Plusieurs clubs de Nationale en 2023/2024 ont manqué à l’appel à la reprise. Pour pas mal d’entre eux, le problème concerne aussi le Nationale 2, l’autre division semi-professionnelle, le déficit financier en a été la cause.
Et la rétrogradation la conséquence. Hyères-Carqueiranne-La Crau avec plusieurs centaines de milliers d’euros de trou par exemple a été placé en liquidation. Les frères Fickou, eux, avaient pris la présidence de la Seyne en 2019. Ils ont passé la main depuis janvier. Le club varois vient de débuter son championnat… en Fédérale 1.
Bruno Delpech, président du Blagnac Sporting Club Rugby depuis mi-mars, revient sur les derniers mois très mouvementés traversés par ce club de la région Occitanie :
« Fin janvier, le club a fait une liquidation financière de la SAS. Malgré tout, il a continué de fonctionner. On compte 800 licenciés. Cela n’a impacté que l’équipe 1 qui était en Nationale et les espoirs. Tout le reste de l’activité du club a continué. Le club s’est retrouvé sans président de la SAS (Luc Vignolle, Ndlr). »
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Faisant suite à la chute de pas mal de clubs la saison dernière, faut-il réformer les championnats semi-professionnels ?
« En février, sous l’impulsion de la mairie, un petit groupe d’anciens joueurs s’est réuni. Cela a débouché sur un groupe de travail autour de moi, pour déjà finir la saison concernant toutes les activités du club, dont l’équipe 1 féminine toujours présente en championnat. Il a fallu ensuite recréer une équipe 1 garçons et espoirs. »
« Tout en ne sachant pas à quel niveau on allait être remis. Aujourd’hui, on compte 18 membres du comité directeur. Le championnat a changé les statuts depuis mars. On a aussi fait amende honorable auprès de la DNACG. On est passé devant les commissions sportive, financière et disciplinaire. Celle disciplinaire voulait au départ nous rétrograder beaucoup plus bas. »
« Le fait qu’on ait apporté des dossiers leur convenant, ils nous ont permis de repartir en Fédérale 1. Nous ne voulions pas repartir ni plus haut, ni plus bas. On redémarre d’une feuille blanche en ce qui concerne les garçons. Ils repartent avec beaucoup d’humilité en Fédérale 1 autour de Christophe Deylaud que j’ai fait revenir. Notre ambition est de reconstruire en Fédérale 1 cette année et de réintégrer rapidement la N2 ». Le cas de Blagnac n’est donc pas isolé dans ce championnat de Nationale.
Mieux répartir les droits télés ?
Les difficultés de beaucoup de clubs de cette division sont multifactoriels : « Il y a beaucoup de clubs en difficulté en Nationale, insiste Delpech. Aujourd’hui, la tendance est que, de plus en plus, les clubs se renforcent (avec des salaires qui se rapprochent de la Pro D2, les droits télés et la billetterie en moins, Ndlr). C’est pyramidal. On le voit en Top 14. Dans l’élite, tous les budgets augmentent. Le Stade Toulousain, notre grand frère, a un budget qui tourne autour des 50 millions d’euros. »
« Cependant, on voit aussi qu’en Pro D2, cela devient de plus en plus compliqué. Nos amis de Colomiers ont été obligés de baisser leur budget de plus d’un million (7,9 millions d’euros, Ndlr). Le Nationale et le Nationale 2 sont des niveaux professionnels. Il faut avoir l’argent, c’est le maître mot. Déjà économiquement parlant la France ne va pas très bien. »
« Les partenaires deviennent de plus en plus frileux pour mettre de l’argent dans ce sport – au-delà des grandes vitrines comme le Stade Toulousain – et ce n’est pas parce que vous avez écrit Airbus sur le maillot qu’ils vont vendre beaucoup plus d’avions. Il faut essayer alors de trouver d’autres créneaux en gérant ce qu’on fait soi-même et en partant sur des budgets bouclés (et plus raisonnables, Ndlr). »
« Car de nos jours beaucoup de clubs partent plutôt sur des budgets prévisionnels. Il suffit que quelques entrepreneurs se retirent… C’est ce qui s’est passé à Blagnac. Trois, quatre gros partenaires s’étaient engagés par oral et non par écrit à donner certaines sommes. Elles ne sont jamais arrivées. Le budget prévisionnel n’est pas rentré alors que les dépenses étaient déjà établies. »
« Si on dépense 200 et qu’on gagne 100, à un moment donné cela coince. Cela a coincé à Blagnac, à Hyères Carqueiranne beaucoup aussi. En Nationale, il y a quelques clubs qui restent très structurés comme Albi, Bourgoin, Narbonne et même Nice qui a fini par monter en Pro D2. Derrière, il y a de gros entrepreneurs que nous n’avons pas ».
