire du club. Avez-vous une anecdote concernant la finale ?
Avec Joe van Niekerk, on était les capitaines. Avant le match contre Clermont (finale 16-15, Ndlr), pendant l’échauffement, je n’étais pas bon du tout au pied. J’avais même un peu la tête en vrac. Je suis alors rentré au vestiaire et je me suis dit : « Qu’est-ce que je fais ? » Appeler mon entraîneur en Angleterre spécialiste du jeu au pied ? Je suis allé dans les toilettes avec mon portable, mais à quoi bon mon entraîneur m’aurait répondu quoi ? Bon courage…
Avant de sortir des vestiaires, Joe parlait aux équipiers en cercle et s’est exclamé : « Mais Jonny tu es où toi ? » Je suis alors sorti des toilettes en cachant puis en mettant mon portable dans mon sac. Je suis alors rentré dans le cercle. Je ne pouvais plus reculer. J’écoutais le discours de Joe. J’ai regardé les gars dans les yeux. Ils étaient prêts à tout donner.
J’étais en souffrance, mais je devais absolument sauver l’équipe avec mes coups de pied. Je me suis dit allez on y va. C’est dans des moments comme ceux-là que tu te dis que tu as besoin des coéquipiers. Clermont avait réalisé une saison magnifique. Pendant 70 minutes, cette finale était pour eux. On s’en est sortis les dix dernières. Cette victoire a changé notre chemin.
Qu’est-ce qui a le plus changé entre le rugby actuel et celui d’il y a dix ans ?
Beaucoup de choses. Mais l’aspect fitness est vraiment exacerbé. Les joueurs actuels ne sont peut-être pas plus grands, mais ils sont particulièrement solides, physiques. La vitesse est très constante et les impacts sont juste plus forts. Ils sont aussi plus répétitifs.
On ne joue plus exactement de la même manière non plus. Les défenses montent de plus en plus vite et davantage de l’extérieur vers l’intérieur. Les tactiques et les stratégies sont modifiées aussi. Par contre, ce qui n’a pas changé et qui est remarquable à mon sens, est qu’on ne connecte pas les joueurs par le jeu, mais plus par le feeling.
Cela a été conservé et c’est primordial. Qu’on parle avec Dan Biggar ou Sergio Parisse, leur expérience avant le match ou pendant est la même. Le coup de pied en lui-même est un peu similaire, mais les attaques et les défenses c’est quand même différent. Je me suis entraîné un peu avec les gars ce jour, mais à un moment donné je me suis posé la question : « Mais comprends-tu vraiment ce qui se passe ? »
Avec un peu de temps, je pourrais le faire, mais les mouvements sont quand même différents. J’en parlais d’ailleurs avec Fred Michalak. Cela bouge vite. Cela ressemble pas mal à ce qui se pratique en rugby à XIII. Il y a beaucoup de joueurs qui suivent le ballon.
Quand on jouait nous, les défenses montaient certes très rapidement, mais cela nous était beaucoup plus possible de jouer devant la défense. En tant que n°10 maintenant, si tu avances avec le ballon en main, rien n’est possible avec ce qui vient de l’extérieur. A partir de là, il faut exactement savoir ce que tu veux faire, comment tu vas le faire et avec les joueurs placés là où il faut. Les joueurs sont de plus en plus précis. Ils ont vraiment intérêt à l’être car les défenses sont très agressives et montent excessivement rapidement.
Quel sentiment vous laisse l’équipe actuelle de Toulon ?
C’est toujours la même chose. Les choses essentielles sont le feeling et l’énergie. Je trouve qu’il y a une énergie intéressante dans ce groupe. Quand on est animés par cela, tout est possible. La clé est évidemment aussi que les joueurs puissent exprimer leur potentiel.