« Un déplacement coûte entre 20 et 30 000 euros »
Et le président de Blagnac de mettre en évidence certaines difficultés et qui ne touchent pas que son club : « Ce qui coûte excessivement cher, ce sont les déplacements. Quand notre équipe féminine se déplace à Lille, ainsi que les espoirs, vous faîtes déplacer 60 personnes avec le staff. Le week-end vous coûte une fortune. Il faut compter entre 20 et 30 000 euros. »
« C’est le train et parfois c’est moins cher de prendre l’avion. On essaie de le faire sur la journée. Même un club comme Lyon, car on va bientôt recevoir l’équipe féminine, ils ont demandé à déplacer le match pour pouvoir faire le trajet dans la journée et donc pour ne pas payer l’hôtel le soir. »
« Et c’est Lyon ! Il y a des incohérences et des choses à réfléchir. Il y a notamment des poules compliquées. Quand vous en avez une, unique de 14 clubs, et que vous êtes un club amateur car vous n’avez que 6 contrats professionnels avec des pluri-actifs, c’est hyper compliqué à gérer ».
Un autre problème majeur se pose dans cette division : “La question des droits télés en Nationale. Puisqu’il y en a pas ! Ils ne commencent qu’en Pro D2. Nous étions aussi à Blagnac, le seul club de Nationale à ne pas être professionnel. C’est une véritable course à l’armement. Sans oublier qu’on était un peu le Village gaulois avec aucun étranger et 6 à 8 gamins du club dans l’équipe. »
« Quand est arrivé ce qui est arrivé, les clubs de Nationale voire de Pro D2 se sont jetés sur nos joueurs, de purs produits blagnacais. Ugo Seunes par exemple qui a signé à Aurillac, il a mis entre parenthèses son travail d’ingénieur à l’aérospatiale, donc son travail, pour vivre sa passion, le rugby. Et il y en a bien d’autres aussi qui font la même chose ».
Il apparaît donc clairement qu’un fossé se creuse de plus en plus entre des clubs de Top 14 soutenus par des mécènes et d’autres de divisions inférieures en proie à des crises financières. Ce problème de répartition des richesses, et notamment des droits télés, entre les forces de notre rugby, est criant :
« Monsieur Altrad par exemple met beaucoup d’argent au MHR. De même pour Monsieur Lorenzetti dans son club (Racing 92, Ndlr). L’exception qui confirme la règle est le Stade Toulousain. Ils ont une bonne gestion. J’ai rencontré Didier Lacroix plusieurs fois. On aimerait s’inspirer de ce modèle géré par des gens du rugby ayant les codes. On va essayer de retrouver notre rang de troisième club de la Haute-Garonne derrière Toulouse et Colomiers. Ce qui a toujours fait notre réputation c’est notre centre de formation ».
Quand on regarde actuellement le classement de Nationale, les deux clubs audois de Carcassonne et Narbonne mènent la danse. Deux entités fortes du rugby français, qui, il n’y a pas longtemps étaient bien ancrées en Pro D2. Tout un symbole…